dimanche 15 juin 2025

À quoi bon des artistes en ces temps de détresse ?

Mille Grâce, mille larmes de joie !


A propos de l'exposition Des ciels tombés du Ciel ! de Saskia Weyts et de Robert Empain à la Galerie  Grâce à Bruxelles du 05 au 22 juin 2025.



      Les racines et les causes de la crise profonde que nous endurons et la mutation de civilisation que nous    traversons, sont selon nous essentiellement spirituelles.

"La pensée moderne, écrivait le philosophe Michel Henry en 1996, repose sur la connaissance scientifique et non sur la connaissance que l'homme peut avoir de sa propre essence. Dans le champ ouvert par la science moderne l'homme en tant que tel n'existe pas, une négation qui équivaut à celle de Dieu - un réductionisme non voulu par la science mais inévitable et effectif. La défense de l'homme véritable, transcendental, est la tâche de la philosophie, mais la pensée moderne l'a trop oubliée. Que reste t'il de l'homme hors de la Vérité de la Vie, dans la vérité de ce monde qui aujourd'hui est d'une certaine façon l'Anté-Christ et dont l'agir est réduit à la technique, faisant de l'homme un automate ? Toutefois les hommes voudront mourir et non la Vie"


Vue de l'exposition à la galerie Grâce à Bruxelles


    Nous assistons à l'agonie de ce système nihiliste et à la mutation de notre civilisation, en d'autres termes à une apocalypse au sens propre d'un effondrement accompagné d'une révélation et d'une mutation spirituelle de l'humanité. Mutation qu'appelaient de leur voeux et préparaient par leurs oeuvres les grands esprits du XXe siècle...

    Comme tout homme, l'artiste véritable est appelé par une voix intérieure, une vocation à laquelle il ne peut se dérober si elle lui vient non pas du monde mais de l'Esprit qui lui donna ses dons avec la vie, le guidant tout au long de sa pérégrination terrestre vers son accomplissement en Humanité. Pour le chrétien que je suis, l'accomplissement de l'Humanité en tout être humain se nomme la Seconde naissance en Esprit, c'est-à-ditre la reconnaissance de sa filiation divine, sa Naissance agréée en Dieu, comme nous le révéla Jésus Christ lors de sa rencontre nocturne et avec le lettré Nicodème. Jean 3, 1-21

 


Saskia Weyts. Ouverture du Ciel dans la nuit. 2004/ 2025

    Si de nos jours, de tels artistes existent, ils sont peu nombreux et agissent en marge du sytème mondialiste de l'art qui a réduit les artistes, souvent sympathiques, talentueux et habiles, à fabriquer servilement, massivement et profitablement des produits artistiques pour un marché de l'art mondialisé, ces produits constituant un Fond d'investissement parmi d'autres pour les très riches, une monnaie mafieuse en somme, spéculative et convertible, appelée Art contemporain.

    De plus en plus de gens sont conscients de cette réalité tragique de l'art de notre temps, de sa déchéance    concomitante à celle de l'Humanité en l'homme, elle même liée, comme je le rappelle ci- dessus, à la destruction de sa Nature humaine par la négation de sa Nature divine originaire, et par cela absolument sacrée.

    Je pense que la plupart des lecteurs de ce blog ne sont pas éloignés de cette vision spirituelle de la crise actuelle et de l'épreuve décisive que traverse notre Humanité, en chacun comme en tous.

 

Robert Empain. J'apparaîtrai dans la nuée. Tempéra sur carton. 60x80 2025
 

 

   

    C'est pourquoi, nous vous invitons à venir nombreux pour voir exposition de notre travail à la Galerie Grâce, un lieu que nous avons créée en 2003 à Bruxelles, en marge du système de l'art, pour y faire vivre un art spirituel pour les vivants, un art qui vient et nous vient par la grâce de notre Créateur.


Catalogue et prix à la demande à grace.gallery@icloud.com
Merci de votre bienveillante attention 



 

vendredi 6 juin 2025

Des ciels tombés du Ciel dans les yeux et le cœur de Annelies A.A. Vanbelle.

                                    Annelies A.A. Vanbelle est poète, journaliste et critique d'art 

Texte original en néerlandais, traduction français ci-dessous

        In Galerie Grâce in Brussel stellen twee kunstenaars tentoon die ik in mijn hart draag:Robert Empain & Saskia Weyts, toevallig ook een liefdeskoppel. Ze werken afwisselend in Belgie/Frankrijk/Portugal en vooral dat laatste land ademt door in het werk van Saskia, die op een erg vrouwelijke en ontvangende manier creëert, en in nauwe verbinding met de natuur. Robert werkt meer verhalend en mystiek, geschraagd door een grote bijbels-filosofische kennis.


        Het huwelijk van hun werken is zo vanzelfsprekend dat je soms een beetje verdwaalt tussen hun identiteiten, en vergeet wie welk werk heeft gemaakt. Dat heeft vooral te maken met de verfijning die ze delen, met de geestelijke rijkdom waarop ze beiden teren, want hun werk is daarnaast ook heel verschillend. Doch de verstilling van de ziel, die nodig is om werken met dergelijke hoge vibratie te maken, is wel steeds aanwezig.


Saskia Weyts. 2024

    Dat voel je ook meteen als je de galerie binnenstapt — een sfeer die niet van deze wereld is, een puurheid en echtheid die je nog zelden vindt. Zoveel licht... De werken zijn ook zeer bedachtzaam en ritmisch opgehangen, met genoeg ademruimte om ze stuk voor stuk en toch in correlatie te kunnen opnemen. Loop gerust eens binnen als je in hartje Brussel bent de komende tijd, Saskia & Robert zullen je met open armen ontvangen op hun expo ‘Des ciels tombés du Ciel'.

Luisteren naar God, naar wat ons uit de hemelen gegeven wordt, en dat op papier krijgen — het is niet iedereen gegeven.


Saskia Weyts. 2025


   

     La Galerie Grâce à Bruxelles expose deux artistes que je porte dans mon cœur : Saskia Weyts & Robert Empain, qui se trouve être aussi un couple d'amour. Ils travaillent en alternance en Belgique, France et Portugal et ce dernier pays respire dans le travail de la Saskia, qui crée de manière très féminine et très réceptive, en étroite relation avec la nature. Le travail de Robert est plus narratif et mystique, nourrit par des grandes connaissances philosophiques et bibliques

Le mariage de leurs œuvres est tellement évident que parfois on se perd un peu entre leurs identités, et on oublie qui a créé quel travail. 

Il faut essentiellement voir le raffinement qu'ils partagent, leur richesse spirituelle à tous deux alors que leur travail demeure très différent. L'alignement de l'âme est nécessaire ici pour résonner avec une vibration aussi élevée et toujours présente.


Robert Empain. 2025


Robert Empain. 2025

Vous sentez immédiatement en entrant dans la galerie une atmosphère qui sort de ce monde, une pureté et une authenticité rarement trouvées. Tant de lumière... Les œuvres sont également accrochées de façon très réfléchie et rythmé, l'espace de respiration permet de maintenir chaque pièce en elle-même et en corrélation avec les autres.

Si vous êtes au cœur de Bruxelles dans un avenir proche, n'hésitez pas à entrer à la Galerie Grâce, Saskia & Robert vous accueilleront à bras ouverts dans leurs ciels tombés du ciel ! Annelies A.A. Vanbelle 


dimanche 18 mai 2025

Des ciels tombés du Ciel ! Exposition de Saskia Weyts et de Robert Empain à la Galerie Grâce de Bruxelles.


    La Galerie Grâce a le plaisir de vous annoncer l'exposition de Saskia Weyts & Robert Empain. Deux artistes inspirés qui se sont connus en 2003 en cette galerie même et ne se sont plus quittés depuis, partageant leurs vies, nourrissant mutuellement leur inspiration tout en conjuguant leur engagement pour un art spirituel en ces temps apocalyptiques, d'effondrement, de révélation et de mutation de la civilisation. 

Un catalogue papier présentant une introduction à cette exposition et une cinquantaine de travaux est édité à cette occasion et sera envoyé en version numérique sur simple demande à la Galerie Grâce. L'introduction et quelques travaux sont publié ici. 

Vernissage le jeudi 05 juin 2025 - 17h00–21h00 / Ouverture 06 - 22 juin - vendredis - samedis - dimanches 11h00 -19h00



Saskia Weyts. Mariage au Ciel. Huile sur papier. 40x80cm. 2024



Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre. 

La terre était informe et vide: il y avait des ténèbres à la surface de l'abîme, 

et l'esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux. 

Dieu dit: Que la lumière soit ! Et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne; 

et Dieu sépara la lumière d'avec les ténèbres. 

Dieu appela la lumière jour, et il appela les ténèbres nuit. 

Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin: ce fut le premier jour. Genèse  1, 1-5


Ce qui nous tombe du Ciel c’est le soleil et la terre et tout autour les ciels de toutes les   couleurs et les mers immenses sur lesquelles se mirent les splendeurs de la Création. Ce qui nous tombe du Ciel c’est la vastitude des terres éblouies desquelles jaillissent les montagnes, les sources, les fleuves, les vallées, les lacs, les plaines, les forets, les arbres, les fleurs, les fruits, les oiseaux, les poissons, les animaux et milles autres créatures vivantes. Ce qui nous tombe du Ciel c’est la lumière du jour qui donne vie à tout cela et se retire la nuit pour nous dévoiler le miracle infini de l’univers. Ce qui nous tombe du Ciel c’est la beauté de la Création qui nous révèle la Beauté de son Créateur. Ce qui nous tombe du Ciel c’est la vie, la Vie divine donnée à tout homme pour qu’au-delà du créé il puisse connaître et naitre dans le Ciel incréé d’où il vient. Ce qui nous tombe du Ciel c’est la grâce de pouvoir témoigner de ces merveilles tombées du Ciel dans nos yeux, dans nos mains et nos modestes œuvres en vue de nous ouvrir quelque peu la Voie de l’Amour inconcevable. Dans cet esprit et cette intention, Saskia Weyts et Robert Empain ont rassemblé pour cette exposition des œuvres récentes et anciennes sur ce thème des ciels tombés du Ciel.




Saskia Weyts. Ciel ouvert dans la Nuit.  Huile sur papier. 30x40cm. 2024


Tout ce que est en Haut est en bas. Hermes Trismégiste


Que n’ai-je que je n’aie reçu ? Saint Paul


Depuis toujours, Saskia Weyts s’émerveille de la beauté inépuisable de la nature, elle s’en imprègne longuement et nourrit ses créations de la créativité illimitée de la Création qui l’entoure. Saskia n’imite pas la nature créée de manière naturaliste, elle cherche à poursuivre la Création en prolongeant ses gestes, en recevant ses énergies, en recueillant les forces qui créent les formes, les vibrations lumineuses que révèlent les couleurs, en pénétrant les matières, en guidant les fluides comme le fond de mille façons les eaux tombées du ciel, jaillissant des sources et courant sur la terre vers l’océan en se mélangeant à l’infini. Ce faisant, Saskia révèle les potentialités inépuisables qui nous relient à la Puissance créatrice à l’œuvre sur cette Terre comme au fond vivant de nous-mêmes. Ces séjours fréquents au Portugal depuis 2012, où elle installa un atelier dans une nature protégée au bord de l’Océan Atlantique, l’ont mis en étroite relation avec une nature surpuissante, une lumière éblouissante, des paysages et des ciels sublimes qui ont profondément inspiré son travail. Cet hiver, ces ciels lui ont offert une série de peintures tombées du Ciel dans ses mains accueillantes. Grâce à eux et à elle. 



Saskia Weyts. Fureur du Ciel. Huile sur papier. 30x40cm. 2024

                     Le désir de vérité de l'âme ne peut être réduit au silence, car il est l'essence même de la liberté. 

La connaissance est illimitée, et chaque esprit recèle un potentiel de sagesse infinie. 

Le cosmos est un miroir du divin, une vaste tapisserie tissée d'ombre et de lumière. 

Par la quête de la connaissance, nous parvenons à comprendre notre propre nature divine, découvrant que nous sommes à la fois créateur et création. Giordano Bruno 



        
 Robert Empain. 
Prière avec l'ange. Tempéra sur papier 80x120 cm. 2004 - 2025

    

                                                                                                

Pour Robert Empain, le cœur du Sujet est l’Homme, précisément sa Nature humaine oubliée, reniée, dégénérée et menacée comme jamais, alors que tout homme est fait à l’image de Dieu; à savoir vivant et libre de connaître et d’aimer ce Don divin qui donne tout être humain à lui-même pour qu’il multiplie ce Don.  


A quinze ans, alors qu’il commence ses études d’art, Robert Empain découvre à Gand et à Bruges la peinture des primitifs flamands et italiens. Cette rencontre lui révèle que certaines œuvres d’art, les chefs-d’œuvre, agissent comme des apparitions, comme des appels célestes, des ouvertures sur l’invisible, ou comme des ciels tombés du Ciel, comme l’évoque le titre de cette exposition, c’est-à-dire des révélations, des théophanies susceptibles de révéler à l’homme la Nature divine de sa Nature humaine.


Depuis ce jour de 1964, Robert Empain n’a cessé d'approfondir cette expérience fondatrice et de consacrer sa vie et son œuvre d’artiste et de poète à témoigner de la haute et très nécessaire vocation spirituelle de l’art alors que cette vocation est oubliée sinon méprisée par cette époque et que l’homme post-moderne, et bientôt trans-humain, atteint le fond de sa déchéance et de sa perdition par la négation de sa véritable Nature.                  


Les travaux anciens et les plus récents qu’il propose pour cette exposition traduisent pour les premiers sa vision de la négation moderne de l’homme par lui-même, autrement dit le nihilisme en phase terminale, et pour les seconds, plus récents, la Voie de Salut que nous offre la Révélation chrétienne qui complète et accomplit les révélations antérieures confiées aux grandes traditions spirituelles. Car de tout temps, la connaissance que peut avoir l’homme de son Essence, de sa Nature humaine véritable, de sa filiation divine, n’a pu s’obtenir que par la Voie de révélation, de révélations répétées, inspirations directes, miracles et théophanies venues du Ciel de Dieu et transmises par ses messagers, les anges, les prophètes, les Écritures, les preuves vivantes que sont des saintes, les saints, et les personnes de cœur, tous messagers parmi lesquels il faut compter des artistes, des musiciens et des poètes. Grâce



 Robert Empain. 
Prière de Dieu, prière de l’homme, prière de la Création. Tempéra sur papier. 48x65cm. 2025 

        

                   


Robert Empain. La Chute Caséine sur toile. 80x120cm. 1990 / 2025 


          

L’art est un médiateur de l’indicible ; vouloir le communiquer à son tour  par des mots semble donc insensé. Cependant, lorsque nous nous y efforçons, la raison en retire maint bénéfice 

qui, en retour,  profite aussi à la faculté exécutante. Goethe

   

 La réalité suffisamment contemplée devient miracle. Henry Corbin


Dieu ne joue ni ne calcule au moment de procéder à la Création ou de s’incarner ; de cette entre-vison, 

le peintre prend naissance et pense le renversement de l’azur. Jad Hatem


La nouveauté ne peut pas venir du monde des possibilités déjà éprouvées, mais de l’instauration 

de nouvelles possibilités par la liberté créatrice, pour faire éclater la nouveauté de la vie. 

Jean-François Froger



Que Votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel». Le Notre Père 


_________


Le catalogue présente une cinquantaine d'œuvres quelques œuvres complémentaires 

 seront présentées à la galerie ou sur son site :  https://galeriegrace.blog


Pour connaître le prix, déposer une option ou réservez une oeuvre veuillez contacter la galerie Grâce : 

grace.gallery@icloud.com  : Tel : +32 486860071


Livraisons postales assurées en Belgique et à l’étranger. 

___


Galerie Grâce. Impasse du Val des Rose, 4 1000 Bruxelles





mercredi 30 avril 2025

Du combat spirituel à la déification

 Grâce à Jean-François Froger

Jean-François Froger, Du combat spirituel à la déification

Éditions grégoriennes, 2019

Recension de Marion Duvauchel

    Publié il y a six ans, Du combat spirituel à la déification est la mise par écrit d’un cycle d’enseignement donné dans le cadre d’une retraite animée au monastère de Cerfroid, pendant trois années consécutives. L’objectif affiché en était de « disposer les cœurs et les âmes à une « rencontre » où « la fine toile qui nous sépare de la connaissance véritable de la divinité pourra être brisée » (p. 136). Avec ce livre, l’enseignement d’abord réservé à quelques-uns est ouvert à tous ceux qui sont disposés à « l’entendre » c’est-à-dire à le laisser retentir dans leur cœur et leur intelligence, à le laisser mûrir aussi et donner du fruit.

Pour comprendre l’objectif énigmatique de ces trois retraites, il faut commencer par la mi-temps du livre : un long passage in extenso de saint Jean-de la Croix, dans lequel notre saint patron des mystiques décrit précisément les trois « toiles » qui nous séparent de Dieu. Les deux premières toiles qu’il faut briser, toute l’histoire de l’ascèse chrétienne nous en donne le rude mode d’emploi : vendre ses biens pour les donner aux pauvres, se raser ou de se couvrir la tête avant de se cloîtrer, passer de longues heures en prière, jeûner, se mortifier. La voie de saint Jean est la voie de l’amour et l’ascèse de son siècle n’est plus la nôtre.  

J. F. Froger propose une voie de connaissance qui implique un autre type d’ascèse et de renoncement : elle invite à une conversion de l’intelligence.

« La piété nous presse de changer de conduite pour abandonner les convoitises de ce monde (…). Elle ne nous presse pas moins de changer de conduite en ce qui concerne l’intelligence», tout simplement «parce que la corruption de l’intelligence est invisible et insensible ».

Il faut briser la toile qui empêche l’intelligence humaine de communiquer avec l’Intelligence souveraine, l’Intelligence divine, dans un échange sublime qui est une union et que saint Jean de la Croix appelle «une rencontre».Il faut libérer l’intelligence de la toile qu’elle a construite elle-même, toile d’idées fausses qui l’enserrent et l’empêchent d’entrevoir la Bonté, de l’Amour, la Beauté de Dieu. Il faut en particulier «sortir de la pensée expérimentale et des modèles intellectuels forgés par des siècles de réussite matérielle et technique (…) de cette sagesse conduisant au nihilisme, au trans-humanisme dont l’image la plus sûre est celle des cadavres embaumés dans les pyramides». (p. 224).

La vraie mort n’est pas la mort biologique mais la mort spirituelle, et le plus grand obstacle« est en nous-mêmes, dans la façon dont nous écoutons et comprenons ». Mais aussi dans la façon dont nous recevons, à commencer par la vue réelle du péché, qui est «notre incapacité d’être dans la foi et la justice». Douloureuse expérience, mais salvifique puisqu’elle fait entrevoir l’Amour de Celui qui enlève le péché du monde. Il faut donc comprendre la nature même de ce péché à travers les images qui nous informent : le sens de la nudité honteuse d’Adam et Eve, la «chair de péché» qui est la nôtre. Toute une exégèse est développée qu’il nous suffit de suivre et de méditer.

Cette libération, qui est délivrance et guérison requiert d’abord un combat. C’est l’objet des quinze premiers entretiens. Qui combattre? les «principautés et des puissances mauvaises». «Au cœur de la recherche scientifique se cachent de féroces démons». Nous commençons à voir les fruits mauvais des énergies mauvaises libérées dans l’histoire, de « ces esprits rebelles qui suscitent toujours la même convoitise vers une intelligence parfaitement auto-référente ».

Le remède, c’est de se renier soi-même. Première toile à briser. Suivre le Christ implique l’expulsion du démon mais aussi la crucifixion de l’homme intérieur et de ce à quoi il s’est identifié.

Ces chapitres/entretiens n’éclairent pas seulement les images du combat que fournit saint Paul – l’épée de justice, la cuirasse, les chaussures, le bouclier, le glaive, ils sont aussi destinés à éclairer «le rôle du monde angélique qui se révèle dans la lecture croisée des Écritures et de l’enseignement de Jésus». C’est précisément cette lecture croisée qui nous est proposée en s’appuyant sur une grande diversité de thèmes reliées entre deux : le don de force et de ce qu’il signifie ; les conditions de l’amour fraternel et du monde qui vient… Comme un prisme qui réfléchit la lumière par tous ses côtés.

L’auteur rappelle encore s’il en est besoin que «les Écritures ne manipulent pas des abstractions mais des images», c’est le sens des images qui nous est restitué toujours accompagné des passages de la Torah ou de l’Évangile, traduits au plus près du texte araméen de départ et de la trace orale. ». «On ne peut comprendre la parole sans un don divin d’une inspiration angélique juste». C’est tout le sens de la parabole du semeur, fondée sur «un schème universel dans les Écritures, à savoir le cycle des six jours de la Création» (p. 175) Car «penser la Création» est l’une des ambitions du bibliste, mais six pages, ce n’est pas assez et pour ceux qui ont soif, il y a Le livre de la Création. 

Cette deuxième suite de quatorze chapitres touche plus précisément à la «connaissance de Foi». C’est donc les images qu’il faut contempler, à commencer par celle du Temple, «présence divine avec le peuple, dont la connaissance commence avec Moïse» et qui fonde la notion de «grand-prêtre».

Ceux qui ont lu les ouvrages majeurs de Jean-François Froger (La couronne du grand-prêtre, le livre de la nature humaine et le Livre de la Création) peuvent retrouver là ce qu’il y a développé en s’appuyant plus largement sur la logique quaternaire. Ceux qui n’ont pas ouvert cette «somme en trois volumes» disposent là d’une excellente introduction à cette «nouvelle apologie du christianisme» (pour reprendre le titre d’un de ses ouvrages).

Sous une forme un peu «étoilée», on retrouvera ou l’on découvrira la signification de la circoncision ; pourquoi les disciples ne pouvaient comprendre l’enseignement de Jésus qu’une fois qu’Il était ressuscité ; le paradoxe du Temple, dont le modèle est la «seule image pédagogique à notre disposition et qui est une la représentation terrestre de la réalité céleste qui est la présence de Dieu parmi les hommes» ; que les sexes n’ont pas leur sens dans leur fonction biologique, (ce qui feraient de l’homme et de la femme des animaux), mais qu’ils sont signes d’une différenciation créatrice figurée à travers ce Temple, la maison du Père ; qu’il est la figure de la nature humaine qu’il nous faut comprendre pour devenir authentiquement des disciples et «être engendrés de Dieu ».

Ce Temple dont il faut chasser les marchands, comme il nous faut les chasser de notre cœur.

L’image essentielle de cette deuxième suite d’entretiens n’est plus la toile à briser, mais le voile qui couvre le visage de Moïse, et nous suivons le «plus grand des prophètes» à partir de la lecture de l’Exode au chapitre 34.

La troisième partie est le volet plus anthropologique, dans une tonalité plus nerveuse. «Tous les refus que Jésus a essuyé viennent de la préséance donnée à l’interprétation philosophique des Écritures et de la liturgie du Temple ou encore selon l’interprétation mondaine des scribes et des pharisiens» qui ont remplacé la Torah par la coutume. Les imaginations philosophiques comme aussi les apports d’une anthropologie évolutionniste (donc darwinienne) font partie de cette «toile» qu’il faut laisser brûler pour permettre une «rencontre». Cette troisième partie est aussi l’occasion d’abattre quelques idées répandues, voire quelques sottises, sur l’idée de religion, l’existence de Dieu, sur le rituel, la loi et son principe pour la vie des hommes et la question de l’autorité et de sa source.

C’est encore et toujours la question de la connaissance qui est posée et de la révélation dans la connaissance humaine. C’est saint Pierre Chrysologue qui vient cette fois à l’appui :

«La connaissance de Dieu est maintenant dans la pâte : elle se répand sur les sens, elle gonfle les cœurs, augmente les intelligences, et comme tout enseignement, les élargit, les soulève et les épanouit aux dimensions de la sagesse céleste. Tout sera bientôt levé. Quand ? A l’avènement du Christ ».

Là où il y a connaissance, il y a enseignement et il y a parole. Ce qui donne la vie, c’est la conformité à la parole divine, parce que c’est elle qui donne la vie. Les choses cachées depuis la fondation du monde sont révélées aux petits et aux humbles, ceux dont l’intelligence n’est pas ligotée par cette toile qui empêche de laisser passer la Lumière et de la désirer.

La première toile que décrit saint Jean de la Croix est temporelle. La deuxième toile est naturelle, elle fait «division» entre Dieu et l’âme. Une fois spiritualisée et déliée, alors la Divinité se laisse apparaître à travers elle. La troisième toile que saint Jean décrit, moins rigoureuse, est dite «sensitive», est celle qui comprend l’union de l’âme et du corps. La vraie mort n’est pas la disjonction de l’âme et du corps, la vraie mort est spirituelle.

Quand les trois toiles sont brisées, alors l’homme entre dans la Vie.

Jésus sauve pour la déification de l’homme. Il n’est venu que pour cela. Le combat spirituel n’a de sens qu’en vue de ce projet divin, de cette volonté divine à laquelle il nous faut librement consentir parce que cette volonté est souveraine Intelligence et Amour souverain et elle est exprimée dans l’une des clauses de la prière bien connue des chrétiens : «Que Votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel». 

La volonté de Dieu, c’est le salut de l’homme, donc la divinisation de la nature humaine corollaire de la déification de l’âme «ce joyau». C’est ce que dit la théologie.

Encore fallait-il qu’on s’employât à le démontrer.

Voilà, on s’y est employé, on salue, on rend grâce !

vendredi 31 janvier 2025

L'art qui vient

Grâce aux révélations divines

Je n'ai pas terminé la recension et la mise en forme de mes carnets d'artiste des années 1987 à 1997. Ce long travail, une fois terminé, constituera le Tome 2 de Ad Imaginem Dei, sous titré L'œuvre qui vient. Je peux toutefois publier ici le premier chapitre de cet ouvrage, dans le lequel je tire les conséquences de l'ouvrage précédent - Ad Imaginem Dei I L'œuvre invisible - pour esquisser les bases d'un art qui vient et parviendrait à dépasser les réductions historiques opérées par l'histoire de l'art et l'idéologie qui la sous-tend, le modernisme progressiste propre à la pensée technico-scientifique, pour restaurer la véritable vocation de l’art qui est de transcender le temps et l’espace, les apparences, la logique commune, afin de contribuer à la révélation de la Nature divine en tout homme et de favoriser ainsi sa seconde naissance en l’Esprit Vivant de Dieu. De nos jours cette Co-naissance de Dieu est largement occultée et oubliée par l'homme lui-même car ni les sagesses ni les savoirs ni les sciences ni la logique binaire du monde ne peuvent atteindre l’incalculable, l’impensable, l’inconcevable, l'inimaginable dessein de Dieu pour notre humanité : son Amour absolu pour chacun de nous. Cette Co-naissance ne peut nous être donnée que par une seule voie, celle de la Révélation, faite elle-même d'une succession de révélations et de théophanies recueillies dans les Écritures Saintes. Cette Révélation venant à s’accomplir par une théophanie ultime, un acte divin nouveau, distinct des lois de la Création du monde, éclairant toutefois le sens et le but de cette Création : la divination de l’homme par l’incarnation de Dieu en un homme, Jésus de Nazareth, le Messie annoncé par les prophètes dans les Écritures Saintes. Cet Homme Dieu par son incarnation, par ses paroles, ses paraboles, ses gestes, ses miracles, sa mort et sa résurrection, par son Amour absolu, est venu accomplir l’homme voulut par Dieu avant la création du monde. Il nous a fait connaître Dieu comme son Père et Notre Père à tous, nous révélant son dessein immémorial : restaurer la nature divine en la nature humaine et donner aux humains qui accueilleront son Fils, la Vie éternelle en partage.

En quoi et comment les œuvres de l’art véritable, de tous les arts véritables et de tous les temps, plus particulièrement celles de l’art chrétien, participent-elles de la révélation divine ? C’est à cela que j’essayais de répondre à cette époque de ma vie.




 
L'Annonciation par Robert Campin. 1420.
Musées Royaux des Beaux Arts de Bruxelles


AD IMAGINEM DEI  II — L'ŒUVRE QUI VIENT  



1987


Chapitre I 


L'art qui vient

 

Durant ma convalescence chez mes parents l’hiver dernier, je décidai qu’au printemps, guéri de ma pneumonie et revenu à Bruxelles, je lancerai aux artistes un ‘’Appel pour un art à venir’’. Le voici : 


Avec Roublev, Giotto, Cimabue, Fra Angélico, Ucello, Léonard da Vinci, Van Eyck, Memling, De la Pasture, Bosch, Brueghel, Vélasquez, Greco, Goya, Turner, Courbet, Gauguin, Rodin, Van Gogh, Ensor, Braque, Chagall, Picasso, Miro, Kandinsky, Klee, Matisse, Rotko et les milliers d’artistes anonymes et célèbres passés et présents, vouons-nous, nous les artistes d’aujourd’hui, à dévoiler par la mise en œuvre le fait pictural essentiel, c’est-à-dire le phénomène esthétique de la venue de l’invisible dans le visible, de la mise en présence du mystère ou du paradoxe qui se manifeste dans l’avancée d’un retrait, la présence d’une absence, l’apparition d’une disparition, un déchirement de l’âme, tragique et joyeux à la fois, une blessure de lumière selon Braque, un effleurement théophanique dirai-je avec les mystiques, une grâce ineffable, une plaie radieuse nous souriant dans la Nuit, un accueil, une hospitalité divine, un festin de joie, un éclair de louange et de ravissement, une prière conjointe de l’homme et de Dieu, en définitive la révélation de l’incarnation éternelle continuelle du Vivant Amour en chacun de nous ! 


En 1981, avec trois ou quatre créatifs de la publicité, j’avais envoyé un Appel à la profession créative belge qui provoqua dans la quinzaine suivante une Assemblée de plus de trois cents créateurs du secteur, directeurs artistiques, rédacteurs concepteurs, illustrateurs, graphistes, photographes, typographes, cinéastes, réalisateurs, monteurs, ingénieurs du son etc, qui constituèrent en une soirée mémorable The Creative Club of Belgium, un Club dont la vocation était de défendre une certaine éthique et esthétique de la publicité. Naïvement, j’espérais qu'un Appel comparable envoyé à quelques dizaines d’artistes autour de moi rassemblerait une poignée de contestataires du système de l’art contemporain désireux de se regrouper pour agir au nom de cette liberté d’esprit que seul l’Esprit peut donner. Seulement voilà, après quelques coups de sondes auprès d’artistes et écrivains rencontrés ici et là je dûs me rendre cette évidence : aucun d’entre eux ne partageait ma vision spirituelle de l'art ! Il devait bien y en avoir quelques uns pourtant, mais ils devaient être aussi invisibles que moi sur la scène artistique belge. Il me fallait reporter à plus tard la formation éventuelle d’un groupe d’artistes orientés vers l’art spirituel et faire de mon Appel une Prière pour un art à venir ! Au fil des mois, ma Prière se nourrit de nouvelles rencontres avec cet art sans âge et des leçons reçues des oeuvres de ces artistes du passé qui sont à mes yeux plus contemporains que nos contemporains. 


Dans les pages qui suivent, j’ai rassemblé mes notes sur l’art théophanique, ancien, abstrait, moderne, contemporain et sur l’Incarnation qu’un tel art est susceptible de nous révéler. J’y dénonce l’oubli des fondements et de la véritable vocation de l’art, et j’évoque des artistes de tous les temps qui sont et seront nos alliés dans le combat spirituel que l’art de notre temps doit poursuivre contre le nihilisme et l’idolâtrie.


L’art théophanique

Seul véridique, seul vivant et seul nécessaire, l’art théophanique a été mis en œuvre à divers degrés de présence par les artistes de tous les temps. En Occident chrétien, il se développa au Moyen-Age et culmina aux XIVe et XVe siècles pour se perdre à la Renaissance et sombrer pendant quelques siècles dans l’art mondain, l’imitation stérile des apparences, la représentation vaniteuse des puissants et des pontifiants, dans la propagande historique, l’imagerie religieuse ou idéologique pour s’éteindre à jamais dans la décoration d’intérieur. À l’exception de quelques génies comme Brueghel, Bosch, Dürer, Titien, Vélasquez, El Greco, Vermeer, Goya, Turner Courbet, Cézanne, Van Gogh, Redon, Ensor, pour ne citer que les plus connus et sans pouvoir nommer les innombrables anonymes, ni oublier les modernes cités précédemment, la plupart des artistes postérieurs à la Renaissance et à son humanisme, se détournèrent de l’intériorité, de la verticalité, de la spiritualité et de sa source vivante et invisible d’où jaillissent ensemble la vie et l’art, pour se tourner vers l’extériorité, l’horizontalité du monde, les apparences, les leurres et les idoles. La plupart des œuvres de ces siècles, aussi habiles que furent leurs auteurs, ne reflètent que la prétention absurde des hommes à se faire dieu sans Dieu et leur penchant pervers à profaner la Création et la vie humaine.  

Cet art borgne, artificiel autant qu’officiel, a garni les murs des palais, des châteaux et des églises avant de remplir les musées et leurs réserves, les catalogues et les magazines. Il est fait d’images talentueuses et spectaculaires et dès lors illusoires et trompeuses. Cet art aussi vide que vain fut adoré par les puissants de ces siècles, rois, princes et courtisans, banquiers, bourgeois, historiens et artistes à la mode ou à la botte. Des légions d’idolâtres se vénérèrent ainsi eux-mêmes dans des œuvres creuses ou subjuguantes qui occultaient et reniaient la vocation de l’art qui consiste à révéler aux humains ceux qu’ils sont en vérité : non pas des images ou des choses, mais des personnes uniques et irremplaçables faites à l’Image de l’Unique, des vivants faits à l’Image du Dieu Vivant pour leur libre ressemblance à son Amour.


Sauf exceptions remarquables, l’inspiration spirituelle de l’art ne fut retrouvée qu’au XIXe siècle par les précurseurs de la modernité artistique - idéalistes, romantiques, symbolistes, premiers modernes. Si ces artistes ne parlaient guère d’art théophanique, c’est qu’il valait mieux le taire pour laisser les œuvres en parler d’elles-mêmes et témoigner de l’Esprit créateur à l’œuvre en elles comme  dans les arts du passé, arts premiers, arts antiques, arts primitifs, voire arts populaires dont souvent elles s’inspiraient. Les œuvres de ces artistes oubliés, méprisés, maudits ou anonymes que les borgnes précités avaient qualifiés de grossiers et de sauvages en raison de leur prétendues maladresse, de leur ignorance de la perspective et de la ronde bosse. C’est par eux pourtant que l’Esprit vivant refit son apparition dans les œuvres de Turner, Courbet, Gauguin, Van Gogh, Cézanne, Rodin, Redon, Ensor et de bien d’autres voyants qui ouvrirent la voie à Kandinsky, Picasso, Matisse, Miro, Rouault, Chagall, Klee, Rotko et à quelques autres par la suite. 


A leurs débuts, les artistes de la modernité artistique, reconnus et aimés par beaucoup aujourd’hui, furent autant controversés que les primitifs. Rejetés dans la marge et condamnés à la misère ils ne furent reconnus que par la génération d’artistes suivante. Cette reconnaissance éveilla la convoitise des renifleurs de bonnes affaires et fit monter les prix au point que ces œuvres furent rapidement pétrifiées par l’œil mauvais de la cupidité et de l’idolâtrie qui de tout temps cherche à recouvrir toute grâce en ce monde.

 

De nos jours, cette tendance morbide et cyclique a été poussée à l’extrême. Le terme théophanie est inconnu ou incongru dans les milieux de l’art contemporain. L’art spirituel est congédié, moqué, abusé, relégué aux oubliettes. Les thèmes religieux ne sont abordés que pour être récupérés et souillés dans des œuvres sacrilèges et scandaleuses aussitôt exhibées dans les media, célébrées par les marchands et les institutions qui, athées par principe, sont friands de profanations faciles et de scandales juteux. 

Bref, imposteurs, faussaires, voleurs de vies et trafiquants de morts pullulent dans l’air comme dans l’art de ce temps, fascinés qu’ils sont par ce qui seul a de la valeur à leurs yeux : la célébrité, la profanation. Coupés de leurs racines spirituelles ces morts vivants ne risquent guère de voir venir l’art qui vient et qui pourtant n’a jamais cessé de venir.


Ainsi en est-il également de la plupart des artistes contemporains, ralliés à la doctrine de la tabula rasa de tout héritage artistique et spirituel du passé, qu’ils considèrent forcément comme dépassé par le progrès accéléré impératif. Cela n’empêchant pas nombre de ces artistes de répéter ad nauseam, et sans y voir l’ombre d’une contradiction, les gestes historiques d’un Marcel Duchamps ou d’un Joseph Beuys dans les officines de l’art officiel. Qu’ils soient peintres, sculpteurs, conceptuels, minimalistes, installationistes, vidéastes, performeurs ou provocateurs, ces artistes vouent leurs vies à la fabrication d’un art officiel contemporain d’appellation contrôlée tout en se voyant mutuellement comme des concurrents sur le marché mondial d’un art d’autant plus convoité qu’il est vide et vain. 

De leur côté, les marchands, petits et grands, jouissent comme jamais du pouvoir pervers de faire et de défaire à leur gré les artistes en se graissant les pattes et les rouages du système. Dans cette production intensive d’œuvres d’art labellisées contemporain, les commissaires d’expositions ont pour mission de valider historiquement ces marchandises artistiques à coups répétés d’expositions muséales et d’épais catalogues. Dans cette machinerie bien rodée, les critiques sont devenus des agents publicitaires qui vantent ce qui se pense, s’expose et se vend en hauts lieux.


Quant aux collectionneurs, spéculateurs et trafiquants, ils s’amusent follement à blanchir l'argent sale du monde dans la machine à laver de l’art contemporain. 


Il en irait tout autrement si les artistes n’écoutaient que leur Nécessité intérieure pour ne délivrer au monde que des œuvres qui leur seraient intérieurement nécessaires. Il en irait tout autrement si les prétendus amateurs d’art aimaient et vivaient les œuvres en vérité. Il en irait tout autrement si les collectionneurs ne possédaient que momentanément des œuvres véridiques, le temps qu’elles fassent leur œuvre en eux, pour les rendre ensuite à tous. Ceux là, si il y en a - je ne peux renoncer à en trouver l’un ou l’autre un jour - se rencontreraient eux-mêmes en vérité en rencontrant ces œuvres véridiques, ils les assimileraient, les incarneraient et se mettraient eux-mêmes à l’œuvre, partageant leurs expériences et multipliant en tous ce que l'art leur donna, et guidant alors autrui de la beauté gratuite à la Lumière des lumières qui peut rejaillir dans la nuit de l’oubli. Tous ainsi rendraient grâce à cette Lumière qui donne la vie et tous vérifieraient la Loi divine qui veut que les humains deviennent librement ce qu’ils aiment : des enfants du Dieu Vivant  ou des possédés du Satan, à savoir du néant !


De l’art théophanique, je parle d’expérience, d’expériences vécues et répétées. Je fus et je suis encore un témoin de ces œuvres, de ces apparitions. Je dis et écris ce que j’ai vu et ce que j’ai vécu. Je parle de vraies rencontres, de mise en présence de la Présence, je parle d’illuminations, d’apparitions et de révélations. Je témoigne de que je ne peux garder pour moi, de ce que je dois absolument dire à tous, à savoir que tout cela vient et advient d’une Puissance invisible, d’un Amour et d’une Beauté absolue que l’on peut nommer Dieu, mais encore la Vie, la Vie vivante en moi et en tous, la Vie en Personne qui se révèle à ceux qui l’appellent et la recueillent, aux artistes dont je parle en l’occurence. Je ne suis donc pas seul à témoigner ni seul à avoir vécu de telles expériences. J’appelle à la rescousse des milliers de témoins : les artistes de tous les temps et leurs œuvres innombrables ne demandent qu’à témoigner, en étant vues, entendues, connues et vécues par tous. 


Parmi ces œuvres puissantes, il y eut d’abord pour moi celles des grands musiciens, russes principalement, qui pétrirent et nourrirent mon âme d’enfant. Celles des peintres ensuite, Jan et Hubert Van Eyck en premier lieu, auteurs de quelques miracles durables comme le Retable de L’Agneau mystique que je pus contempler un long moment à quinze ans dans une chapelle latérale de l’église Saint Bavon de Gand. Peu après, je connus Vasily Kandinsky qui, à l’aube de ce XXe siècle infernal, fut un des rares à parler de Nécessité intérieure, de spirituel dans l’art et du combat que doit mener l’artiste contre lui-même, contre son temps, contre le nihilisme. En 1922, Kandisnky réussit à fuir la folie de la révolution soviétique, à laquelle il crut un moment, pour rejoindre le Bauhaus en Allemagne. En 1933, il fut rattrapé par la fureur des nazis qui voyaient dans son œuvre un modèle de l’art dégénéré. Réfugié à Paris avec son épouse, dans un modeste appartement sur la Seine, il prêcha l’art spirituel dans le désert parisien sans jamais cesser de peindre, jusqu’à sa mort en 1943, quelques chefs d’oeuvres pour une humanité à venir… 


Ces artistes ont changé le cours de ma vie dès mon adolescence. Les Van Eyck en me révélant qu’une œuvre d’art pouvait s’apparenter à une apparition divine et donner lieu à une naissance spirituelle. Et Kandinsky en m’expliquant comment cela était possible. Mieux que quiconque, différemment mais aussi bien que Cézanne, Kandinsky dira la vérité en peinture. Cette vérité, il l’a reçue des peintres d’icônes russes et de ces peintres anonymes qui au nord de la Russie, peignaient de toutes les couleurs, au dehors comme  au dedans, leurs Isbas,  leurs maisons traditionnelles, comme des tableaux, comme des icônes à habiter.


L’icône 

L’art de l’icône fut initié par Jésus Christ lui-même. Au cours de sa Passion le Messie laissa l’empreinte de son visage ensanglanté sur le linge qu’une sainte femme posa sur sa Face alors qu’il portait sa Croix vers le Golgota. Cette image sainte fut nommée Vera Icona et donna son nom à la sainte femme qui la recueillit, Véronique. La Vera Icona - Image vraie, Image acheiropoïète, non faite de main humaine, fut faite par le Fils de Dieu qui laissa l’empreinte de sa Face sur une fine toile. Comme le Christ lui-même, l’art de l’icône et l’art chrétien dans son ensemble ont pour vocation de révéler la Vérité aux hommes. Quelle Vérité ? La Vérité en Personne, la Vérité de la Vie, la Vérité de l’Amour, la Vérité de l’homme fait à l’image et à la ressemblance de Dieu.


Or, cette Vérité souvent oubliée ou méconnue, Kandinsky la sentait vivre au fond de lui-même comme au fond de toute âme humaine. Ainsi lui fut-il révélé que l’art a pour haute vocation de révéler cette Vérité au monde et non pas de le tromper et de l’illusionner. Fort de cette révélation, il redécouvrit au début du XXe siècle les fondements spirituels des arts de tous les temps et posa les fondations de l’art révolutionnaire de notre temps, de l'art qui vient, de l'art qu'annonçaient les premiers modernes, de l’art véridique qui dit la vérité éternelle de manière toujours nouvelle et révolutionnaire. Cet art véritable Kandinsky le dira spirituel et matériel, le spirituel en Orient n’étant pas séparé du matériel, Kandinsky le dira abstrait et concret à la fois. 


Abstrait parce que cet art fait abstraction des apparences du monde et des représentations que nous nous en faisons. Abstrait parce que cet art renouvelé se débarrasse des conventions mimétiques, illusionnistes et objectivistes de l’art académique et bourgeois. Concret parce que cet art libéré de l’imitation des apparences se sert des éléments concrets et matériels de la peinture et des arts visuels : les points, les lignes, les formes, les plans, les volumes, les proportions, les couleurs, les supports, leurs nuances, leurs combinaisons, leurs contrastes et leurs harmonies infinies.


Comme la musique se sert de notes, de rythmes, d’accords et d’harmonies, c’est-à-dire de ces pures vibrations de l’air que sont les ondes sonores, la peinture se sert des vibrations de la lumière qui, pénétrant l’espace et la matière, fait apparaître les couleurs et les formes. Les vibrations de l’air et de la lumière qui agissent en toute chose et en tout être créés, les chrétiens d’Orient les nomment les énergies divines. Concrètes et abstraites, matérielles et spirituelles, visibles et invisibles, humaines et divines peuvent être les  œuvres humaines dignes d’être appelées œuvres d’art véridiques. Celles-ci par leurs énergies divines agissent non seulement sur nos corps, touchent nos sens, affectent nos âmes, suscitent en nous émotions et sentiments, mais encore, par l’œuvre de l’Esprit qui inspira leurs auteurs, sont susceptibles d’élever nos cœurs et nos esprits à la révélation de la vérité qui nous précède, à la connaissance du Dieu Vivant qui fait de chacun de nous une Vera icona, une personne unique, belle, bonne et libre capable de se connaître vivant et aimant dans l’Amour du Vivant   


Kandinsky, comme les peintres d’icônes dont il est l’héritier, a reçu cette révélation. Dès lors, pour lui tout est régénéré, tout est transfiguré. Tout ce qui se manifeste, tout ce qui apparaît dans la lumière du monde renvoie à l’apparaître antérieur et invisible de la lumière vivante dans l’âme et le cœur humains. Les formes, les couleurs, les sons, les matières, les créatures le cosmos entier, les combinaisons, les harmonies, les motions et les modulations infinies de toutes ces choses créées, sont vécues comme autant de résonances intérieures, d’impressions, d’émotions délicates ou fortes, subtiles ou rudes, plaisantes ou déplaisantes, tristes ou joyeuses, favorables ou défavorables qui nous révèlent notre naissance permanente et potentiellement éternelle dans la Vie divine et l’épreuve de notre séjour  terrestre. Pour Kandinsky le ciel étoilé comme la moindre chose de ce monde vivent en nous et pour nous, tout relèvent et révèlent le miracle continuel dans lequel et par lequel nous apparaissons sur Terre et nous vivons en Dieu. La vocation des œuvres de l’art est de contribuer à sa révélation.


La vérité, la beauté, la bonté d’une œuvre d’art ne dépend donc jamais du sujet mais de la manière dont le sujet est traité par l’artiste qui vit en vérité ce qu’il fait. Vivre c'est sentir en soi la vibration, la sonorité propre à chaque élément mis en œuvre et sa juste et nécessaire résonance avec tous les éléments qui composent l’œuvre accomplie. L’artiste véritable n’obéit jamais à une nécessité extérieure à lui, apparences du monde, conventions académiques, modes, désir de succès, désir de faire scandale, appât du gain etc, Il obéit à la Nécessité intérieure qui n’est autre que la fidélité à lui-même, à l’Esprit qui vit en lui, à la Vie qui ne cesse de lui révéler, pour autant qu’il l’écoute, ce qui est nécessaire à sa propre vie intérieure, ce qui est vrai et beau et bon pour son âme et son élévation spirituelle. 


La Nécessité intérieure est pour Kandinsky le principe souverain de l’art qui vient, d'un art fondé sur une éthique et une esthétique vécues intérieurement comme une Nécessité impérative de la Vie, de l’Esprit créateur à l’œuvre en l’artiste, en tous et en tout.


Les voleurs de vies

L’Image vivante de Dieu, la Vie même dont nous vivons, les hommes n’ont cessé de la voler depuis le commencement du monde pour en jouir seuls, sans la devoir à personne et surtout pas à Dieu. Vivant alors dans l’oubli ou le déni sans plus savoir de qui, par qui ni pour qui de tels hommes vivent terrés et bientôt enterrés dans un trou dans la terre sans jamais avoir imaginé, ou si rarement, que la vie leur fut donnée pour s’accroître et se multiplier spirituellement et que cela ne peut se faire qu’en donnant sa vie mais jamais en la volant. Dans leur folie, comment des tels hommes se souviendraient-il du Vivant Amour qui leur donne de vivre ? Seuls, séparés, désemparés, abêtis, ils en viennent, comme on le voit partout et depuis toujours, à haïr la vie et à désirer la mort. La vie de l’autre homme d’abord, homme ou femme, qu’il aura trompé, exploité, abusé, volé, jalousé, méprisé, haït, frappé, voire tué et exterminé. La vie de son propre corps ensuite, à jamais sacrée, miraculeuse et divine pourtant mais encore et toujours malaimée, objectivée, ignorée, meurtrie, usée, enlaidie, subie, maudite et finalement haïe. Vivant à la fin d’une vie insupportable, des tels hommes en viendront à désirer la mort qu’il craignaient tant. Ils maudiront ce Dieu absurde qu’ils disaient mort et qui à la fin leur donneraient la mort. Quant à l’Unique vrai Dieu, le Vivant, ils ne cessèrent  de le méconnaître en eux comme en tous. En si par charité, par compassion, par amour, un frère ou une soeur humaines s'étaient risqués à rappeler à de tels hommes de qui ils tenaient leurs vies, ils les eurent moqués, insultés, volés, rossés, torturés ou crucifiés comme leur Christ !  


Ce que le voleur de vie feint d’ignorer et d’oublier, c’est que la liberté qu’il a de jouir de sa vie pour lui seul sans jamais en donner une pincée à quiconque, comme celle qu’il a de voler la vie d’autrui et de la nier indéfiniment, il la reçoit elle aussi, cette liberté, du Vivant Amour. C’est pourquoi, ce voleur de vie en niant l’Amour du Vivant à qui il doit tout se nie lui-même et se condamne lui-même à mort ! Non pas à la mort de son corps, qu’il imagine comme le soulagement de son absurde et misérable existence, mais à une mort inimaginable pour lui, à la mort éternelle de son âme immortelle, de son âme qui vivait d'une vie donnée à jamais, d'une vie qui ne peut mourir, d’une vie dont il mourra éternellement de ne pas mourir.


Qu’est-ce qu’un tableau ? 

Pour Picasso la réponse à cette question n’est pas une théorie mais un acte, un faire, un art de faire qui est l’art même. À cette question, Picasso répond par un tableau, un autre tableau à faire et encore un autre tableau, et ainsi de suite à l’infini. C’est le faire et le voir qui font le tableau qui fait voir. C’est l’acte de regarder qui refait le tableau, car celui qui le voit vraiment le vit vraiment, lui donne vie et le ressuscite. 


De même, la musique est l’art de faire de la musique, de l’entendre en soi, de la noter, de la composer, de la jouer, de l’écouter de la vivre, de l’incorporer, de l’incarner à l’infini. De même pour la danse et tous les arts qui sont des arts de la vie, des arts de vivre sa vie. 


Par l’acte créateur tout un chacun peut éprouver sa liberté créatrice et la joie et la douleur de faire une œuvre véridique de lui-même, réalisant alors que la vie est l’œuvre incessante qui nous fait vivant, qui nous donne de nous recueillir et de nous accroître comme  une œuvre vivante, l’œuvre inimaginable de Dieu, le miracle qu’il est et devient sans cesse. La vie, toute vie est à recevoir comme le miracle que chacun est libre d’accomplir pleinement par son faire propre. Chacun peut en effet accomplir ce qui lui semblait inimaginable et impossible : se co-naître en vérité et ressusciter. Chacun étant aussi libre de ne rien faire de sa vie, de la nier même et de vouloir s'en défaire. 


La Révélation

La révélation chrétienne vient de la Personne de Jésus Christ, le Vivant et l’Amour incarné, Dieu fait homme pour que par Lui les hommes soient faits dieux, comme disent les Pères de l’Église. 

Par Jésus Christ, la Vie et la Vérité s’incarnent en une chair semblable à la nôtre pour que nous connaissions Dieu sous son vrai Nom de Père qui par Amour nous donne de vivre de sa Vie même. L’Incarnation surpasse toutes les révélations et théophanies antérieures car elle donne à tout homme de connaître qu’en sa chair palpitante, en son coeur, le Vivant vit en lui et lui dans le Vivant. Cette révélation insurpassable par sa simplicité et son évidence constitue l’essentiel de l’Évangile, de la Bonne Nouvelle toujours nouvelle que le chrétien ne peut garder pour lui mais qu’il doit absolument annoncer à ses semblables par son témoignage, ses actions et ses oeuvres.  À ce sujet, certains m’ont posé cette question  : —  Si ton Dieu Vivant nous fait vivants et libres comme lui, pourquoi le fait-il sans nous avoir demandé notre avis ? A quoi il faut évidemment répondre qui il faut que nous vivions pour pouvoir donner un avis sur quoi sur la vie que nous recevons du Vivant. 


Il faut rappeler sans cesse que la Parole du Vivant est créatrice et que, par elle, tout phénomène se manifeste doublement : extérieurement, dans le temps et l’espace de ce monde et intérieurement, en esprit, par la vision du coeur. Ainsi, par exemple, la Terre promise par l’Éternel à Moïse et au peuple Hébreux doit être reçue non pas tant comme ce pays au delà du Jourdain dont ils prendront possession, mais bien comme la Terre vivante de leurs âmes dans lesquelles ils reçoivent et peuvent connaître le Vivant qui leur donne vie, sa Vie, si bien que par cette connaissance ils renaîtrons à la Vie éternelle qui est Dieu.


Mais si le Vivant a le désir de nous donner sa vie, il n’a pas le pouvoir de nous forcer à l’aimer Lui et le Don gratuit et éternel qu’il nous nous fait de Lui-même. La vie vient et revient sans cesse en chacun de nous, en vérité la vie s’incarne indéfiniment pour nous refaire à son Image pour sa ressemblance en Amour. Mais si la Vérité qui est la Vie se rappelle à l’homme par sa vie même, elles se rappelle et se révèle encore par l’amour que tout un chacun peut éprouver pour un autre que lui-même. Mais encore, et je me voue  à le répéter au fil de ces pages, les oeuvres des arts nous mettent en présence de la Beauté et de la Charité divines mais aussi de la Liberté de recevoir et d’aimer ces Dons inimaginables pour les multiplier à notre tour, comme le font les artistes, les peintres d’icônes, les grands maîtres et les artistes anonymes car, en définitive, toute œuvre véritablement inspirée et justifiée est une icône en ce sens qu’elle révèle la Véritable Image de Dieu en ceux qui s’y consacrent. Tous les oeuvres des arts véridiques se font par l’action de l’Esprit Saint qui donne la vie, se fondant et poursuivant en tous le mystère de l’incarnation.


L’Eucharistie 

Pour rappeler à nos mémoires défaillantes que la vie nous est donnée à tout instant par le Vivant Amour, Jésus-Christ, lors de l’ultime repas avec ses disciples, instaura le sacrement de l’Eucharistie. Un miracle en vérité que tout disciple et tout baptisé devait célébrer en mémoire de Lui, de son Incarnation, de sa Passion, de sa Mort et de sa Résurrection. Mais aussi alors, en mémoire de sa propre incarnation, de sa propre mort au monde des illusions, de sa propre naissance éternelle et de sa propre résurrection dans la Vie et dans la Vérité. La célébration de l’Eucharistie forme le coeur de la messe, du repas et du mémorial où se répète le miracle initial qui fait du pain et du vin consacrés au Nom de Jésus Christ sa chair et son sang de Vie. Manger de ce pain et boire de ce vin c’est communier avec la Vie dont nous vivons, c’est connaître notre incarnation et réaliser, au sens le plus fort de ce verbe, que nous vivons tous dans une seule et même Chair, dans un seul et même Verbe, dans une seule et même Vie éternelle. 

Prolongeant l’Incarnation par l’Eucharistie, le Christ transsubstantie le pain en son corps et le vin en son sang, transsubstantiant ainsi ces nourritures terrestres en nourritures célestes pour nos âmes et nos esprits. Ce miracle de l’Amour étant suivi par sa Résurrection, le Christ opère ainsi la Transfiguration de toute la Création et rétablit sa nature originelle et sa destination divine. C’est alors l’univers, la lumière, les corps célestes, la Terre, la matière, les éléments, les énergies, les formes, les couleurs, les sons et tous les corps vivants qu’elle contient, ainsi que les actions, les créations et les oeuvres de tous les arts, qui sont appelés à participer à l’œuvre de la Rédemption et à l’effusion de grâces révélatrices et salvatrices, pour autant que les vivants orientent leurs visions et leurs oeuvres en ce sens. Pour comprendre la vocation spirituelle de l’art réaffirmée par Vassily Kandinsky au début de ce siècle barbare, il faut avoir à l’esprit et vivre cette vision d’une Humanité, d’une Création, d’un Cosmos transfigurés par l’Incarnation du Vivant Amour dans un homme semblable à nous et semblable à Dieu. 


La Vraie Image 

Ce qui est appelé la Vera Icona est l’empreinte de sa face ensanglantée laissée par Jésus-Christ sur un linge avec lequel une sainte femme, nommée Véronique, essuya son visage alors qu’il portait sa Croix vers le Golgota. Cette Image est dite acheiropoiète en grec, non hominis manu picta en latin, soit non faite de mains d’homme en français. Cette trace, ce monotype, cette icône est à l’origine de l’art chrétien, de l’art de l’icône, de l’art théophanique chargé de révéler l’Incarnation du Vivant dans la chair des humains. Cette présence incarnée, cette sainte femme l'a ressentie dans sa compassion pour l’homme Jésus dont la souffrance était criante aux yeux de tous. Et si beaucoup jour là ressentirent cette compassion, seule cette femme risqua sa vie pour soulager la souffrance de cet homme, son semblable, son frère sacrifié. Dans cette humble empreinte presque effacée se trace, s’écrit, se dessine, s’imprime, se peint et se révèle l’Image de l’Homme Dieu avec une intensité pathétique inouïe, donnant à voir à tous sur un simple linge la réalité double, extérieures et intérieures, visibles et invisibles de toutes les réalités du monde, comme je l’ai dit maintes fois avec Kandinsky. Mais il faut insister, car là se manifeste la Réalité invisible de toutes les réalités, la Réalité originelle qui nous donne de voir, de toucher et de ressentir la Vie même, la Vie en Personne qui est la nôtre identiquement. La vie que le Père donne à tous, celle de ce Dieu que nul n’a jamais vu. Est-il le Trésor caché dans les créatures dont parle l'Islam ? Oui si on entend par Trésor caché la Vie divine à l’œuvre en tous, la seule et unique Vie dont nous vivons tous en l’oubliant sans cesse comme nous oublions la lumière qui nous révèle les choses que nous voyons au dehors. Cette Vie que Jean appelle la Lumière des hommes que le Fils de Dieu est venu nous la révéler au risque de notre incrédulité, en vivant sa passion et sa mort et  pour nous donner la preuve ultime : la Gloire de sa Résurrection.    


L’art théophanique est l’art ad venant, l’art qui vient de Dieu et va vers Lui. Cet art là ne vient ni du passé ni du présent ni de l’avenir ni de tel ou tel lieu ni de tel pays ou de tel continent ni de telle foire, de tel commissaire ou de tel marchand d’art ! Car en vérité cet art advenant est venu, vient et revient sans cesse vers ceux qui vont vers lui, vers ceux qui le feront venir en eux et qui le reconnaîtront à l’instant où ils le rencontreront. L’art venant est avant le monde et ne vient pas de lui, il vient de l’Esprit, il vient du Verbe, il vient de la Vie, il vient de l’Amour avant même de venir au monde, il vient des grâces données et recueilles à tout instant. Il vient de la charité, il vient de la grâce et de notre gratitude.


À la question de savoir si de telles considérations peuvent donner matière à un nième Manifeste pour un art contemporain la réponse est non ! Non, parce que ces termes se sont usés à force d’être abusés et qu’il est impossible de réparer en un clin d’oeil l’usure des mots et la corruption de langage. Ainsi et d’abord, il faut rappeler une autre imposture nommée art contemporain ; ces deux termes accolés l’un à l’autre ne veulent pas désigner l’ensemble des oeuvres d’art produites par les artistes de notre temps mais une partie seulement de la production actuelle, précisément celle de l’art marchand officiel contemporain. L'art contemporain n'est donc rien d’autre qu'un concept du marketing. Il en va de même pour la musique contemporaine qui n’inclut certes pas toute la musique de notre époque mais à vrai dire une infime partie de celle-ci. Ces appellations contrôlées ne visant qu’à s’approprier la reconnaissance prématurée de l’histoire de l'art pour des oeuvres qui pour la plupart sombreront assez vite dans l’indifférence et l’oubli. Il faut donc dire clairement que ces dénominations sont des impostures dans les termes qui permettent des impostures dans les faits, notamment en imposant aux imbéciles et aux ignorants des oeuvres récentes comme des oeuvres dignes des chefs-d’œuvre du passé au motif qu’elles ont été validées comme telles par la critique, les institutions, les marchands, les spéculateurs, autrement dit par l'argent et la mafia de l'art. Il en va de même pour le terme Manifeste qui est aussi usés que les deux autres et par conséquent tout autant inutilisable. 


Il ne peut donc être question pour des artistes qui rejètent ce système de l’art contemporain et ses falsifications historiques de fonder un nième mouvement historique, une avant-garde de plus ou une arrière-garde nostalgique d’un art historique quelconque, car la Modernité artistique initiale et véritable instaure le dépassement de la vision occidentale historique, moderniste, progressiste, mimétique, en un mot idolâtre, de cet art mort né par définition, pour ressusciter l’art spirituel et vivant au delà des lieux et des temps. Si donc je parle de Profession de foi pour un art advenant, c’est parce que ces mots ont précisément pour moi ce sens alors qu’ils n’en ont aucun pour les agents de l’art contemporain. L’art advenant est l'art qui vient et ne cesse de venir. D'où vient-il ? Je l'ai dit. Il vient de l’Esprit donateur de la Vie même et de son désir de se faire connaître des vivants. Comme l’Esprit l’art advenant est libre, provident et généreux, il n'advient qu’en ceux qui le reçoivent et se donnent à Lui. 


L’art advenant n’a pas d’âge ni de lieu déterminés, il inclut les oeuvres véridiques et les chefs-d’oeuvres de tous les temps qui sont contemporains de ceux qui les vivent au présent de leurs vies. Ces oeuvres venant de l’Esprit c’est aux esprits et aux coeurs des vivants qu’elles vont, donnent et révèlent l'Esprit originel sans jamais appartenir matériellement ou objectivement à personne. Comme des graines en sommeil,  comme des Belles au bois dormant, ces oeuvres nous attendent partout là où nous allons vers elles pour les embrasser : dans les musées, les palais, les églises, les chapelles, les monastères, les tombes, les ateliers d'artistes, les maisons, les greniers et, cela est arrivé, dans un poulailler. D’un regard amant nous leur redonneront vie, nos vies en vérité recueillies, ressenties, nos vies réjouies, multipliées à l’infini et redonnées à leur tour. Prolongeant ainsi ce qu’ont fait les créateurs qui reçurent leurs oeuvres de l’Esprit pour les donner à tous en dépit des adversités du monde, pour la Gloire du Dieu Vivant.


Quelques Alliés


Si la plupart des artistes n’ont pas jugé utile de déclarer publiquement avoir fait ou visé un tel art théophanique alors qu'ils espéraient l'avoir approché sinon atteint, c'est, je pense, pour s'effacer derrière leurs œuvres et les laisser parler elles-mêmes, et mieux qu’eux, de ces réalités divines invisibles autant qu'indicibles. Certains, pourtant, s'y sont risqué et évoqué cette nécessité, souvent contre leur époque et leur intérêt, au péril de leurs de vies ou au risque de la folie. Tous sont et seront nos Alliés éternels. 


Friedrich Hölderlin 

Face aux espoirs déçus les Lumières, face aux terreurs révolutionnaires, face au culte de la Raison devenue la déesse, à la science devenue la religion nouvelle rejetant mythes et dieux et annonçant la mort définitive du Dieu révélé des Écritures, face au nihilisme et à la barbarie que portaient en eux les Temps modernes, Hölderlin fut l'un des premiers parmi les voyants de son temps à oser dire que seul un dieu à venir pouvait nous sauver de ces périls. Un dieu à vivant en vérité dont la divine présence s'éprouve en toutes choses vivantes : « Ce que tu cherches, écrit-il, est proche et vient déjà à ta rencontre» Et «Mais qu’est-ce que la vie divine, le ciel de l’homme, sinon de ne faire qu’un avec toutes choses vivantes, retourner, par un radieux oubli de soi, dans le Tout de la Nature, tel est le plus haut degré de la pensée et de la joie, la cime sacrée, le lieu du calme éternel où midi perd sa touffeur, le tonnerre sa voix, où le bouillonnement de la mer se confond avec la houle des blés. » Et ce dieu à venir et vivant, le poète l'appelle aussi : « Ether ! Ô Père ! Ton Appel mille fois crié montait et volait de bouche en bouche, et personne n'était seul pour porter la vie, car partager un tel bien, une telle joie, l'échanger avec l'étranger était une jubilation qui faisait croitre en notre sommeil la puissance du Père, de son Nom sérénissime retentissant du plus loin qu'il venait, de l'antique Signe hérité des anciens, frappant et fécondant l'ici bas. Ainsi reviennent Ceux du Ciel, par un ébranlement profond de l'ombre d'où jaillit la Lumière parmi les hommes.»


Auguste Rodin 

«Si la religion n’existait pas, j’aurais eu besoin de l’inventer. Les vrais artistes sont, en somme, les plus religieux des mortels. On croit que nous ne vivons que par nos sens et que le monde des apparences nous suffit. On nous prend pour des enfants qui s’enivrent de couleurs chatoyantes et qui s’amusent avec les formes comme avec des poupées… L’on nous comprend mal. Les lignes et les nuances ne sont pour nous que les signes de réalités cachées. Au delà des surfaces, nos regards plongent jusqu’à l’esprit, et quand ensuite nous reproduisons des contours, nous les enrichissons du contenu spirituel qu’ils enveloppent. L’artiste digne de ce nom doit exprimer toute la vérité de la Nature, non point seulement la vérité du dehors, mais aussi et surtout celle du dedans… Michel-Ange fait gronder la force créatrice dans les chairs vivantes. Luca della Robbia la fait divinement sourire… Le paysagiste va plus loin peut-être, il voit le reflet de l’âme universelle dans les arbres, les buissons, les plantes, les collines. Corot voyait la bonté éparse sur la cime des arbres, sur l’herbe des prairies, sur les miroirs des lacs. Millet y voyait de la souffrance et de la résignation. Partout le grand artiste entend l’Esprit répondre à son esprit. Où trouverez-vous un homme plus religieux ?


Paul Cézanne

Aux jeunes artistes qui venaient le voir à Aix en Provence : « Il faut se maintenir sur le terrain de l’analyse et de l’observation, oublier les oeuvres faites pour en créer d’imprévues, tirées du sein de l’ouvrage de Dieu.»


Vasilly Kandinsky

En 1912, Kandinsky écrivait dans Du spirituel dans l’art et dans la peinture en particulier, que le principe qui doit guider l’art et les artistes est « la nécessité intérieure, qui est l’élément d’art pur et éternel qu’on retrouve chez tous les humains, chez tous les peuples et dans tous les temps, qui paraît dans l’œuvre de tous les artistes, de toutes les nations et de toutes les époques et qu’elle n’obéit, en tant qu’élément essentiel de l’art, à aucune autre loi d’espace et de temps.» Dans Retour sur le passé, il raconte l'expérience décisive qu'il fit au cours d’une mission ethnologique  : « Je n’oublierai jamais les grandes maisons de bois couvertes de sculptures et de peintures. Elles m’apprirent à me mouvoir au sein même du tableau, à vivre dans le tableau. Je me souviens encore qu’en y entrant pour la première fois je restai figé sur place devant un tableau aussi inattendu. La table, les coffres, le grand poêle, qui tiennent une place importante dans la maison du paysan russe, les armoires, chaque objet, étaient peints d’ornements bariolés étalés à grands traits. Sur les murs, des images populaires, les représentations symboliques d’un héros, une bataille, l’illustration d’un chant populaire… Lorsque j’entrai plus avant dans la pièce, je me sentis environné de tous côtés par la peinture dans laquelle j’avais pénétré. C’est vraisemblablement à travers ces impressions, et non autrement, que prit corps en moi ce que je souhaitais, le but que je fixai pour mon art personnel. »


Pablo Picasso 

En 1937, Picasso n’hésita pas à jeter ces mots à la face des fascistes : «J'ai toujours cru et je crois encore que les artistes qui vivent et travaillent selon des valeurs spirituelles ne peuvent pas et ne doivent pas demeurer indifférents au conflit dans lequel les plus hautes valeurs de l'humanité et de la civilisation sont en jeu.» 


Jean Paulhan 

A la même époque, écrivait « De tous temps le divin nous renseignait sur la peinture, aujourd’hui la peinture pourrait bien nous renseigner sur le divin.».  


Salvador Dali 

«Le peintre doit laisser un ange guider sa main afin de gagner l’immortalité. » 


Henry Matisse 

«Tout art vraiment digne de ce nom est religieux. Des lors qu’un artiste sort de son sentiment une création faite de lignes, de couleurs etc, si cette production n’est pas religieuse elle n’existe pas. Ou alors c’est de l’art documentaire, de l’art anecdotique… de l'art qui n’est plus de l’art, de l'art qui vient d'une époque de civilisation qui a besoin d’expliquer, de montrer des choses à des gens sans éducation artistique et paresseux d’esprit, des gens à qui il faut leur mettre sous les yeux des images qui leur font des souvenirs et les entraîne un peu plus loin peut-être, mais cela c’est un art dont nous n’avons plus besoin maintenant, c’est dépassé.»


Rabindranath Tagore : 

«Le corps est un lieu divin. La joie. L’occident muraille tout. La nature est participée par le poète. Le poète est le scribe de Dieu. Le corps. Le chant. La rumeur. Le bouillonnement, une extase qui nous dépossède de notre petit ego ; un principe d’intégration dans le cosmos, non un principe d’individualisation… » 


Victor Hugo

«La création est un palimpseste à travers lequel on déchiffre Dieu. »


Arthur Rimbaud : 

«Mon âme éternelle observe ton vœu.» Et : «L’automne déjà ! Mais pourquoi regretter un éternel soleil, si nous sommes engagés à la découverte de la clarté divine, - loin des gens qui meurent sur les saisons.» Et encore «Mais tu te mettras au travail : toutes les possibilités harmoniques et architecturales s’émouvront autour de ton siège. Des êtres parfaits, imprévus, s’offriront à tes expériences. Dans tes environs affluera rêveusement la curiosité d’anciennes foules et de luxes oisifs. Ta mémoire et tes sens ne seront que la nourriture de ton impulsion créatrice. Quant au monde, quand tu sortiras, que sera-t-il devenu ? en tout cas, rien des apparences actuelles. » 


Georges Sand,

Dans une lettre à Charles Poncy, poète et maçon, écrit : « Le temps ne paraît long qu'à nous. Aux yeux de Dieu, il n'existe pas. Nos siècles ne comptent pas dans l'éternité, et nous sommes vivants et agissants avec Dieu dans l'éternité, car nous mourons pour renaître et progresser. Chaque existence est la récompense ou le châtiment de celle qui l'a précédée. Chaque vertu amasse pour notre prochaine ré-apparition sur la terre un trésor de dédommagement et de force nouvelle. Soyez sûr que vous avez déjà vécu de tout temps sur la terre, et que votre génie poétique est la récompense de quelque belle action, de quelque noble dévouement dont vous ne vous souvenez pas. Faites-en donc un noble usage, afin de vous réveiller “apôtre” ou “héros” après le sommeil de la mort. Et maintenant ne doutez pas et ne désespérez pas, vous n'avez pas le droit de douter de cette action sur le monde. Priez toujours, dites toujours : "Seigneur, Seigneur, la vérité ! " La foi vous viendra. » 


Nicolas Fontaine

«Les saints disent que le monde n’est qu’un tableau où Dieu en créant les choses visibles n’a fait que peindre les invisibles, comme les Peintres ne représentent que les visibles. Notre négligence, et notre peu d’application à Dieu, est comme un rideau qui nous voile les beautés de ce tableau inimitable. On tâche autant que l’on peut, dans ce petit ouvrage — Le Dictionnaire Chrétien (1691) à l’article Tableau — de le dévoiler, et de tirer le rideau qui nous le cache. Un tableau presque tout effacé, où l’on a peine à démêler quelque trait, est notre véritable tableau. Dieu, comme un Peintre inimitable, nous avait faits à son image et à sa ressemblance. Mais depuis le péché, cette loi naturelle qui nous faisait discerner si facilement le bien d’avec le mal, a été effacée. Cette loi néanmoins avait été totalement imprimée au fond des cœurs et de la conscience, que Dieu, par sa miséricorde, n’a pas voulu même qu’après cette chute, elle fût entièrement ruinée. Mais les linéaments de ce tableau sont tellement obscurcis qu’on n’y reconnaît presque plus aucun trait, quoiqu’il en reste assez pour faire que l’homme approuve encore quelques vérités d’une honnêteté et d’une justice naturelle et s’abstienne quelquefois de faire ce que cette loi lui défend. »


Guy Debord 

Écrit dans ses Commentaires sur la société du spectacle : « …dans une époque où ne peut exister d’art contemporain, il devient difficile de juger les arts classiques. Ici comme ailleurs l’ignorance n’est produite que pour être exploitée. En même temps que se perdent ensemble le sens de l’histoire et le goût, on organise des réseaux de falsification. Il suffit de tenir les experts et les commissaires priseurs, et c’est assez facile, pour tout faire passer, puisque dans les affaires de cette nature, comme finalement dans les autres, c’est la vente qui authentifie toute valeur. »


Il serait salutaire pour nombre de nos contemporains qui ont perdu l’Esprit de faire un recueil de ces professions de foi peu connues des peintres, poètes, écrivains, musiciens, cinéastes, acteurs, danseurs, architectes de tous les temps qui reconnurent avoir été inspiré par l’Esprit Vivant qui leur donna de mettre au monde les chef-d’œuvre pour le révéler à tous et lui rendre grâce.


A suivre…