Grâce à toi Fabrice Hadjadj
Qu'est-ce que c'est que ces sexes que nous croyons si bien connaître ?
Les uns s'inquiètent de leur longueur et les poussent à la performance;
les autres rappellent leur différence et en redoutent la confusion. Mais
n'y a-t-il pas lieu, avant toute chose, et par-delà leur réduction
biologique ou leur psychologique évanescence, de les considérer dans
leur profondeur ? Et si des voies impénétrables s'ouvraient sous nos
ceintures ? Si nos bas-ventres dissimulaient une ruse du Très-Haut ?
Contre le projet technicien qui
ramène l'homme à un matériau, ce livre voudrait reconnaître l'esprit
qui se donne à même la chair. Contre tout moralisme, c'est-à-dire aussi
contre cet immoralisme qui ne cesse de faire sa leçon, il s'efforce de
découvrir une "morale qui se moque de la morale ", sachant laisser sa
place à la dramaturgie du désir. Son itinéraire à travers la
littérature, la philosophie et les textes sacrés nous invite à plonger
dans des profondeurs sexuelles successives - celles du corps, du couple,
de l'enfant, de la Cité, enfin celle d'un possible Ciel, d'après la foi
juive et chrétienne en la résurrection. L'Epouse du Cantique des
Cantiques ne craint pas de dire à propos de l'Époux divin : Mon
bien-aimé a passé la main par la fente, et pour lui mes entrailles ont
frémi (Ct 5, 4).
Sous-titre de cet essai qui paraît aux éditions du Seuil : « Pour une mystique de la chair ».
Lecteur, toi qui vas entrer dans ce livre, que tu sois athée, déiste,
agnostique, matérialiste, catholique mollasson ou intégriste belliqueux,
que tu sois pratiquant ou pas, clérical ou anti-clérical, papiste ou
anti-papiste, homme de foi ou mécréant..., apprête-toi à te délester de
tout ce que tu crois savoir et que tu n’as jamais vraiment pensé. Dieu,
le Christ, Marie, la Révélation, la Résurrection, les dogmes, les
sacrements..., ont donné naissance au cours des siècles à des
bibliothèques entières de glose, oui, mais qu’en était-il des sexes dans
tout ça ? Le catholique hors norme qu’est Fabrice Hadjadj (mais il se
fait fort de démontrer qu’il est, lui, fidèle à ce que Baudelaire
nommait « la pure doctrine catholique » et donc à l’ensemble de ses
dogmes), apporte sa scandaleuse (prière de donner au mot sa
signification étymologique !) contribution à l’énigmatique et taraudante
question. Que Homère, Baudelaire, Jarry, Sade, Nietzsche, Bataille,
Foucault, Isou, Céline, Pasolini... soient convoqués pour appuyer sa
démonstration ne va décidément pas de soi, mais attends-toi également,
lecteur, à te trouver confronté à de bien déroutantes propositions
avancées par ce glorificateur de l’utérus de la Vierge, ce penseur d’une
« divine pornographie », ce paradoxal défenseur des libertins, ce
singulier moraliste qui se moque de la morale. L’entretien qui suit peut
t’y préparer. (Fabrice Hadjadj, est l’auteur de plusieurs essais et de
quatre pièces de théâtre, dont le très beau Massacre des innocents.)
Interview de Jacques Henric, art press n°343, mars 2008.
Jacques
Henric : Puisque vous vous impliquez dans votre essai jusqu’à évoquer
parfois votre famille, peut-on en savoir un peu plus sur votre
biographie, notamment sur ce qu’a été votre parcours intellectuel,
philosophique et religieux ?
Fabrice Hadjadj : Je suis d’une famille
juive de gauche, « Vive la Révolution » en mai 68, si bien que, naissant
en 1971, j’ai grandi sous une bibliothèque diaprée par les petits
livres de chez Maspero : Marx, Fanon, Reich, Althusser, etc. Mais mon
père, quoiqu’agnostique à cette époque, a toujours tenu à chanter, les
soirs de Pâques, la traversée de la mer Rouge... Très vite, je me suis
attaché à Nietzsche et Bataille pour la pensée, Flaubert et Céline pour
la littérature. Je raillais l’infaillibilité pontificale, mais je
croyais à l’infaillibilité nietzschéenne. Je méprisais l’Écriture
sainte, mais j’étais persuadé de la sainteté de ma propre écriture. Au
début des années 1990, il y eut ce travail collectif, Objet perdu, que
je dirigeai avec John Gelder et auquel collaborèrent Houellebecq,
Noguez, Vanheigem et beaucoup d’autres.
Je me souviens d’une discussion
avec Houellebecq sur saint Paul : il le défendait contre mes
accusations
d’antisémitisme, misogynie, universalisme au
rouleau-compresseur, enfin toutes ces platitudes qu’on colporte après
une demi-lecture. Au bout du compte, du défenseur et de l’accusateur,
c’est l’accusateur qui a connu la conversion - comme saint Paul,
d’ailleurs. Intellectuellement, ce qui me disposa au mystère chrétien,
c’est ensemble l’expérience intérieure de Bataille et la réflexion sur
la technique. L’espèce humaine m’apparaissait comme une espèce finie :
par extinction, mutation, pacification neurochimique, que sais-je ? Il
lui fallait céder la place. Le c ?ur avec ses angoisses, la chair avec
ses ratés, tout cela devait disparaître au profit d’un hominidé
performant, parfaitement intégré au monde. Contre cette tendance
technocratique, j’avais l’intuition que la chair telle quelle, jaillie
des cuisses d’une femme, et non d’une éprouvette, la chair même avec ses
défaillances et ses blessures, était le bastion d’une ultime sagesse.
Quand on pense cela, on est paré pour s’agenouiller devant le Verbe fait
chair et mort sur la Croix...
J. H. : Titre de votre livre : la Profondeur des sexes. Pas « du » sexe. Important, d’entrée, ce pluriel ?
F. H. : Les sexes sont une réalité
charnelle : il y a le féminin et le masculin, on voit bien ce que c’est,
comment ça se lustre, s’emboîte, se dilate tout seul, malgré nous, sous
la poussée d’une vita nova. Mais dès qu’on dit « le » sexe, c’est du
concept : une généralisation abusive, qui laisse la place à des
pratiques plus cérébrales que sexuelles, et dès lors on verse dans une
mise à distance du donné de son corps, une désincarnation typique de la
modernité dans ce qui l’oppose aux audaces plantureuses de l’âge
baroque. À la suite de Foucault, mais dans une perspective très
différente, je dénonce cette psychologisation de la « sexualité »,
invention du 19e siècle. La force de la sexuation, c’est justement qu’il
n’y a pas « le » sexe, mais « les » sexes, autrement dit que moi, mâle,
je n’épuise pas l’humanité et reste par mon entrejambes ouvert à
l’autre. Cette évidence charnelle possède d’emblée une profondeur
spirituelle que la psychologie, dont l’objet n’est ni la chair ni
l’esprit, le plus souvent ignore. Les Grecs en savaient quelque chose :
l’« homosexualité » eût été pour eux un cercle carré. L’affirmation
pédéraste à leurs yeux s’oppose à l’ordination mutuelle des sexes : ce
n’est pas une sexualité, mais une pratique morale, et même
moralisatrice, spiritualiste, puisqu’elle voudrait dominer les
lourdeurs de la procréation. Il n’est que de lire le discours de
Pausanias dans le Banquet.
Mère et enfant. Saskia Weyts. 2009 |
L’éternel et le féminin
J. H. : Votre livre porte en exergue
cette dédicace : À ma mère, / à ma femme, / à mes filles . Que des
femmes. Faut-il entendre que c’est sous l’invocation et la puissance du
féminin que se place votre livre, paradoxe quand on sait que judaïsme et
christianisme sont précisément les religions d’un Dieu Père ?
F. H. : Cette dédicace, cela ressemble à
des poupées russes, mais au milieu, il y a l’alliance, une sorte de
déhiscence, puisque mon épouse ne sort pas de ma mère (quoiqu’en disent
certains psychologues, du reste). Il y a la femme d’où je sors, celle où
j’entre, et celles-ci, Esther, Judith, Marthe, qui surgissent de nous
deux et nous poussent à l’étonnement de Supervielle : « Et fallait-il
qu’un luxe d’innocence / Allât finir la fureur de nos sens ? »S’agissant
de profondeur, il faut bien le reconnaître, c’est au féminin qu’on
pense d’abord. La distinction du mâle et de la femelle, d’après
Aristote, tient à ce que le mâle « engendre dans un autre » et la
femelle « engendre en soi ». La femme est ainsi le premier séjour de
l’homme. Son ermitage mobile. La mer intérieure qui vient bientôt le
rejeter, comme Jonas, sur les côtes de Ninive. Pour ce qui est du
judéo-christianisme, le réduire à un paternalisme transcendant est un de
ces clichés qui passe à côté de la transcendance véritable. Dieu n’est
ni mâle ni femelle, ou plutôt il assume en lui, sur un mode ineffable, à
la fois les perfections du masculin et du féminin. Isaïe entend
l’Éternel dire : Je gémis comme une femme en travail. Et le terme
central de la Révélation est celui de miséricorde, rakhanim,
en hébreu,
qui signifie littéralement les « entrailles maternelles ». La Bible
insiste ainsi sur l’utérus de Dieu. La judéité se transmet d’ailleurs
par l’utérus d’une juive. Ce que le Nouveau Testament reprend de manière
radicale : l’utérus de Marie porte le Dieu fait chair. Si ce n’est pas
une exaltation du féminin, ça !
J. H. : Autre paradoxe, justement :
comment soutenir que le catholicisme réhabilite la chair, mieux : la
copulation sexuelle, alors que le Christ fut célibataire et que Marie sa
mère, la Vierge, l’a conçu du Saint-Esprit ?
F. H. : Le Christ n’est célibataire que
pour mieux être l’époux de chaque âme. Marie n’est vierge que pour en
être mieux la mère. Pour le catholique, ils sont exemplaires, mais ils
restent marqués d’un privilège intransmissible : je ne suis pas le
Verbe, et ma femme n’a pas conçu couverte « par l’ombre de l’Esprit »,
mais par ma masse essoufflée, pour ainsi dire. Le catholicisme reste
avant tout la religion de l’Incarnation : sous un certain rapport, la
chair y est plus spirituelle que nos raisonnements. L’acte le plus
mystique y consiste en une manducation : prendre Dieu dans sa bouche,
mastiquer l’Éternel, déglutir la Lumière des Nations, c’est dans ce
concret de baiser et de bave qu’est la contemplation la plus haute, -
rien à voir avec la petite harangue puritaine. Tous les sacrements
exigent le toucher, la proximité physique : la parole à distance, celle
qui ne se fait pas chair, n’y est jamais qu’un prélude. Quant à la
conjonction des sexes, il est certain que la foi catholique opère sur
elle un double effet inverse. D’une part, une
désacralisation : pas de
hiérogamie, pas de prostituées sacrées, si bien que se libère le champ
pour une sexualité libre que n’infestent pas les règles minutieuses d’un
rite social. D’autre part, une sanctification : il y a un sacrement de
mariage, en sorte que l’union conjugale de Robert et Micheline Tripied
devient signe vivant de l’union du Christ et de l’Église, pas moins.
L’acte charnel est donc non seulement béni, mais il est aussi tout
ensemble une image de la Trinité et un précipité de la Rédemption. Dans
mon livre, en faisant se rencontrer Thomas d’Aquin et Charles
Baudelaire, j’essaie de montrer la présence de la Croix à même la
copulation. Je confirme par là certaines fulgurances de Bataille.
J. H. : Bien que n’ayant jamais un
jugement moralisateur sur les pratiques sexuelles et encore moins sur
les humains qui s’y livrent (pour preuve, la lecture très personnelle
que vous faites, mais d’une singulière
ouverture d’esprit, du livre la
Vie sexuelle de Catherine M.), vous avez des mots très durs sur
l’« hédonisme », dont vous dites qu’il est un « despotisme »...
F.H. : En cela, je reste un fidèle
disciple de Nietzsche. Il critiquait l’hédonisme aussi bien que le
dolorisme comme des systèmes prétendant « mesurer la valeur des choses
d’après le plaisir ou la douleur qui les accompagnent ». Épicure
lui-même montre la contradiction de sa doctrine : elle commence par
l’apologie du plaisir et conclut par l’ataraxie, simple absence de
trouble. Un écho de cette contradiction se trouve chez Michel Onfray : -
Jouir ! dit-il, mais c’est pour arriver bientôt aux concepts de
« calcul », de « dressage neuronal », ou encore pour affirmer qu’il faut
« mater par la technique le vieux corps soumis aux diktats de la
nature ». Rien n’est moins nietzschéen, quoi qu’il en dise.
Lacan nous
avait avertis : « Le surmoi, c’est l’impératif de la jouissance. » Il
n’y a qu’à voir toutes les macérations qu’on inflige au pauvre corps
pour qu’il puisse être une machine à orgasmes : régimes amincissants
pires que des jeûnes ascétiques, liposuccions et aspirations pires que
la plus saignante discipline, viatiques de Viagra ou hosties de RU-486,
bientôt puce électronique dans le gland fricoteur, enfin euthanasie de
tout ce qui n’est plus apte à consommer les produits dérivés de la
bagatelle... Aucune société n’est plus mortificatrice que la nôtre — à
cause de son hédonisme, précisément. Parce que le plaisir, au bout du
compte, c’est une notion abstraite : on finit par oublier la chair et se
satisfaire d’un onanisme numérique. L’acte charnel n’est pas
essentiellement jouissance, mais communion de deux personnes. Et pour
que la communion soit profonde, il faut que s’abouchent aussi les
blessures.
J. H. : Les « péchés de la chair » vous
semblent de peu de gravité, voire ont leur fonction dans l’économie de
la grâce. Comment l’expliquez-vous ?
F.H. : Je reprends ici la doctrine de
saint Augustin : les péchés de l’esprit sont pires que ceux de la chair.
Logique : le diable est un pur esprit. Aussi un pape de la Renaissance,
avec mignons et courtisanes, est infiniment moins diabolique qu’un
hérésiarque puritain. Que le péché de la chair puisse servir comme un
moindre mal et même un révélateur dans l’économie de la grâce, c’est ce
que montre la généalogie du Christ, où toutes les femmes mentionnées
sont des « irrégulières », et ce que déploie toute la dramaturgie de
Claudel, notamment dans Partage de Midi : le consul Mésa, grenouille de
bénitier, devient soudain fou d’une Ysé dont il va payer l’époux pour
l’avoir. Il tombe, mais il tombe moins bas que la fosse où l’avait déjà
mis son orgueil. Le désir de la femme lui apprend sa faiblesse. Elle lui
donne enfin de dire son De profundis pour de bon.
Peur du drame et nouvelle gnose
J. H. : Vous en appelez à Bataille pour
prendre vos distances avec « l’horreur vide de la conjugalité
régulière » et cependant vous reconnaissez le mariage comme une réalité
indissoluble. N’est-ce pas contradictoire ?
F. H. : Bataille dit que pour qu’une
communauté soit vive, il faut qu’elle se situe « à hauteur de mort ». Or
que signifie le mariage indissoluble ? Au moment où les conjoints se
disent « oui », chacun consent aussi à porter l’autre jusqu’au cadavre.
La robe blanche des noces renvoie à l’habit noir des funérailles.
Accueillir l’autre jusqu’au bout, promettre qu’on sera encore là
lorsqu’elle ne sera plus cette magnifique jeune femme mais aussi cette
vieille peau cacochyme, voilà de la communauté « à hauteur de mort », et
pour de vrai, pas seulement dans un imaginaire romantique. Hélas,
plutôt que de vivre dans cette imminence et ce combat, beaucoup usent de
l’indissolubilité comme d’une sécurité pantouflarde. Mais j’ajoute
cette conséquence notable : le mariage indissoluble suppose que l’on
supporte et pardonne l’adultère. Je ne sais pas si vous vous rendez
compte de l’angélisme qui règne aujourd’hui : on est persuadé que celui
qui s’engage a une volonté de fer, assez forte pour être fidèle sans
faille aucune. Si jamais il vous trompe, ce ne peut pas être faiblesse :
il l’a voulu pleinement, irrévocablement, il est donc coupable de
manière irrémissible. Pour ma part, je fais l’éloge de cette possibilité
de l’adultère que refusent aussi bien l’islamisme lapidateur que le
libertinage sans engagement. Cette possibilité, ce risque, cette
aventure ne s’ouvrent qu’avec la lutte pour une fidélité à mort. Sans
elle, il n’y a pas d’Illiade ni d’Odyssée. Ménélas se serait remarié.
Ulysse aurait dormi parmi les nymphes. Clytemnestre serait passée voir
le notaire : même pas besoin d’assassiner Agamemnon. Mais notre âge
frileux a très peur du drame.
Plaies du Christ. Robert Empain.1999 |
J. H. : Objection probable d’une de mes
amies féministes qui vient justement de relire Simone de Beauvoir : il
est bien gentil, Hadjadj, avec sa conception du mariage, mais tous ces
enfants qu’il ne va pas manquer d’avoir, c’est sa femme qui devra leur
consacrer l’essentiel de sa vie quotidienne, au détriment de sa vie
professionnelle, de sa propre activité intellectuelle et créatrice...
F. H. : C’est une objection très valable
si l’on en reste à la vision nataliste et paternaliste d’un certain
monde pour lequel la femme n’était qu’une incubatrice propre à fournir
de la matière à sacerdoce ou de la chair à canon. Mais je redoute que
cette objection poussée à l’extrême ne conduise à tout l’inverse du
féminisme qu’elle revendique. Elle deviendrait une intériorisation du
machisme avec ses présupposés : la vie professionnelle est supérieure à
la vie familiale, avoir un enfant est moins qu’écrire un livre... Je ne
suis pas certain de cette échelle de valeurs. Joseph Delteil le rappelle
dans le Sacré Corps : « Racine ? L’auteur d’Andromaque ! Sainte
Silvie ? L’auteur du pape Grégoire le Grand ! » Et il commente :
« Porter un enfant... comme Dieu porte l’humanité... » Il est une
profondeur de la maternité qui s’est perdue, à cause d’un familialisme
amoureux de la couvée amorphe ou d’une logique patriarcale qui ne visait
qu’à s’assurer des hoirs. Au reste, je leur consacre du temps, à mes
filles, en attendant, comme le Roi Lear, d’en être un jour abandonné.
Nous formons ensemble un groupe d’avant-garde très dada : poésie sonore,
imitation du cheval et de l’ogre, dessins à la Dubuffet, questions du
genre : pourquoi est-ce qu’il y a des choses ?...
En dernier lieu,
voici tout le problème : la nature veut que la femme porte l’enfant,
c’est sa grâce et son poids. Elle peut transfigurer cette bénédiction
dans une maternité intellectuelle. Mais si cette donnée naturelle est
rejetée comme une malédiction, la femme devient l’ennemie de son propre
corps qu’elle va livrer au pouvoir de la technique et au règne de la
performance. Nous sommes à l’ère d’une nouvelle gnose, qui estime que
notre chair procède non pas d’un mauvais démiurge, mais d’un hasard
quelconque qu’il s’agit de modifier à sa guise. Mais je crois que notre
donné charnel est plus spirituel que tous nos projets de maîtrise. Et je
crois que la lumière qui nous dépasse ne passe jamais que par nos
plaies.