vendredi 17 janvier 2025

Grâce à vous Robert et Marcelle, mes chers parents.

 Il y a dix ans, le 9 janvier 2015, je publiais sur ce blog un texte en hommage à mes chers parents.     J'avais écrit ce texte durant l'hiver 1988 alors que j'étais en convalescence chez eux, suite à une sérieuse pneumonie attrapée dans mon atelier glacial de Bruxelles. Aujourd'hui, je ne changerai pas un mot à ce texte de gratitude à leur égard, sinon pour accentuer une synchronicité de date révélatrice.                       Ma mère était de 5 ans plus âgée que mon père et leur amour fut particulièrement mis à l'épreuve par les conséquences de la crise économique de 1929, la seconde guerre mondiale, la ruine de la famille en 1958 et l'éducation de leur quatre fils. Si leur amour trembla bien des fois, il résista à tout jusqu'au bout.   Maman quitta ce monde le 9 janvier 2004, âgée de 89 ans, cinq ans plus tard, le 9 janvier 2009, Papa, âgé de 89 ans, se lava, s'habilla et s'allongea sur son lit pour rejoindre Marcelle, l'amour de sa vie dans le Royaume des Enfants de Dieu.             



Robert Empain et Marcelle Gaillard mes parents bien aimés
 

Mon Père était si vif qu'à dix-sept ans il courait le quatre-vingt mètre mètres en neuf secondes et des poussières, ce qui était, selon ma Mère, le record absolu de la province du Hainaut. 
Sa vivacité extraordinaire lui a sauvé la vie un jour de la fin mai quarante où il venait d’avoir vingt ans et que la drôle de guerre était perdue. L’Etat-Major, où Papa était aide de camps, n’avait fait que reculer vers le Nord, dans les Flandres, de château en château. Là, acculés à la mer, paniqués, le dernier ordre des hauts gradés fut : chacun pour soi et bonne chance à tous !  Papa fut pris par les allemands avec les milliers de soldats qui fuyaient sur les routes et que les vainqueurs entassaient dans des camions. Profitant d’un arrêt du convoi, d'un bond, Papa sauta du camion et courut encore plus vite que d’habitude dans les bois et les champs de Flandres. 
Par chance, dans une ferme isolée, on lui donna un vélo, et par les petites routes, il fonça à toute vitesse vers sa fiancée, la femme de sa vie, celle qu’il aimait à la folie, la belle Marcelle, ma Mère. Marcelle, l'inespérée, la musicienne, la poète, celle dont toute la ville de Binche disait qu'elle ne marchait pas mais qu'elle sautait de joie, et même qu'elle volait en chantant dans les rues comme un pinson ! Marcelle, son aînée de cinq ans, qui était courtisée par les plus beaux partis de la ville. Marcelle, que mon jeunot de Papa ne savait pas comment conquérir sinon en lui criant son incroyable désir de l'aimer et de vivre, en lui lançant son regard noir et vif et parfois même, m'a-t-elle dit, en se tapant la tête contre un mur jusqu'au sang ! Marcelle qui l'aimait tant, et qui l'aime tant depuis cinquante ans, qu’elle a tout donné.  Oui,  toute cette vivacité, tout cet amour, toute cette passion et ce vif appétit de la vie que vous aviez, vous nous les avez donnés à pleines mains à nous, vos quatre garçons. Et vous l'avez nourrie intensément de tout ce qui est vivant : des meilleures nourritures terrestres et célestes, d'embrassades, de musiques, de poésies et de rires, de festins, de cris, de disputes, de tourments, de colères, de peurs, de pleurs, de pardons, de prières et de courage. 
Papa, le Nom que tu portes et que tu as donné à Maman et à nous tes enfants, après l'avoir reçu toi-même, ce nom de pain nourricier, de pain d’amour, tu l’as incarné, vous l’avez incarné Maman et toi, et, malgré toutes les adversités et les peines, vous l'êtes devenu ce Pain,  car vous n'avez fait qu'un dans ce devenir. Oui, chers Parents, chers Robert et Marcelle, chers enfants de Dieu, ce Pain de vie, vous nous l’avez donné à manger chaque jour et il n’a pas fini de nous nourrir.

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Illustration : photographies Gérard Lebrun, 1942/43
Texte : extrait de Ad Imaginem Dei 1 L'oeuvre invisible. Robert Empain

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