Exposition de Robert Empain à la Galerie Grâce
7 juin -- 23 juin 2024
4, Impasse du Val des Roses, 1000 Bruxelles
Depuis sa fondation en 2003, la Galerie Grâce se voue à l'art spirituel contemporain et aux rares artistes actuels qui se reconnaissent ou se reconnaîtraient dans son engagement radical. Nous parlons d’art spirituel contemporain en ce sens que toutes les œuvres d'art authentiquement spirituelles, passées ou présentes, sont des œuvres vivantes pour cette raison qu’au temps de leur création elles correspondaient à une Nécessité intérieure de l’artiste, c’est-à-dire à une inspiration créatrice de l’Esprit vivant en lui ; ce même Esprit vivant en chacun, chacun peut le recevoir aujourd’hui par la médiation de cette œuvre. Voilà pourquoi de telles œuvres nous sont contemporaines et peuvent éveiller, illuminer et élever nos vies, sinon les ressusciter comme le soutenait le philosophe Michel Henry, à cette condition toutefois que nous leurs accordions de notre temps, de notre attention, de notre esprit, de notre vie dans la rencontre. Cette vision spirituelle de l'art commence dès la naissance de l'art - qui fut appelé ainsi bien plus tard par l'Occident - avec les arts magiques et chamaniques, les arts funéraires, les arts de l’antiquité, les arts orientaux, l’art paléo-chrétien, l'art roman, l'art des peintres d’icônes du Moyen-âge et des grands artistes des XIVe et XVe siècle. Cette vision toute intérieure de l'art fut, sauf exceptions remarquables, oubliée pendant quelques siècles par l'art mimétique de la Renaissance tourné vers l’extériorité et les apparences du monde. Elle fut retrouvée peu à peu au XIXe siècle par les fondateurs de la Modernité artistique radicale et poursuivie par les artistes majeurs du XXe siècle. Ces artistes redécouvrirent le contenu spirituel commun aux arts universels et durent affronter de leur vivant le drame de la condition humaine moderne, exilée d’elle-même dès lors qu’elle était livrée au matérialisme, à l’objectivisme, à l'athéisme et aux idéologies totalitaires qui découlèrent de la pensée moderne. Cette vision spirituelle d’un art pour la vie et les vivants diffère donc radicalement de la vision historiciste et progressiste de l’art officiel muséifié, historique et actuel dont s’est emparé le marketing d’un art mondialisé, politisé et financiarisé, appelé art contemporain depuis plus de soixante ans et qui demeure, à de rares exceptions, coupé de toute spiritualité.
Âme disparue. Huile sur toile. 100x120cm. 1997
Le miracle de l'apparition du monde ne se produit pas seulement là, devant de nous à tout instant, mais par un miracle plus grand encore, celui de notre propre apparition, de notre venue incessante à nous-mêmes dans la vie, en et par laquelle le monde apparaît. Or, notre venue incessante à nous-mêmes dans la vie n’est pas de notre fait, car aucun vivant ne s’apporte lui-même dans la vie. Et si nous possédons les pouvoirs de voir, d’entendre, de sentir, de marcher, de penser, de créer et d’aimer etc, nous n’avons pas le pouvoir de nous donner ces pouvoirs. Dès lors, nous devrions humblement reconnaître que tous nos pouvoirs nous sont donnés par une Vie absolue, par un premier Vivant qui possède le pouvoir de se donner la vie et de nous la donner ensuite. Or, la possibilité d’un déni du Don de la vie, de son appropriation par vanité de l’ego suivis de son oubli total, ont dès l’origine habités le cœur des humains. Ce lien rompu avec le Donateur nécessita de sa part la Création d’un lieu de vie et d’un temps donnés pour notre retournement, pour notre éveil, pour la lente reconnaissance de notre naissance immémoriale en la Vie absolue et divine.
Au cours des temps de ce monde, le Vivant n’a cessé de se rappeler à nous à travers de multiples signes, témoignages, apparitions, œuvres d’art miracles et révélations. La plus puissante de ces révélations fut la venue il y a plus de 2000 ans du Vivant en personne, de la Vie absolue et divine, dans un corps comme le nôtre, celui de Jésus de Nazareth, fils de Marie et Fils de Dieu. Par Lui, la révélation de notre naissance en Dieu, celle de son amour et de sa miséricorde nous fut faite comme jamais auparavant ; par son incarnation, sa passion et sa résurrection la Voie de notre retour à la vraie vie et de notre salut fut ouverte à tous les hommes de bonne volonté. Une Civilisation à vocation universelle naquit de cette révélation inouïe et grâce à elle de très nombreux humains s’engagèrent avec confiance dans la Voie incarnée par le Christ. Ceux là sont sauvés de la mort car ils furent ramenés à la Vie par la Vie même. Les témoignages sont innombrables. Si certains pensent aujourd’hui que cette Civilisation est morte, ils se trompent car la Vie absolue ne peut mourir, elle nait sans cesse d’elle-même, elle est le Commencent éternel qui désire nous ressusciter en Elle.
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Le Souffle. Caséine sur toile. 145x180cm. 1993
Avec l’avènement des Temps modernes réapparurent en ce monde les temps du doute, du matérialisme, de la raison calculante, de l’objectivisme et de la négation de la Vie invisible. « La pensée moderne, écrivait Michel Henry en 1996, repose sur la connaissance scientifique et non sur la connaissance que peut avoir l’homme de sa propre essence. Dans le champ ouvert par la science moderne, l’homme en tant que tel n’existe pas, une négation qui équivaut à celle de Dieu - un réductionnisme non voulu par la science mais inévitable et effectif. La défense de l’homme véritable, transcendantal, est la tâche de la philosophie mais la pensée moderne l’a trop oublié. Que reste-t-il de l’homme hors de la Vérité de la Vie, dans la vérité de ce monde qui aujourd’hui est d’une certaine façon l’Anti-Christ et dont l’agir est réduit à la technique, faisant de l’homme un automate ? Toutefois les hommes voudront mourir – mais non la Vie. » Cette prédiction s’est réalisée sous nos yeux. L’illusion de l’ego de se faire dieu sans Dieu est à son comble, le scientisme se prend pour la nouvelle religion universelle, les puissances financières imaginent que le monde leur appartient, que nos vies, réductibles à des donnés numériques, leur appartiennent, que l’avenir de l’humanité est entre leurs mains, que la disparition de l’homme actuel est inévitable, que l’homme spirituel est obsolète, que le Dieu révélé par le Christ est à abattre, que le seul dieu réel est l’argent virtuel, que la vie éternelle des corps est à portée de leurs mains, que les faibles, les inutiles et les hostiles seront éliminés, que les hommes nouveaux de demain seront augmentés et fabriqués en série comme des robots biologiques, clonés et reclonés à volonté, jetés et ou recyclés selon les besoins.
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L’Appel ultime. Assemblage. 21x17x15cm. 2010 |
Face à la disparition programmée de l’homme en tant que tel et à l’apparition de l’homme abject et de l’enfer sur terre, un profond désespoir s’empare des hommes et de la jeunesse de ce siècle qui éprouvent les sentiments inextricables de mourir de ne pas mourir et de vivre sans vivre réellement ; ce faisant ils peuvent encore toucher en eux le fond abyssal de la Vie, de la Vie absolue qu’ils ont oubliée, mais qui, elle, ne les a jamais oubliés et qui jamais n’a cessé de les aimer. C’est alors que des profondeurs du désespoir humain la Vie peut encore appeler l’homme à la vraie vie, à un retournement vers lui-même pour ressusciter en lui l’espoir de faire de sa disparition programmée par la folie humaine l’apparition en lui de la vérité éternelle.
Voilà brièvement résumée la situation apocalyptique dans laquelle nous sommes - apocalyptique au sens de révélation, de catastrophe et de mutation qu’évoque le titre de mon exposition, qui s’inscrit dans la vocation de la galerie Grâce et dans le prolongement du combat spirituel des artistes de la véritable Modernité artistique, qui, du XIXe siècle au XXIe siècle, s’opposèrent à la barbarie totalitaire que la modernité portait en elle à son insu depuis le début avec les idéologies dont elle a accouchés : le matérialiste, l’objectiviste, l’athéisme, le capitalisme, le colonialisme, le communisme, l’impérialisme, le nazisme, le fasciste, le scientisme, le trans-humanisme…
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Disparition-Apparition du Crucifié. Objet trouvé.
14x30x1cm.1982 |
Les quarante œuvres présentées dans cette exposition, objets, dessins, peintures, sont reproduites dans ce catalogue. Ces œuvres, chacune à leur manière, sont des apparitions de notre disparition et inversement. La première, par exemple, est un objet trouvé en 1982 : un crucifix duquel le crucifié avait disparu, laissant sur la croix une trace qui révèle la fois sa disparition du monde visible et son apparition invisible en chacun de nous. Les arts chrétiens ont pour vocation première de porter à chacun la révélation de sa naissance éternelle en Dieu, de rendre visible la vie l’invisible et de faire connaître ce qui nous est caché depuis la fondation du monde. La voie royale de cet art fut résumée par Beethoven en ces mots simples : « Cela doit venir du cœur pour aller au cœur », car c’est en son cœur, en tant qu’organe spirituel, que tout homme peut connaître en lui le Don de la Vie. Les œuvres rassemblées pour cette exposition sont à recevoir comme des traces, des signes, des appels donnés à mon attention comme il en fut donné de nombreux à d’autres poètes et artistes en ces temps de détresse.
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Apparition - Disparition de Marie.
Mixte sur papier. 70x100cm. 2023 |
Ceci me donnant l’occassion de rappeler que nous tous les vivants sommes faits poètes et artistes par le Poète originel, par le Vivant Amour qui nous appelle à vivre dans sa Joie et à L’aimer en tout et en tous. Ecoutons sa Parole vivante, aimante et bienveillante au fond de notre cœur, ou au fond de notre vie phénoménologique radicale et divine, comme la nomment les phénoménologues contemporains, qui se sont levés et se lèveront avec nous contre cette barbarie infernale. Je serais heureux de parler de tout cela et de ces œuvres avec chacun de vous à la galerie Grâce où je serai présent durant toute l’exposition.
Robert Empain