jeudi 24 décembre 2020

Ne craignez point; car je vous annonce une bonne nouvelle : aujourd'hui, il vous est né un Sauveur.

Gloire à Dieu dans les lieux très hauts, Et paix sur la terre parmi les hommes qu'il agrée !

 

Hermann et Jan de Limbourg. l’Annonce faite aux bergers.
Manuscrit pleine page des « Très Riches Heures du duc de Berry ».
Cahier des Heures de la Vierge. 1411-16.
Chantilly, Musée Condé.

 

Evangile selon saint Luc 

1

1 Plusieurs ayant entrepris de composer un récit des événements qui se sont accomplis parmi nous, 2 suivant ce que nous ont transmis ceux qui ont été des témoins oculaires dès le commencement et sont devenus des ministres de la parole, 3 il m'a aussi semblé bon, après avoir fait des recherches exactes sur toutes ces choses depuis leur origine, de te les exposer par écrit d'une manière suivie, excellent Théophile, 4 afin que tu reconnaisses la certitude des enseignements que tu as reçus.

5 Du temps d'Hérode, roi de Judée, il y avait un sacrificateur, nommé Zacharie, de la classe d'Abia; sa femme était d'entre les filles d'Aaron, et s'appelait Elisabeth. 6 Tous deux étaient justes devant Dieu, observant d'une manière irréprochable tous les commandements et toutes les ordonnances du Seigneur. 7 Ils n'avaient point d'enfants, parce qu'Elisabeth était stérile; et ils étaient l'un et l'autre avancés en âge. 8 Or, pendant qu'il s'acquittait de ses fonctions devant Dieu, selon le tour de sa classe, 9 il fut appelé par le sort, d'après la règle du sacerdoce, à entrer dans le temple du Seigneur pour offrir le parfum. 10 Toute la multitude du peuple était dehors en prière, à l'heure du parfum. 11 Alors un ange du Seigneur apparut à Zacharie, et se tint debout à droite de l'autel des parfums. 12 Zacharie fut troublé en le voyant, et la frayeur s'empara de lui. 13 Mais l'ange lui dit: Ne crains point, Zacharie; car ta prière a été exaucée. Ta femme Elisabeth t'enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jean. 14 Il sera pour toi un sujet de joie et d'allégresse, et plusieurs se réjouiront de sa naissance. 15 Car il sera grand devant le Seigneur. Il ne boira ni vin, ni liqueur enivrante, et il sera rempli de l'Esprit-Saint dès le sein de sa mère; 16 il ramènera plusieurs des fils d'Israël au Seigneur, leur Dieu; 17 il marchera devant Dieu avec l'esprit et la puissance d'Elie, pour ramener les coeurs des pères vers les enfants, et les rebelles à la sagesse des justes, afin de préparer au Seigneur un peuple bien disposé. 18 Zacharie dit à l'ange: A quoi reconnaîtrai-je cela? Car je suis vieux, et ma femme est avancée en âge. 19 L'ange lui répondit: Je suis Gabriel, je me tiens devant Dieu; j'ai été envoyé pour te parler, et pour t'annoncer cette bonne nouvelle. 20 Et voici, tu seras muet, et tu ne pourras parler jusqu'au jour où ces choses arriveront, parce que tu n'as pas cru à mes paroles, qui s'accompliront en leur temps. 21 Cependant, le peuple attendait Zacharie, s'étonnant de ce qu'il restait si longtemps dans le temple. 22 Quand il sortit, il ne put leur parler, et ils comprirent qu'il avait eu une vision dans le temple; il leur faisait des signes, et il resta muet. 23 Lorsque ses jours de service furent écoulés, il s'en alla chez lui.

24 Quelque temps après, Elisabeth, sa femme, devint enceinte. Elle se cacha pendant cinq mois disant: 25 C'est la grâce que le Seigneur m'a faite, quand il a jeté les yeux sur moi pour ôter mon opprobre parmi les hommes. 26 Au sixième mois, l'ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, 27 auprès d'une vierge fiancée à un homme de la maison de David, nommé Joseph. Le nom de la vierge était Marie. 28 L'ange entra chez elle, et dit: Je te salue, toi à qui une grâce a été faite; le Seigneur est avec toi. 29 Troublée par cette parole, Marie se demandait ce que pouvait signifier une telle salutation. 30 L'ange lui dit: Ne crains point, Marie; car tu as trouvé grâce devant Dieu. 31 Et voici, tu deviendras enceinte, et tu enfanteras un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus. 32 Il sera grand et sera appelé Fils du Très-Haut, et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père. 33 Il règnera sur la maison de Jacob éternellement, et son règne n'aura point de fin. 34 Marie dit à l'ange: Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais point d'homme? 35 L'ange lui répondit: Le Saint-Esprit viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre. C'est pourquoi le saint enfant qui naîtra de toi sera appelé Fils de Dieu.  

36Voici, Elisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils en sa vieillesse, et celle qui était appelée stérile est dans son sixième mois. 37 car rien n'est impossible à Dieu. 38 Marie dit: Je suis la servante du Seigneur; qu'il me soit fait selon ta parole! Et l'ange la quitta. 39 Dans ce même temps, Marie se leva, et s'en alla en hâte vers les montagnes, dans une ville de Juda. 40 Elle entra dans la maison de Zacharie, et salua Elisabeth. 41 Dès qu'Elisabeth entendit la salutation de Marie, son enfant tressaillit dans son sein, et elle fut remplie du Saint-Esprit. 42 Elle s'écria d'une voix forte: Tu es bénie entre les femmes, et le fruit de ton sein est béni. 43 Comment m'est-il accordé que la mère de mon Seigneur vienne auprès de moi? 44 Car voici, aussitôt que la voix de ta salutation a frappé mon oreille, l'enfant a tressailli d'allégresse dans mon sein. 45 Heureuse celle qui a cru, parce que les choses qui lui ont été dites de la part du Seigneur auront leur accomplissement. 46Et Marie dit: Mon âme exalte le Seigneur, 47 Et mon esprit se réjouit en Dieu, mon Sauveur, 48 Parce qu'il a jeté les yeux sur la bassesse de sa servante. Car voici, désormais toutes les générations me diront bienheureuse, 49 Parce que le Tout-Puissant a fait pour moi de grandes choses. Son nom est saint, 50 Et sa miséricorde s'étend d'âge en âge Sur ceux qui le craignent. 51 Il a déployé la force de son bras; Il a dispersé ceux qui avaient dans le coeur des pensées orgueilleuses. 52 Il a renversé les puissants de leurs trônes, Et il a élevé les humbles. 53 Il a rassasié de biens les affamés, Et il a renvoyé les riches à vide. 54 Il a secouru Israël, son serviteur, Et il s'est souvenu de sa miséricorde, 55 Comme il l'avait dit à nos pères, -Envers Abraham et sa postérité pour toujours. 56 Marie demeura avec Elisabeth environ trois mois. Puis elle retourna chez elle. 

57 Le temps où Elisabeth devait accoucher arriva, et elle enfanta un fils. 58 Ses voisins et ses parents apprirent que le Seigneur avait fait éclater envers elle sa miséricorde, et ils se réjouirent avec elle. 59 Le huitième jour, ils vinrent pour circoncire l'enfant, et ils l'appelaient Zacharie, du nom de son père. 60 Mais sa mère prit la parole, et dit: Non, il sera appelé Jean. 61 Ils lui dirent: Il n'y a dans ta parenté personne qui soit appelé de ce nom. 62 Et ils firent des signes à son père pour savoir comment il voulait qu'on l'appelle. 63 Zacharie demanda des tablettes, et il écrivit: Jean est son nom. Et tous furent dans l'étonnement. 64 Au même instant, sa bouche s'ouvrit, sa langue se délia, et il parlait, bénissant Dieu. 65 La crainte s'empara de tous les habitants d'alentour, et, dans toutes les montagnes de la Judée, on s'entretenait de toutes ces choses. 66 Tous ceux qui les apprirent les gardèrent dans leur coeur, en disant: Que sera donc cet enfant? Et la main du Seigneur était avec lui. 

67 Zacharie, son père, fut rempli du Saint-Esprit, et il prophétisa, en ces mots: 68 Béni soit le Seigneur, le Dieu d'Israël, De ce qu'il a visité et racheté son peuple, 69 Et nous a suscité un puissant Sauveur Dans la maison de David, son serviteur, 70 Comme il l'avait annoncé par la bouche de ses saints prophètes des temps anciens, - 71 Un Sauveur qui nous délivre de nos ennemis et de la main de tous ceux qui nous haïssent! 72 C'est ainsi qu'il manifeste sa miséricorde envers nos pères, Et se souvient de sa sainte alliance, 73 Selon le serment par lequel il avait juré à Abraham, notre père, 74 De nous permettre, après que nous serions délivrés de la main de nos ennemis, De le servir sans crainte, 75 En marchant devant lui dans la sainteté et dans la justice tous les jours de notre vie. 75 Et toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut; Car tu marcheras devant la face du Seigneur, pour préparer ses voies, 77 Afin de donner à son peuple la connaissance du salut Par le pardon de ses péchés, 78 Grâce aux entrailles de la miséricorde de notre Dieu, En vertu de laquelle le soleil levant nous a visités d'en haut, 79 Pour éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort, Pour diriger nos pas dans le chemin de la paix.

80 Or, l'enfant croissait, et se fortifiait en esprit. Et il demeura dans les déserts, jusqu'au jour où il se présenta devant Israël.

Luc 2

1 En ce temps-là parut un édit de César Auguste, ordonnant un recensement de toute la terre. 2 Ce premier recensement eut lieu pendant que Quirinius était gouverneur de Syrie. 3 Tous allaient se faire inscrire, chacun dans sa ville. 4 Joseph aussi monta de la Galilée, de la ville de Nazareth, pour se rendre en Judée, dans la ville de David, appelée Bethléhem, parce qu'il était de la maison et de la famille de David, 5 afin de se faire inscrire avec Marie, sa fiancée, qui était enceinte. 6 Pendant qu'ils étaient là, le temps où Marie devait accoucher arriva, 7 et elle enfanta son fils premier-né. Elle l'emmaillota, et le coucha dans une crèche, parce qu'il n'y avait pas de place pour eux dans l'hôtellerie.

8 Il y avait, dans cette même contrée, des bergers qui passaient dans les champs les veilles de la nuit pour garder leurs troupeaux. 9 Et voici, un ange du Seigneur leur apparut, et la gloire du Seigneur resplendit autour d'eux. Ils furent saisis d'une grande frayeur. 10 Mais l'ange leur dit: Ne craignez point; car je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera pour tout le peuple le sujet d'une grande joie: 11 C'est qu'aujourd'hui, dans la ville de David, il vous est né un Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur. 12 Et voici à quel signe vous le reconnaîtrez: vous trouverez un enfant emmailloté et couché dans une crèche. 13 Et soudain il se joignit à l'ange une multitude de l'armée céleste, louant Dieu et disant:

14 Gloire à Dieu dans les lieux très hauts, Et paix sur la terre parmi les hommes qu'il agrée!

Andrea Mantegna. L’ Adoration des bergers. Vers 1455-1456.
New York. Metropolitan Museum of Art.



15 Lorsque les anges les eurent quittés pour retourner au ciel, les bergers se dirent les uns aux autres: Allons jusqu'à Bethléhem, et voyons ce qui est arrivé, ce que le Seigneur nous a fait connaître. 16 Ils y allèrent en hâte, et ils trouvèrent Marie et Joseph, et le petit enfant couché dans la crèche. 17 Après l'avoir vu, ils racontèrent ce qui leur avait été dit au sujet de ce petit enfant. 18 Tous ceux qui les entendirent furent dans l'étonnement de ce que leur disaient les bergers. 19 Marie gardait toutes ces choses, et les repassait dans son coeur. 20 Et les bergers s'en retournèrent, glorifiant et louant Dieu pour tout ce qu'ils avaient entendu et vu, et qui était conforme à ce qui leur avait été annoncé.

21 Le huitième jour, auquel l'enfant devait être circoncis, étant arrivé, on lui donna le nom de Jésus, nom qu'avait indiqué l'ange avant qu'il fût conçu dans le sein de sa mère.

22 Et, quand les jours de leur purification furent accomplis, selon la loi de Moïse, Joseph et Marie le portèrent à Jérusalem, pour le présenter au Seigneur, - 23 suivant ce qui est écrit dans la loi du Seigneur: Tout mâle premier-né sera consacré au Seigneur, - 24 et pour offrir en sacrifice deux tourterelles ou deux jeunes pigeons, comme cela est prescrit dans la loi du Seigneur.

25 Et voici, il y avait à Jérusalem un homme appelé Siméon. Cet homme était juste et pieux, il attendait la consolation d'Israël, et l'Esprit-Saint était sur lui. 26 Il avait été divinement averti par le Saint-Esprit qu'il ne mourrait point avant d'avoir vu le Christ du Seigneur. 27 Il vint au temple, poussé par l'Esprit. Et, comme les parents apportaient le petit enfant Jésus pour accomplir à son égard ce qu'ordonnait la loi, 28 il le reçut dans ses bras, bénit Dieu, et dit:

29 Maintenant, Seigneur, tu laisses ton serviteur S'en aller en paix, selon ta parole. 30 Car mes yeux ont vu ton salut, 31 Salut que tu as préparé devant tous les peuples, 32 Lumière pour éclairer les nations, Et gloire d'Israël, ton peuple.

33 Son père et sa mère étaient dans l'admiration des choses qu'on disait de lui. 34 Siméon les bénit, et dit à Marie, sa mère: Voici, cet enfant est destiné à amener la chute et le relèvement de plusieurs en Israël, et à devenir un signe qui provoquera la contradiction, 35 et à toi-même une épée te transpercera l'âme, afin que les pensées de beaucoup de coeurs soient dévoilées.

36 Il y avait aussi une prophétesse, Anne, fille de Phanuel, de la tribu d'Aser. Elle était fort avancée en âge, et elle avait vécu sept ans avec son mari depuis sa virginité. 37 Restée veuve, et âgée de quatre vingt-quatre ans, elle ne quittait pas le temple, et elle servait Dieu nuit et jour dans le jeûne et dans la prière. 38 Etant survenue, elle aussi, à cette même heure, elle louait Dieu, et elle parlait de Jésus à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem.

39 Lorsqu'ils eurent accompli tout ce qu'ordonnait la loi du Seigneur, Joseph et Marie retournèrent en Galilée, à Nazareth, leur ville. 40 Or, l'enfant croissait et se fortifiait. Il était rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui.


Le Greco. Adoration des bergers. 1612-1614.
Le Prado.


lundi 7 décembre 2020

Au coeur du Sujet, la Vie.

Grâce et expositions : Au Coeur du Sujet - 2006

 Espace Grâce Bruxelles

En octobre 2006, quatre artistes du groupe Grâce, composé alors de Saskia Weyts, d'Yvon Mouster, de Philippe Pavageau et de Robert Empain,  présentaient à Bruxelles une exposition intitulée « Au Cœur du Sujet ». Nous disions alors ce que nous n'avons cessé de dire depuis : ce qui est au coeur de chaque homme c'est un Désir qui le veut en vie, non pas pour la mort comme le pensait Martin Heidegger et ses suiveurs aveugles, mais pour la vie infinie. Ce Désir est celui de la Vie absolue - Dieu - qui nous donne sa vie en espérant que nous la recevions et que nous l'aimions en nous-mêmes et en chaque vivant. Nous disions encore que la Vie, l'Amour et la Lumière sont les Noms de Dieu et que l'art peut encore ouvrir nos coeurs à ce Désir infini et nous apprendre de quelle chair éternelle notre âme est faite. Nous voulions aussi rendre hommage aux peintres Paul Cézanne et Vassily Kandinsky, au poète Arthur Rimbaud et au philosophe Michel Henry qui nous ont aidés à comprendre ces choses. Je publie ici le texte de l'Appel à participer à cette exposition que j'avais lancé à quelques artistes en 2006, car il peut nourrir notre réflexion aujourd'hui alors que la peur de la mort pétrifie plus durement que jamais des coeurs humains fermés à la vraie Vie.
 

Je suis la Vie, huile sur velours 2006. Robert Empain

 

Paul Cézanne :  «Il faut se dépêcher si l’on veut encore voir quelque chose, car les choses sont en train de disparaître.»  

Or, la disparition a eu lieu. Comment et où les «choses» ont-elles disparu ?  Elles ont disparu dans les écrans et les images, elles ont disparu de notre capacité de les voir, elles ont disparu de l’art lui même.  Cette disparition se nomme Barbarie, Science, Technique, Spectacle, Marché, Musée…La suite est en cours : l’homme - pensé comme un objet parmi les objets du monde - est en train de disparaître.  



Corps subjectif de Wassily Kandinsky, technique mixte sur toile, 2006. Robert Empain

 


Au cœur du sujet est ta disparition
Pourtant, un seul tableau de Cézanne, un seul poème de Rimbaud - par exemples - sont plus essentiels pour l’homme que des milliards d’images car ils pourraient lui en apprendre beaucoup sur son apparition et sur sa disparition… 

 


Yvon Mouster. Photographies issues d'une série de portraits de défunts déposes sur des tombess. 2006. 


L’art pourrait-il encore nous sauver ?
Une telle possibilité est-elle encore d’actualité pour l’art et ses agents ? Au cœur du sujet il y a cette question : quel art pourrait nous sauver ?  
L’artiste qui espèrerait régénérer une telle possibilité, ne serait-ce que pour lui-même, doit comprendre et affirmer avec force  : L’art, en son essence, est hors du monde, hors du temps, hors de toute époque, hors de ce que nous osons appeler la culture, hors des marchés, hors même du visible, il n’a rien à voir avec les images et les objets, rien à voir avec les idées et les concepts.  Il s’ensuit que l’art ne peut être expliqué par l’histoire de l’art, la science, l’économie, la politique, la sociologie, la psychologie, la sémiologie, la psychanalyse, pas davantage par la technologie, la mode, le musée, les galeries, les médias, la nationalité, l’ethnie, la classe, le pouvoir, la biographie… 

C’est au contraire la prolifération des théories, des explications, des justifications,  l’addition de leurs considérations fragmentaires, hors de son sujet et hors Sujet, qui ont produit la confusion actuelle et détruit la relation vivante à l’art - passé comme présent -  ainsi que son enseignement et sa pratique.  C’est l’essence de l’art qui a été et qui est continuellement annulée par les politiques culturelles, muséales et patrimoniales ; qui est assassinée par les médias et anéantie par la spéculation et l’argent.
Philippe Sollers : « Désormais, les mortels unis par leur seule passion, qui est la mort, n’ont donc qu’une chose à faire, c’est d’éviter  au maximum que se produise parmi eux un trop de bonheur. Le navigateur d’aujourd’hui est plus clandestin que jamais. Il doit recourir à d’autres stratégies et endurer la volonté générale qui consiste à fabriquer du temps pour la mort. » Une visite aux MAC’S SMAK et autres FRAC suffit à le démontrer.

Si l’art n’est pas du monde, pas dans l’histoire, pas dans le visible, pas dans la culture - telle qu’on nous la sert – pas dans les images et ainsi de suite, où est-il ? Quel est son lieu ?



Photographies du poète Philippe Pavageau. 2006


L’art a lieu en toi, dans ta chair, dans ta sensibilité, dans ton cœur, dans ta vie.  « Le cœur est  la définition la plus adéquate de l’homme.» écrit Michel Henry. Ce que tu éprouves dans ta chair, dans ton cœur, c’est la vie. Mais qu’est-ce que la vie ? « La vie est le mouvement invisible et incessant de venir en soi, de s’éprouver soi-même, de s’accroître de soi ; enraciné dans la vie, l’art est une réponse pathétique (un éprouver) que la vie s’efforce d’apporter à l’immense Désir qui la traverse. Et cette réponse, la vie ne peut la trouver qu’en elle-même, dans une sensibilité qui veut sentir davantage, se sentir plus intensément… » écrit Michel Henry. La vie est ainsi la Force invisible (un Flux dira Nietzsche) qui veut toujours s’éprouver plus intensément et s’accroître davantage en nous à chaque instant.  L’art n’a d’autre but que de nous faire ressentir et d’accroître la vie et l’essence de l’art est la sensibilité.  L’essence de l’art Wassily Kandinsky n’a cessé de l’affirmer :  « C’est par la sensibilité seule que l’on parvient à atteindre le vrai dans l’art. »



Saskia Weyts. Regard croisé. Huile sur toile. 2006


La vie et l’art ne s’éprouvent qu’en l’homme, dans sa chair, dans son cœur et jamais dans le monde - car le monde n’éprouve rien.  C’est pourquoi l’art, en son essence sensible qui est la vie elle même, est toujours hors du monde, hors de l’histoire, hors de l’époque, c’est pourquoi il n’a rien à voir avec quoi que ce soit d’objectif, un objet, une matière, un concept, une idée, une image etc. L’art a du sens si il est propagateur de vie, et l’artiste est le passager clandestin du monde qui, contre les forces de négation de la vie, contre la disparition du monde et de l’homme, contre cette époque, affirme et exprime la vie.
Martin Heidegger face à la dévastation du monde a écrit :  « Seul un dieu peut nous sauver » Le seul dieu qui peut nous sauver est pourtant celui que Heidegger avait perdu de vue, il se nomme la Vérité et la Vie. Par lui nous pouvons sortir de cette interminable Saison en enfer et dire enfin avec Arthur Rimbaud  : « …il me sera loisible de posséder la vérité dans une âme et un corps. » 



Vue de l'exposition Au coeur du Sujet, à l'espace Grâce à Bruxelles


Illustrations : oeuvres de Saskia Weyts, Yvon Mouster, Philippe Pavageau, Robert Empain,  

Texte : Robert Empain


mardi 24 novembre 2020

Pourtant la Beauté.


  En ces temps de désolation et face à un monde qui semble avoir définitivement perdu l'Esprit, se révèlent aux yeux de tous la vanité, l'impuissance, la violence et la folie des puissants.  En ces temps de désespoir, les poètes peuvent  encore indiquer la voie simple du recueillement de la beauté qui manifeste partout la bonté de Dieu, la voie qui s'ouvre à tout instant à chacun de nous de sauter hors du temps mortel pour se situer dans le synchronisme divin et naître dans la vraie Vie dont ils vivent depuis toujours en l'ayant oublié.
 
J'espère que ces deux textes, extraits Ad Imaginen Dei 1 L'oeuvre invisible, ouvrent quelque peu cette voie...

Nuage en Berry. 2010
 
  
Pourtant la Beauté 
La Beauté ne se définit pas, elle se rencontre en personne, comme une reine, une amie, une sœur ou un ange. 
La Beauté se manifeste partout. On peut la voir dans une pâquerette, une éclipse solaire, un flocon de neige, un massif de montagnes, une pomme, un ciel étoilé, les yeux d'un enfant, un visage de femme, les mains d'un mourant, un miroitement sur une source, un jaillissement dans l'âme... 
La loi de la Beauté est toujours. 
La Beauté est toujours neuve, toujours venante, toujours donnée, toujours aimée...
La Beauté conjugue au présent les verbes embellir, venir, donner, rayonner, rire, maintenir, ouvrir, nourrir, jouer, aimer, caresser, jouir, soigner, pardonner, être, vivre. 
Elle dit j’embellis, je viens, je donne, je rayonne, je ris, je maintiens, j'ouvre, je nourris, je joue, j'aime, je caresse, je jouis, je soigne, je pardonne, je suis, je vis. 
La Beauté t’appelle et te dit embellis, viens, donne, rayonne, ris, maintiens, ouvre, nourris, joue, aime, caresse, jouis, soigne, pardonne, sois, vis ! 
La Beauté dit je suis là et je suis là depuis toujours, je suis là encore, je suis neuve, je te pardonne, je t’aime, recommençons, viens ! 
La Beauté abolit le temps, elle dissout nos peurs de passer, de trépasser. 
La Beauté est le passage ouvert. La Beauté est la bonté, l’amour et le pardon. 
La Beauté est le visage du Dieu Vivant qui transparaît dans le visage d’une maman qui étreint son enfant, ou celui d'un père qui embrasse son fils perdu et retrouvé. 
 La Beauté c’est la joie de Dieu manifestée partout. 
 
 
L'Adoration des mages par Les frères Limbourg. XVe siècle. Berry

 
 
Se signer dans l’Univers 
Chaque époque a l’art qu’elle mérite comme chaque homme ne voit que ce qu’il est capable de voir. Les civilisations sont mortelles et les chefs-d’œuvre qu'elles nous lèguent le sont aussi. Les musées se chargent de les ensevelir dans leurs fosses communes et leurs tombeaux étiquetés. Les œuvres d’art ne vivent que par ceux qui les aiment, les amateurs, les artistes, les poètes, tous des princes charmants capables de rendre la vie aux apparences mortes, tous amants sincères dont les regards ont les vertus du baiser. Pour ceux là, les œuvres d'art sont des Belle-au-Bois-dormant qu’une étreinte suffit à ramener à la vie. Ces Beautés ressuscitées ne regardent que ceux qui les regardent et leurs grâces n'illuminent que les cœurs transparents, brisant les carapaces, travaillant les cœurs en profondeur en les ensemençant. 
Les vrais artistes, les Vinci, Durer, Van Eyck, Cézanne, Monet, Van Gogh, Manet, Rodin, Kandinsky, Picasso, Miro, Matisse, Klee, Morandi et mille autres moins connus, percevaient dans la plus humble réalité un miracle, ils en recevaient une joie féconde. Si ils ont peint des tableaux c’est pour nous, pour que nous percevions ces grâces à notre tour. Pour l’artiste, l’art est recommencement perpétuel car il vient de la Vie, qui est le Principe vivant en toute création. L’artiste est le vivant singulier qui saute hors du temps pour se situer d’emblée dans le synchronisme divin, le Présent Vivant. En Lui et par Lui, le Vivant, il entend et comprend sa propre langue, sa voix, son regard, il renoue avec l'Universel dans le personnel, il reçoit le Souffle premier, créateur de toutes choses, et, en le recueillant il se recueille lui-même. Recueilli, il peut tout accueillir et connaître son Nom. Le connaissant, il peut se signer dans l’univers et dire cette prière en comprenant son sens inouï : Je suis au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ! Ainsi il rend grâce et demeure avec Paul Klee et ses semblables « insaisissables dans les rameaux de l’Être ». Et, pour toutes ces raisons, avec eux, il rit beaucoup.  
 
 
Textes : Robert Empain, 1986.
Extraits de Ad Imaginel Dei 1 L'oeuvre invisible est disponible sur Apple store

mardi 3 novembre 2020

Le monde peut-il encore être sauvé par quelques uns ?

 Grâce à Michel Henry

Texte de présentation de La Barbarie

 

 

La Barbarie, Grasset 1987 

Dernière rééd. P.U.F. Quadrige grands textes, 2004



Notre monde ne va pas bien et cet essai brillant et passionné, destiné à un large public, a, hélas, encore gagné en actualité. Dès sa publication, alors que de leur côté des biologistes s’interrogeaient sur l’orientation éthique de la science, il a connu un grand succès. Son propos est de prendre en vue la catastrophe majeure de notre temps, la barbarie, et de mettre en lumière sa cause : on ne saurait y voir un fléchissement accidentel de civilisation comme il y en a tant eu. Il s’agit, montre Michel Henry, d’une dénaturation de la vie tout entière dont l’essence est de faire effort pour se transformer et s’accomplir. Inversion de ce processus, la barbarie résulte de la progression aveugle de la technique, généralement considérée comme positive. 

 

C’est sur les principes de sa phénoménologie que Michel Henry fonde l’analyse d’une catastrophe qui touche en réalité à l’historial. La crise actuelle lui fait définir la relation de la culture à la vie, la nature de la science, celle de la technique, ainsi que celle de la communauté, de la société, du travail, le tout en faisant retour au concept central de sa phénoménologie fondée sur le pouvoir de l’individu. Ce texte est un manifeste en faveur de la vie et non le pamphlet que certains ont cru lire.

Ce qui ne s’était jamais vu :

Le développement sans précédent des savoirs scientifiques va de pair avec l’effondrement des autres activités et entraîne la ruine de l’homme.

 

I - Culture et barbarie :

Produit de l’auto transformation de la vie, la culture est savoir originel, subjectif, de cette vie et diffère du savoir scientifique, objectif, tel que l’a formulé au XVIe siècle Galilée, fondateur de la science moderne : ce second savoir repose sur la mise hors jeu des qualités sensibles du monde et n’en retient que les formes abstraites ; d’autre part, ne s’occupant que de l’extériorité du monde, il ignore les limites de son champ de recherche. C’est pourtant la vie subjective qui donne originairement forme au monde et qui est la condition interne du savoir scientifique. Mais ce savoir premier s’identifie à ce qu’il fait, opère du dedans et se confond avec son pouvoir, alors que la science a pour fondement l’objectivité et l’universalité. Se mouvant dans la théorie, elle ne peut concevoir la réalité pratique de la culture : la subjectivité étant tout entière besoin, sa praxis satisfait aussi bien besoins élémentaires – biens utiles à la vie, nourriture, habitat, célébration de son destin, érotisme, organisation sociale, travail – que besoins supérieurs, art, éthique, religion. La barbarie réside dans cette méconnaissance.

 

II - La science jugée au critère de l’art

Ce n’est pas le savoir scientifique qui est en cause, mais l’idéologie actuelle qui le tient pour l’unique savoir. Les ingérences de la méthode scientifique dans le domaine de l’art rendent sensible leur hétérogénéité : ainsi à Éleuthère, ancienne forteresse grecque dont les remparts cyclopéens magnifiquement conservés sont défigurés par la ligne électrique à haute tension qui les enjambe, détruisant cette unité du monde qui repose sur la sensibilité individuelle ; ravages de prétendues restaurations scientifiques comme à Daphni, basilique du XIe siècle aux mosaïques dévastées par une initiative de la science dans un domaine qui n’est pas le sien. Ce qui est détruit est l’unité organique du substrat, analogon de l’objet esthétique qui est par essence imaginaire. Car l’art est à chaque fois expression d’un individu, caractère qu’ignore la science. (Se reporter à Voir l’Invisible, essai sur Kandinsky).

 

III - La science seule : la technique

Les opérations que la science inspire à la technique reposent exclusivement sur l’auto développement d’un savoir théorique livré à lui-même qui ne sait rien des intérêts supérieurs de l’homme. Pourtant l’essence de la technè est originairement savoir-faire individuel. La mise en œuvre de nos pouvoirs subjectifs est la forme première de la culture. Mais quand ce déploiement de la praxis dépend d’une abstraction, il y a bouleversement ontologique, l’action cesse d’obéir aux prescriptions de la vie. Coupée de sa racine humaine, elle n’existe plus que sur un mode purement matériel.
    A cela s’ajoute une inversion de la téléologie vitale : la production vise l’argent, qui est abstraction. Le rôle des travailleurs dans le monde moderne s’est amoindri, remplacé par des robots et l’atrophie des potentialités de l’individu vivant a entraîné un malaise – et une inculturation, la part du savoir de chacun devenant minimale, tandis que l’univers technique prolifère à la manière d’un cancer.

 

IV – La maladie de la vie

La barbarie réside dans l’occultation par l’homme de son être propre C’est pourtant la subjectivité qui crée les idéalités de la science. Comme celui de la culture l’acte inaugural de celle-ci est une modalité de la vie. Aujourd’hui toutefois la science et la culture sont en rapport d’exclusion réciproque parce que la praxis de la science conçoit la vérité comme étrangère à la sphère ontologique de la vérité vivante. Cette auto négation de la vie est l’événement crucial qui détermine la culture moderne en tant que culture scientifique, phénomène qui va de pair avec l’élimination des autres domaines spirituels.
Or tout homme se meut à l’intérieur du monde de la vie, il est épreuve de soi, subjectivité, singularité, auto accroissement, travail personnel sur soi, aspect jamais pris en considération par la science. Voilà pourquoi la rupture de ce qui lie la vie avec elle-même est catastrophique et source d’angoisse.

 

V – Les idéologies de la barbarie

Il s’agit essentiellement des sciences humaines dont l’éclosion caractérise la culture moderne. Théoriquement c’est l’homme qu’elles prennent en vue : langage, historicité, socialité etc. Toutefois elles font abstraction de l’Individu transcendantal que nous sommes, mettant hors jeu sa subjectivité, au mépris de leur finalité réelle. Leur traitement de type mathématique appauvrit le fait humain. Devant le suicide, la sexualité, l’angoisse, que valent des statistiques ? Plus on accumule de connaissances positives, plus on ignore ce qu’est l’homme. Et pourtant la vie, écartée à notre époque, n’en subsiste pas moins sous une forme élémentaire, vulgaire, voire dans son auto négation.

 

VI – Pratiques de la barbarie

L’éthique est le savoir de la vie qui s’éprouve comme valeur absolue et détermine les valeurs de son action. L’être de la subjectivité est expérience continuée de soi, effort sans effort, étreinte où son pathos se modalise selon les tonalités phénoménologiques fondamentales du souffrir et du jouir. Souffrir, qui est poids de son existence propre incapable de se défaire de soi. Jouir, quand la souffrance de la conservation se change en ivresse de l’abondance. Tel est le point source de toute culture comme de sa réversion possible en barbarie.

Celle-ci procède comme la culture de l’Énergie originelle, mais elle est l’inversion de cette énergie dont l’élimination n’est pas possible. L’énergie ne subsiste que dans le refoulement, créatrice d’angoisse. Elle cherche à se libérer par un soulagement immédiat, se replie sous des formes frustes du sentir, du penser, de l’agir, augmentant le mécontentement, engendrant la violence.

Les figures de la barbarie sont là, comportements grossiers, fuite frénétique dans l’extériorité engendrant l’échec à se débarrasser de soi, idéologie scientiste, positiviste qui se substitue à la science, démission de la vie transcendantale, engluement dans la télévision qui est la vérité de la technique, avec sa recherche de la brutalité du fait, l’incohérence de ses images qui se substituent à la vie personnelle, sa censure idéologique qui rassemble les stéréotypes d’une époque etc.

VII – La destruction de l’Université

Primitivement destinée à transmettre une culture qui signifiait entrée en possession de soi, l’Université ignore désormais l’humanitas de l’homme. Pour des raisons économiques, la finalité des formations obéit au développement de la technique dont l’idéologie ruine également la transmission du savoir soumise au leurre de la pédagogie, ce qui dispense tout le monde d’une culture véritable – alors que la nature du vrai savoir, intemporelle, toujours contemporaine, ne peut être transmise que si celui-ci est revécu par celui qui l’enseigne.


Seigneur, prends pitié de nous. 2007. R.E

 

Underground

Le rejet de la culture dans une clandestinité qui en change la nature et la destination caractérise la modernité. Le propre de cette barbarie moderne est de s’accomplir à l’intérieur d’une forme de culture, le savoir scientifique. La négation de la vie qui a pris l’allure d’un développement positif aboutit en réalité au ravage de la Terre par la nature a-subjective de la technique. Elle est également ruine de la communauté. L’abaissement actuel est renforcé par les médias de l’ère technicienne qui infusent l’hébétude à notre société matérialiste. Ces médias sont totalement étrangers à ceux de la culture qui aidaient l’homme à se surpasser. C’est le règne de l’insignifiance, de l’actualité, de la fuite dans la paresse intellectuelle. La culture a été boutée hors de la Cité. « Le monde peut-il encore être sauvé par quelques uns ? »

  

vendredi 10 juillet 2020

La plus belle fleur de mon jardin



     La plus belle fleur de mon jardin est toujours celle que je n'attends pas, celle qui, plus sauvage, plus libre et plus belle que les autres pousse où elle veut. Celle-ci a poussé au bord de la route, contre le mur de la maison, entre les pierres du caniveau. J'ai écrit un jour que les fleurs prient et nous apprennent à prier, raison pour laquelle elles sont placées avec les cierges sur les autels pour prier le Créateur en notre absence. Celle-ci priait pour les passants au bord du chemin de ma maison, bâtissant là une petite chapelle flamboyante et un autel vibrant, murmurant au promeneur la parole de Jésus : Je suis le chemin, la vérité et la vie. Parole oubliée par beaucoup d'hommes mais non par les fleurs des chemins... 



Grâce vidéo de 2011 extraite du film toujours en cours 
Mille grâces mille larmes de joie.

jeudi 21 mai 2020

Vous serez mes témoins… jusqu’aux extrémités de la terre

Grâce à toi Seigneur Jésus 
Grâce à toi Fra Angelico 

+

ASCENSION

Homélie du Très Révérend Père Dom Jean PATEAU
Abbé de Notre-Dame de Fontgombault
Eritis mihi testes… usque ad ultimum terræ.

 
Vous serez mes témoins… jusqu’aux extrémités de la terre.
  (Ac 1,8)



Fra Angelico. L’Ascension, le Jugement dernier, la Pentecôte ( vers 1447-1448 ).
Tempera sur bois 55×18 cm – 55 x 38 cm  – 55 x 18 cm –
Rome, Galleria Nazionale di Palazzo Corsini

 


Chers Frères et Soeurs,
Mes très chers Fils,

L’événement de l’Ascension vient clôturer le temps de la présence du Seigneur auprès de ses disciples. Après la résurrection, le Christ était encore apparu de nombreuses fois à ses amis. Mais contrairement aux trois années de la vie publique, il n’était déjà plus tout le temps avec eux de façon sensible et visible. L’Ascension les prive désormais de cette présence.

Le temps est donc venu des dernières paroles, de l’ultime envoi en mission. Trois évangélistes, Matthieu, Marc et Luc s’en souviendront. Quant à saint Jean, il n’évoque pas le moment de l’Ascension, puisque les autres en avaient parlé avant lui, mais conclut son évangile par l’épisode de la pêche miraculeuse au bord du lac de Tibériade.

Alors que la nuit s’était passée sans rien prendre, les apôtres voient un individu sur le bord. Ils ne le reconnaissent pas. Celui-ci les invite à jeter à nouveau les filets, qui se remplissent. « C’est le Seigneur ! » (Jn 21,7) s’écrit saint Jean. Après le repas de pain et de poissons pris auprès d’un feu de braise, Jésus, par trois fois pose cette question à Pierre : « M’aimes-tu ? » Puis il ajoute : « Sois le berger de mes agneaux… Sois le pasteur de mes brebis… Sois le berger de mes brebis. » (Jn 21,15-18)

Le thème des dernières paroles du Christ est la mission : « Vous serez mes témoins… jusqu’aux extrémités de la terre », selon saint Luc ; ou encore, dans l’évangile de saint Marc, « Allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile à toute la création. » (Mc 16,15)

L’écho de ces paroles a traversé les siècles. Nous les entendons aujourd’hui au coeur d’une actualité confuse. En cohérence avec notre nom de chrétien, avons-nous été, et sommes-nous les témoins du Christ ?

Mais que faut-il pour être témoin ? Le fait d’être témoin est fondé sur une volonté du Christ. Nous venons de l’entendre. C’est lui qui a l’initiative d’envoyer en mission. Ce qui est clair pour les apôtres, vaut de façon analogique pour tous les disciples, pour tous les chrétiens. Dans le cas des apôtres, saint Marc va jusqu’à écrire : « Il en créa douze. » (Mc 3,14) Le même verbe est utilisé dans le livre de la Genèse (Gn 1,1) pour évoquer la création de l’univers ou encore dans le livre d’Isaïe (Is 43,1) pour la création du Peuple d’Israël. Cette nouvelle création est le fruit de la prière du Christ (Lc 6,12-13). C’est de la volonté du Christ et de sa prière que découlent notre droit de témoigner et
la force qu’il nous faut pour le faire.

Pour être témoin, il faut aussi avoir rencontré le Christ. Au moment de remplacer Judas, Pierre s’adresse aux frères :
Il y a des hommes qui nous ont accompagnés durant tout le temps où le Seigneur Jésus a vécu parmi nous, depuis le commencement, lors du baptême donné par Jean, jusqu’au jour où il fut enlevé d’auprès de nous. Il faut donc que l’un d’entre eux devienne avec nous témoin de sa résurrection. (Ac 1,21-22)

Pour la plupart d’entre nous, cela fait bien longtemps que nous avons été marqués par le signe de la Croix, au jour de notre baptême. Que reste-t-il de cette première rencontre ? La situation de l’Église dans nos pays de vieille chrétienté ne refléterait- elle pas la réalité de bien des vies spirituelles, profondément déprimées ?

Être témoin du Christ, c’est non seulement avoir un jour rencontré la chair et le sang de Jésus à travers les sacrements, mais c’est surtout vivre en authentique communion avec le Seigneur, puisant dans sa chair et son sang la force de poursuivre la route. De cette communion naît un témoignage véridique qui, de façon ultime, s’exprime au cours des persécutions par le martyre.

Aujourd’hui, c’est avec une profonde tristesse qu’on peut lire que l’expérience des Messes virtuelles retransmises par les nouveaux moyens de communication semble satisfaire un nombre non négligeable de chrétiens. Pour certains, ce mode d’assistance à la Messe permettrait de pallier le manque de vocations sacerdotales. Plus profondément, le fait de se contenter ainsi d’un contact « virtuel » révèle l’état de déshumanisation de notre époque post-moderne.  L’individualisme, nouvelle idole, conduit à ignorer l’humanité de l’autre tant qu’il ne m’est pas utile ; et encore se limitera-t-on souvent à le considérer uniquement d’un point de vue fonctionnel. L’avortement, considéré du côté de ses victimes : l’enfant toujours, la femme et les médecins qui l’accomplissent parfois, l’euthanasie, les peuples et les hommes ployant sous le joug du dieu argent, les familles broyées par la guerre intestine des divorces et des abus, en sont des illustrations.  En face, l’épidémie que nous vivons n’est rien. Et le monde se tait, dans la complicité des États qui souvent soutiennent et promeuvent ces situations.

Au soir du Jeudi-saint, Jésus se serait-il trompé ? En aurait-il trop fait, trop dit ? Pourquoi ne s’est-il pas borné à affirmer un vague et lointain amour de Dieu pour l’homme ? Non, les disciples ont bien entendu : « Ceci est mon corps, donné pour vous… Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang répandu pour vous. » (Lc 22,19-20)

À travers la radio, la télévision ou l’internet, avez-vous communié à la chair et au sang du Christ ? Ces moyens d’assister à la Messe ne peuvent être admissibles que dans le cas d’une réelle incapacité ou d’un empêchement insurmontable.  Cela a été le cas depuis de longues semaines. Beaucoup de chrétiens ont vécu ce qui est le quotidien de plusieurs monastères de soeurs cloîtrées, privées de l’eucharistie quotidienne par le manque de prêtres. Puissent-ils tous ressentir la douleur de ces moniales et ne pas s’habituer à des Messes virtuelles !

Répondons au don de l’amour divin. La diminution du nombre des vocations sacerdotales et religieuses et la baisse de l’assistance à la Messe ne sont que la conséquence du refroidissement du coeur humain.

Le Christ invite tout homme à le rencontrer dans la communion à sa chair et à son sang. Puissions-nous communier demain plus profondément qu’hier, en nous souvenant des paroles du Seigneur. Prions avec ardeur pour demander des vocations.

À l’image de Marie, « la servante du Seigneur » (Lc 1,38), forts de la présence en nous du Seigneur et de son Esprit, prenons le bâton du pèlerin de la charité pour aller à la rencontre de tout homme, à commencer par le plus proche.

La fête de la Pentecôte promet sur chacun d’entre nous une effusion renouvelée de cet Esprit. Préparons-nous à sa venue en récitant la séquence de la Messe de cette fête :

Veni Sancte Spiritus !                         Amen, Alleluia.


vendredi 24 avril 2020

Paroles inouïes

Actions de Grâce

Paroles inouïes

par Robert Empain


Je publie aujourd'hui un texte de 2011 que j'avais publié dans la version précédente de ce blog qui fut piratée en 2013 et remplacée par celle-ci. Ce texte est celui de la présentation de mon exposition Paroles inouïes, une exposition inouïe elle aussi autant qu'incomprise, que j'ai présentée en 2012 à Galerie CLJP Originals à Bruxelles grâce à sa courageuse et généreuse propriétaire Md. Carine Lauwers. 
Les Paroles inouïes qu'il s'agissait de faire entendre en 2012 sont les mêmes aujourd’hui, ce sont les Paroles de la Vie en Personne qui ne cesse d’appeler à la résurrection les morts vivants que la plupart de nos contemporains sont devenus sans même plus le savoir, une ignorance fatale d’où provient leur effroi face aux manipulations diaboliques et incompréhensibles des agents officiels du néant.


L'ultime appel. Assemblage. 2010

À quinze ans, alors que je commençais mes études d’art, je connus la joie éblouissante de rencontrer la fulgurante beauté d’une oeuvre d’art, celle de L'Agneau Mystique, le retable des frères van Eyck exposé dans l'église Saint Bavond à Gand. Cherchant à sonder cette illumination inaugurale, à comprendre ce prodige, je réalisai que cette expérience ne pouvait se dire avec des mots mais qu’elle pouvait seulement être vécue à nouveau par de nouvelles rencontres avec les oeuvres d’art ou approchée par l’expérience d’un faire, par l’art lui-même, par l’acte de peindre et de voir la peinture se faire devant moi et en moi. Je découvris ainsi que la beauté, l’art, l’amour et la vie ne font qu’un et que tout cela est en vérité un miracle permanent ! Ainsi, ce que Kandinsky avait appelé la Nécessité intérieure ne désignait pas seulement la Voix intérieure et impérieuse qui pousse l’artiste à accomplir les oeuvres qu’il porte en lui, mais encore, et d’un même mouvement, l’accomplissement de sa propre vie comme la seule oeuvre véritablement essentielle, puisqu’elle est celle que l’Esprit créateur accomplit en lui. De même, ce que Kandinsky avait appelé la dualité de l’extérieur et de l’intérieur ou ce que Paul Klee voulait dire en prétendant rendre visible l'invisible ne concernait pas seulement les oeuvres, ni la seule personne de l’artiste, mais tous les vivants puisque les oeuvres d’art qui apparaissent dans le monde visible apparaissent aussi dans l’âme des vivants qui les éprouvent, leur révélant ainsi, pour autant qu’ils s’y consacrent, leur propre réalité vivante invisible. 

Me joignant en tout à Kandinsky, à Klee et à tant d’autres prédécesseurs pour lesquels l’art est spirituel ou n’est rien, je m’étais forgé ma conviction que les oeuvres d’art, de tous les arts, comme d’ailleurs toutes les oeuvres humaines dignes de ce nom, n’ont de sens que si elles sont nécessitées par l’Esprit et pour l’Esprit, c’est-à-dire par la Vie et pour la Vie. La Nécessité intérieure n’étant rien d’autre que la Nécessité de la Vie, la Parole de Dieu à l’oeuvre en tous les vivants à chaque instant. 


Seulement, la vocation spirituelle des arts, à savoir la possibilité qu’ils ont de nous arracher à l’enfer des objets dans lequel nos vies sont tombées, celle de nous révéler notre intériorité et de pétrir nos âmes pour y faire lever l’Esprit vivant, celle de faire connaître à nos coeurs le don gratuit et miraculeux de la Beauté, de la Vie et de l’Amour, toutes facultés qu’ils partagent avec les rites et les sacrements de nous rassembler en une communion spirituelle invisible, tout cela n’est plus d’actualité pour notre époque, ni pour sa politique culturelle, ni pour les musées, ni pour les arts contemporains et leurs agents, encore moins pour le marché de l’art, du spectacle et du divertissement, sinon dans la marge, l’exception, la clandestinité, la résistance, le silence.

La déchéance des arts, de la culture et de la civilisation est spirituelle et provient de la surdité des hommes à la Nécessité intérieure et invisible, à la Parole de la Vie en eux.  Cette surdité des hommes à la Vie a produit l’absurdité d’un monde devenu invivable. 

Le festin déserté, installation présentée dans l'exposition Paroles inouïes


Ainsi, cette surdité des hommes a-t-elle produit l’absurdité de la technologie qui les régit désormais intégralement. A l’Âge de la Technique la Méthode scientifique est appliquée à tout et à tous : au monde, à la nature, au vivant et, de plus en plus, aux personnes vivantes que nous sommes. Mais quand la science s'imagine et prétend détenir la vérité de ce que nous sommes elle devient l'idéologie scientiste de la barbarie actuelle qui conduit progressivement la nature et l’humanité à la destruction. 
Il n’est pas inutile que je rappelle ici brièvement que par principe les sciences et les techniques font de  tout ce qu'elle considère des objets, des objets de scienc, la méthode scientifique consistant précisément à exclure  la subjectivité, à savoir la sensibilité, les affects et les sentiments car il seraient sources d’erreur et irréductibles aux calculs et aux mesures objectives. Or, comme l’a montré Michel Henry, et comme chaque vivant peut le vérifier en lui, la vie dont nous vivons est absolument affective à la différence des objets et des machines qui n’éprouvent et n'éprouveront jamais rien. La vie ne s’éprouve que par les vivants qui ne cessent d’être affectés par la joie ou la souffrance, l’espoir ou la peur, la nostalgie, la mélancolie, la colère ou l’amour, et dégoûtés par la laideur, comblés par la beauté,  élevés par la musique et ainsi de suite...

Comment alors les vivants que nous sommes peuvent-ils vivre dans un monde transformé de fond en comble par un système objectif qui exclut par principe leurs propres vies subjectives et ses nécessités intérieures, affectives,  esthétiques et
spirituelles ? Réponse : ils ne le peuvent plus car un tel monde est invivable. Et c’est la fuite ou le rejet de ce monde absurde et inhumain auxquels nous assistons aujourd’hui.

La vraie vie est vécue en chaque vivant hors du monde. C'est pourquoi nous pouvons dire que nous ne sommes pas de ce monde mais que nous vivons la Vie, et cela depuis longtemps, depuis toujours en vérité, tout en continuant à y exister...
Cette dualité vie intérieure et invisible/existence extérieure visible est la duplicité (au sens de double) de tous les vivants, dont je viens de vous parler.  
Or, dire ces choses, prononcer ces paroles vraies et inouïes, c'est redire des Paroles prononcées il y a deux mille ans par Jésus Christ : « Vous n’êtes pas de ce monde »  et  « Le Royaume de Cieux est en vous »  et encore  «Là où vous êtes en mon Nom, je suis au milieu de vous»  et « Je Suis la Voie, la Vérité et la Vie »

Ces Paroles du Christ, nous révèlent que nos vies viennent et appartiennent à la Vie invisible, que c'est en une Vie absolue et par Elle, que le Christ nomme Notre Père, que nous vivons et que nous vivrons si nous voulons vivre et jamais dans le monde fait des objets morts de nos désirs. 

Paroles du Christ, dévoilées sur des pans de murs arrachés de la galerie.




Ces paroles inouïes, dès qu'un homme les éprouve et les vit, il ne peut les taire, il doit au contraire les proclamer par tous les moyens dont il dispose pour nous les faire entendre.
 
Le Royaume des Cieux, c'est-à-dire le Paradis de la Vie, de la Beauté et de l’Amour, est en nous et les oeuvres d’art peuvent nous en entrouvrir la Porte.

Cette exposition Actions de Grâces Paroles inouïes espère humblement vous faire entendre à nouveau, dans l’absurdité d’un monde déchiré, les Paroles inouïes de la Vie invisible. 

Textes, oeuvres et images, Robert Empain  2010, 2011

On peut voir davantage d'images de cette exposition sur mon site Quelques travaux 


lundi 6 avril 2020

Que surgisse dans le Christ un monde renouvelé


 Grâce à toi Seigneur Jésus Christ
+

DIMANCHE DES RAMEAUX

Homélie du Très Révérend Père Dom Jean PATEAU

Abbé de Notre-Dame de Fontgombault
(Fontgombault, le 5 avril 2020)

Chers Frères et Soeurs,
Mes très chers Fils,

Voici que s’ouvre le chemin de la Semaine Sainte, une semaine douloureuse, à l’image des temps d’épidémie que nous traversons. Pour les cérémonies, les portes des églises, les portes des maisons aussi resteront fermées.


Porte de lumière à Alcobaça, Portugal. 2014


Que le Seigneur vienne nous visiter comme il le fit pour ses disciples après sa Résurrection, « januis clausis – les portes fermées. » Lui se joue des portes fermées, si les portes des coeurs lui sont ouvertes. Loin des églises, ravivez votre liturgie familiale par la méditation des textes liturgiques si riches, par le chapelet, par la pratique d’une vraie charité entre vous. Les diocèses, les communautés mettent à vos dispositions bien des outils. Imitez les apôtres avant la Pentecôte : « Tous, d’un même coeur, étaient assidus à la prière, avec des femmes, avec Marie la mère de Jésus, et avec ses frères. » (Act 1,14) Le pape Pie XII disait : « Une famille qui prie est une famille qui vit », et saint Jean-Paul II : « Une famille unie dans la prière, reste unie ». 

Dès ce matin, la Messe, et en particulier les lectures, nous plongent dans le mystère pascal : mort et résurrection du Seigneur. La foule hostile réclame la libération de Barabbas et obtient la crucifixion de celui qu’elle avait acclamé quelques jours plus tôt comme Fils de David, Roi d’Israël, le Béni venant au nom du Seigneur.


Ecce homo huile sur panneau par Jérôme Bosch , vers 1485, conservé au Musée Städel




Barabbas relâché manifeste, bien involontairement, l’effet de la rédemption accomplie par le Christ : par sa mort, le coupable est libéré. Mais la foule qui demande la libération de ce criminel se trompe d’interlocuteur. Ce n’est pas à Pilate, le gouverneur romain, qu’elle devrait s’adresser, mais à Dieu, source de tout pouvoir authentique. Pilate, en se lavant les mains, se fait, comme la foule, complice d’un geste en lui même inique, et qui cependant coopère au plan de Dieu.

Au seuil de cette semaine, nous pouvons faire un examen de conscience, afin de reconnaître à la fois notre condition de créatures coupables, et la réalité de ce salut que le Seigneur nous a obtenu si souvent. Vivons-nous pour autant comme des êtres sauvés au prix de son Sang ? Ne sommes-nous pas responsables de ce que notre monde s’est détourné de Dieu ? Croyons-nous même avoir besoin d’un sauveur ?

Saint Paul nous a recommandé d’avoir les dispositions qui sont dans le Christ Jésus. Au commencement de sa lettre, il avait encouragé ainsi les Philippiens : « Celui qui a commencé en vous un si beau travail le continuera jusqu’à son achèvement, au jour où viendra le Christ Jésus. » (Ph 1, 6) Et il poursuivait : « Soit que je vive, soit que je meure, le Christ sera glorifié dans mon corps. En effet pour moi, vivre c’est le Christ, et mourir est un avantage. » (Ph 1,20-21)

Le disciple n’est pas au-dessus de son maître. Le souvenir de la Pâque du Christ, de son passage de la mort à la vie, nous mène à notre propre pâque, ce passage qui doit être fait à la suite du Christ et avec son secours.

Quelles dispositions devons-nous mettre en oeuvre ? Nous les
connaissons : amour, générosité, humilité, pardon, obéissance à Dieu, don de soi. Plus radicalement, si nous voulons que notre vie soit le Christ, c’est tout notre être qui doit se convertir, et pas seulement notre agir. Osons affronter cette question.

Le Christ obéissant jusqu’à la mort, et la mort ignoble de la Croix, remet son âme au Père. Le Père lui donne le Nom au dessus de tout nom. Mort et Résurrection du Christ, c’est tout le mystère pascal. Alors que nous mourrons au péché, la mort du Christ s’accomplit en nous. Alors que le Christ ressuscite, il nous ressuscite avec lui.

En ces jours, prenons du temps, personnellement et en famille, avec le Crucifié. Demandons les uns pour les autres,pour nos familles, nos communautés, pour notre pays et pour le monde entier, par l’intercession de Marie au pied de la Croix, la grâce de vivre une semaine qui soit sainte non seulement par les événements qui s’y dérouleront, mais surtout par la conversion durable des coeurs et l’accueil de la grâce pascale. 

En ces jours sombres mais porteurs d’espérance, un monde vieilli s’en va. Que surgisse dans le Christ un monde renouvelé.
Amen.

Images : Peinture de Jérôme Bosch ; Photographie de Robert Empain