Grâce à vous Paul Cézanne et Robert Campin
Extrait de Ad Imaginem Dei 1 L'oeuvre invisible
par Robert Empain
Extrait de Ad Imaginem Dei 1 L'oeuvre invisible
par Robert Empain
... Sur le chemin du Musée Granet, où j’espère voir quelques Cézanne,
je songe à ce qu'il disait : « Il faut se dépêcher si l’on veut encore
voir quelque chose car les choses sont en train de disparaître.»
Où les choses allaient-elles disparaître ? Dans les ténèbres du monde : images, idoles, simulacres, écrans... mais aussi de notre faculté de les voir apparaître.
Où les choses allaient-elles disparaître ? Dans les ténèbres du monde : images, idoles, simulacres, écrans... mais aussi de notre faculté de les voir apparaître.
Cézanne sur le motif
Les
gens d’Aix n'ont rien vu de son génie, la Ville ne lui a jamais rien
acheté. Résultat : aucun tableau de Cézanne n’est exposé ici. Il y a
tout juste quelques aquarelles de la Sainte Victoire, mais qui ont été prêtées au Musée !
Dans
le témoignage des rares admirateurs qui lui rendirent visite ici à Aix
on lit que lorsqu’il sortait de son atelier des Lauves, pour aller sur
le motif, les gamins de rue lui jetaient des cailloux comme au fou du village. Pour ses Baigneuses aucune
femme d'Aix ne voulut poser nue, il ne trouva que le facteur pour le
faire. Ce sont les fesses musclées et démultipliées de ce brave postier
que Cézanne expédie à la postérité. Petite victoire posthume de la
peinture et de l’humour sur la stupidité. Une maigre compensation, le Musée Granet, qu’il sera impossible à tout jamais d’appeler Musée Cézanne, offre à l'amateur de fesses nues de caresser celles de Thetis, convenablement peintes par Ingres en 1811, dans une toile monumentale et mythologico-comique : Jupiter et Thetis.
Robert Campin. La Vierge en gloire entre saint Augustin et saint Pierre vénérée par un donateur. 1435 |
Mais, grâce au ciel, voici La Vierge en gloire entre saint Augustin et saint Pierre vénérée par un donateur, un
petit panneau de 1435, une miniature à soulever les montagnes, peinte
par mon vénérable ami, mon ancêtre, quasi homonyme, Maître de la
Flémalle : Robert Campin.
La vision de la Vierge en gloire se
produit dans un jardin clos, retiré du monde, de ses leurres et de ses
trafics : le jardin de l'âme. L'âme entre dans ce tableau à l'instant
même où le tableau entre dans l'âme. Pour le vivant, qu'il soit croyant
ou non, la Parole de Dieu opère sans cesse sans lui demander son avis
puisqu'elle lui donne la vie à chaque seconde. Le croyant est celui qui
s'en souvient, l'incroyant est celui qui l'oublie et qui en vient à
oublier l'avoir oublié ! Seulement, la Parole de Dieu, à la différence
de la parole humaine, fait ce qu'elle dit et dit ce qu'elle fait et cela
d'un seul mot, d'un seul verbe : sois ! Un Verbe qui inclut tous les
verbes et les conjugue à tous les temps et hors du temps. Or voici un
peintre mystique, Robert Campin, si pénétré de la Parole divine que ses
oeuvres opèrent comme elle, sa peinture fait ce qu'elle peint et peint
ce qu'elle fait, elle peint une vision, une apparition, et elle ouvre
l'âme à la vision intérieure.
Le
Maître, par souci de ceux qui ont l'âme aveuglée par les mirages du
monde, a parsemé cette opération spirituelle d'un trousseau de clefs
symboliques... Alors, pour t'évader de la nuit de ton oubli il n'y a
qu'a suivre l'étoile Robert Campin. Regarde ! Dans son tableau il y a un
trou, un trou dans le ciel. Ce trou ouvre le panneau, il troue le mur
du monde, en même temps, il perce ton oeil. Il t'appelle. Il te dit approche, viens mon ami, c'est ouvert, c'est troué, viens voir une vision, une merveille, une naissance... Alors
tu y vas. Tu entres. Tu deviens l'homme vêtu de noir agenouillé à
l'avant du tableau : le donateur. Comme lui, tu t'es donné et tu vas
recevoir. Comme lui, tu cherchais la vérité, tu t'es éloigné de la ville
splendide, qui n'est que l'oeuvre du Malin, et tu as atteint un petit
jardin clos et retiré. Et là, tu es entré en toi même, et en toi même tu
es tombé à genoux, tu as ouvert les mains et tu as appelé et tu as
imploré saint Pierre de te donner la clef du Paradis, la clef de la vie
éternelle. Saint Augustin, que tu n'as jamais prié, ne t'a pas oublié
pourtant, il est venu aussi dans ton âme pour te rappeler où se trouve
la clef que tu cherches : il te dit la clef est dans ton coeur.
Pour t'aider à comprendre il a serré ton coeur dans sa main. Alors tu as
ouvert ton coeur et d'un coup le ciel s'est ouvert aussi. Et Saint
Pierre te dit vois et tu as vu la vision promise. La Vierge Marie
et l'Enfant Jésus t'apparaissent maintenant dans une lumière si
éblouissante que tu perçois à peine le trône céleste sur lequel ils sont
assis. Ce que tu vois c'est le regard de la Vierge Marie qui traverse
les yeux de ton âme et te dit maternellement : - Mon enfant, tu as
oublié que connaître veut dire aimer, aimer la Source vivante de toute
connaissance, de tout amour et de toute vie ; connaître c'est
reconnaître le Vivant et par Lui renaître à la Vie. A ces mots, elle
anime doucement pour toi la rose rouge qu'elle tient dans sa main droite
et tu comprends que cette rose est ton propre coeur. L'enfant Jésus qui
est assis sur le genoux de sa Mère a vu ton émoi et éclate de rire
comme ton petit frère. Si bien que toi aussi tu éclates de rire et tu
comprends que cet enfant Jésus, ce nouveau né, ce Fils de Dieu, ce
frère, c'est toi ! Alors te montent aux yeux des larmes de joie !
-
Pssitt ! Une main me tapote l'épaule et me ramène aux réalités
temporelles d'Aix-en-Provence : c'est l'heure de fermeture du Musée me
dit un gardien qui n'a rien d'un ange.
À suivre...
Texte extrait de 1985. extrait de Ad Imaginem Dei 1 L'oeuvre invisible. Robert Empain,
disponible sur Amazon et sur iTunes store et en version papier.
disponible sur Amazon et sur iTunes store et en version papier.
Illustration : une image du tableau de Robert Campin. Rappel : les tableaux de cette espèce ne sont pas des images
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