Grâce aux artistes anonymes
Dyptique Wilton. Retable. Anonyme français. XIVe siècle |
Depuis une cinquantaine d'années, les humains subissent en rafales des catastrophes dont les média ne parlent jamais pour la simple raison que ce sont eux qui les produisent. Je veux parler des flots d'images déversées sans arrêt par des millions d'écrans lumineux dans des millions de regards et de cerveaux subjugués, produisant, outre des milliards d'images inutiles, hideuses, falsifiées ou obscènes, de multiples formes d'addictions et de destructions, dont celle de notre relation au Réel vivant, à savoir la destruction de notre corps, de notre âme et de notre esprit, comme celle de la nature et du cosmos vivant. Parallèlement, une maladie du regard s'est répandue, un aveuglement chronique s'est propagé : notre faculté de regarder véritablement s'est perdue, en particulier la faculté bienfaisante de regarder les vraies images, c'est-à-dire de contempler les icônes.
Pourtant, il n'y a pas si longtemps partout en Occident les vraies images, les images sacrées, étaient présentées dans les lieux pour lesquelles elles avaient été faites : les églises, les couvents, les chapelles, les autels, les maisons...
La plupart de ces oeuvres ont été détruites, beaucoup et même des fresques ont été retirées des lieux pour lesquelles elles avaient été faites pour être conservées dans les musées, sinon, le plus souvent, dans leurs réserves. Elles ont été désacralisées et assimilées à des objets d’histoire, à des objet de l'histoire de l'art parmi d'autres objets dont les musées sont pleins à craquer.
Le Sauveur. Andrë Roublev. XIVe siècle |
De vraies images il en reste encore quelques unes dans des lieux sacrés, plus particulièrement dans les églises orthodoxes. Là, modestes, abîmées, rescapées, elles rayonnent encore de leur grâce et de leur joie pour le passant qui daignerait leur consacrer un peu du temps de sa vie.
Leur beauté humble et bouleversante - et d'autant plus bouleversante qu'elle est humble - témoigne de la Beauté indestructible de Dieu et de sa Parole vivante qui est l'origine de toute beauté.
Ces vraies images furent faites pour Dieu, par amour de l'Amour, c’est pourquoi elles gardent l’amour en elles et le répandent autour d'elles comme le Don incessant qu'est la Vie. Elles nous ouvrent la beauté et la bonté du Ciel dans le temps, la matière, la lumière et l'espace du monde. Pour nous, ces vraies images, même modestes et abîmées, font encore leur oeuvre, et souvent bien mieux que celles déplacées dans nos musées : parvenant à tourner notre regard vers l'intérieur, à ouvrir nos âmes pour y disposer le coeur et l'esprit au recueillement, à la prière, à la contemplation.
Les auteurs de telles oeuvres, à de rares exceptions près, sont restés anonymes jusqu'à la Renaissance. Tous ont puisé à la même source d'inspiration et de connaissance : la source unique qui ne s'approche que par la maîtrise de Soi, une maîtrise qui ne s'atteint que par la voie de l'humilité et de l'écoute de la Parole qui murmure dans cette Source.
Ces vraies images furent faites pour Dieu, par amour de l'Amour, c’est pourquoi elles gardent l’amour en elles et le répandent autour d'elles comme le Don incessant qu'est la Vie. Elles nous ouvrent la beauté et la bonté du Ciel dans le temps, la matière, la lumière et l'espace du monde. Pour nous, ces vraies images, même modestes et abîmées, font encore leur oeuvre, et souvent bien mieux que celles déplacées dans nos musées : parvenant à tourner notre regard vers l'intérieur, à ouvrir nos âmes pour y disposer le coeur et l'esprit au recueillement, à la prière, à la contemplation.
Les auteurs de telles oeuvres, à de rares exceptions près, sont restés anonymes jusqu'à la Renaissance. Tous ont puisé à la même source d'inspiration et de connaissance : la source unique qui ne s'approche que par la maîtrise de Soi, une maîtrise qui ne s'atteint que par la voie de l'humilité et de l'écoute de la Parole qui murmure dans cette Source.
Ces artistes furent à leur manière des pèlerins qui suivirent le fleuve qui vient de la Vie et y va. Pour les coeurs résolus, ces oeuvres sont des chemins vers le Ciel où ils sont attendus et où sont chantées leurs arrivées prochaines.
Icône de la Transfiguration. Théophane le grec. XIVe siècle |
Grâce à mes professeurs, je me suis trouvé, dès l’adolescence, face à de telles oeuvres, à Gand, à Bruges et ailleurs. Elles m'ont ouvert l'oeil, l'oreille, l'âme et le coeur à la joie. D'emblée, je les ai assimilées à des apparitions, ce qu'elles sont en vérité, à des apparitions divines ou angéliques qui par une grâce particulière se maintiennent dans le visible. Je n'ai cessé depuis de dire et d’écrire ma gratitude pour ces artistes, anonymes ou célèbres et à l'Esprit Saint qui les a inspirés.
Mais pour notre temps si misérablement suréquipé, pour ses consommateurs voués au culte des derniers gadgets innovants, de telles oeuvres ne sont plus que des naïvetés d'un autre âge, des curiosités poussiéreuses, des rébus indéchiffrables, ou alors, quand il s'agit de ces oeuvres que les historiens ont appelés chefs-d'oeuvre, quelques prouesses techniques étonnantes pour des époques aussi arriérées...
Wassily Kandinsky. Composition X.1939 |
C’est ainsi, par exemple, que Wassily Kandinsky fut célébré par les historiens d’art comme l'inventeur de l'abstraction, qui devint le critère de la modernité en art, alors qu’il est l'héritier et le régénérateur de cette Tradition artistique spirituelle des icônes. Kandinsky appela Nécessité intérieure la voix de l'Esprit créateur qui inspire et impose ses choix à l’artiste moderne comme autrefois à l’anonyme peintre d’icônes, lui faisant voir ce que nul ne peut voir en ce monde, lui révélant la connaissance du Coeur, cette voix intérieure qui est celle du Verbe de Vie, la source vivante en chaque vivant, la Parole de la vie qui nourrit en chaque vivant son accroissement spirituel.
Mais ce monde, gangrené d'images et de paroles falsifiées, a produit une maladie plus grave encore que la destruction de notre faculté à contempler les oeuvres d'art véritables, les vraies images : il a endurci et pétrifié nos coeurs provoquant leur atrophie mortelle, allant jusqu'à les jeter dans l'incapacité d'aimer la vie en nous, en chacun et en tous.
Pourtant, les vraies images demeurent pour ceux qui désireraient s'exposer quelque peu à leur tremblement d'amour qui peux ouvrir le chemin vers ce que l'on nomma autrefois le Ciel ; un Ciel qui n'est pas ailleurs que dans leur âme vivante, vaste, ouverte, inconnue, ne demandant qu'à se faire connaître, c'est-dire à aimer.
Texte : Robert Empain. Carnets 2005
Je passe ici un peu par hasard et découvre des pages qui me parlent beaucoup.
RépondreSupprimerPour moi, quand je peins, quand je fais de la gravure, quand je fais de la photo, c'est laisser parler cette part de divin en moi et c'est rendre grâce !
Merci Naline de votre témoignage, Nous appartenons à une communauté invisible d'artistes que je cherche à rassembler ici, et qui oeuvre pour l'amour de l'Amour, c'est-à-dire comme vous le dites, par et pour la grâce. Envoyez moi des liens vers ce que vous faites. R.E
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