Grâce à toi Fabrice Hadjadj
Je vous invite à suivre ici les conférences de Carême 2018 données et orchestrées tous les dimanches à Notre Dame de Paris par Fabrice Hadjadj sur le thème de La culture, un défi pour
l'évangélisation... Cet extrait de la première conférence en donne l'enjeu : " L’apocalypse n’est pas simple
effondrement, mais, dans l’effondrement, révélation du fond, de
l’essentiel. De plus en plus, il faudra croire, je ne dis pas en Dieu,
mais en un Créateur et Sauveur de la chair, je ne dis pas pour devenir
un être supérieur, mais pour mener une vie simple et humaine, une vie de
culture. Et c’est pourquoi, de plus en
plus, l’apôtre est conduit à ce retournement de perspective. Lui qui
annonce le Ciel se retrouve à défendre la terre. Lui qui témoigne du
Messie se retrouve à faire l’éloge du berger, du vigneron et du
charpentier. Lui qui est mû par l’Esprit se retrouve à chanter les
sexes. La sainteté va de plus en plus ressembler à l’existence
ordinaire. De cet ordinaire qui est l’œuvre même de Dieu..."
Ces conférences retentissent comme des appels à la vie et à un sursaut collectif immédiat dont les chrétiens doivent être porteurs face à la menace de l'effondrement imminent du vivant dans son ensemble ! La voix forte de Fabrice Hadjadj se joint à celles à de nombreux penseurs et artistes de notre temps qui nous placent face au choix irrévocable pour notre humanité menacée dans son humanité même, un choix que posait déjà à l'homme le cinquième livre de la Bible, le Deutéronome :
" J'en
prends aujourd'hui à témoin contre vous le ciel et la terre: j'ai mis
devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis
la vie, afin que tu vives, toi et ta postérité".
Extrait de la seconde conférence du 25 février : " La foi chrétienne est d’abord la foi en Dieu créateur, seigneur et
sauveur. Or on ne peut aimer le Créateur, si l’on n’aime pas sa
création, pas plus qu’on ne pourrait dire à un peintre qu’on l’admire
tout en crachant sur ses tableaux. Et on ne peut aimer le Sauveur, si
l’on n’aime pas sa créature même blessée à mort, pas plus qu’on ne
pourrait dire à un médecin qu’il fait un métier magnifique mais que
s’occuper des malades est quelque chose d’odieux. En un mot, si le
chrétien ne divinise pas la Nature, c’est pour pouvoir mieux l’aimer et
la garder. Celui qui voit dans la Nature une divinité devra se résigner
devant la destruction perpétrée par cette divinité : le séisme qui
dévaste la terre et la peste qui ravage les troupeaux ne seront pour lui
des maux qu’au niveau local, car, au niveau global, ils apparaîtront
comme bons, leur tache contribuant à la composition harmonieuse. C’est
ce qu’affirmaient les stoïciens. Mais il y a en nous quelque chose de
plus vaste que le monde qui nous donne d’embrasser le monde et d’en
prendre soin au-delà de notre intérêt, avec une attention divine, à tel
point que même la disparition des dinosaures ne nous satisfait pas, et
que nous éprouvons le mystérieux besoin d’en entretenir la mémoire."
« La plus profonde des substances, la plus miroitante, la plus précieuse
des étoffes, la très-vivante matière dont nous sommes tissés, ce n’est
ni la lymphe, ni le plasma de nos cellules, ni les nerfs de nos muscles,
ni les fibres, ni l’eau ou le sang de nos organes, mais le langage.
La langue : l’autre chair. Nous sommes tressés par son architecture invisible, mus par le croisement et le combat des mots ; nous sommes nourris de leurs intrigues, de leurs jeux, de leurs dérives, pris dans leurs drames. Nous, les Terriens — nous les « Adam », les bonshommes de terre — nous sommes formés de langues tout autant que de tendons, de muscles et d’os. Nous sommes étayés, pétris, bâtis de langues, structurés par elles — quotidiennement modelés par la très vive philologie — chaque jour creusés par la combinatoire imprévue, l’histoire mouvante, la disparition et l’apparition des mots. Enfants du résonnement et de la raisonnance. Nés des amours et de la lutte des mots. »
Valère Novarina, Voie négative, 2017.
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Conférences de Carême à Notre-Dame de Paris par Valère Novarina, écrivain, dramaturge, peintre et dessinateur.
Conférence de Carême du 18/03/2018.
La langue : l’autre chair. Nous sommes tressés par son architecture invisible, mus par le croisement et le combat des mots ; nous sommes nourris de leurs intrigues, de leurs jeux, de leurs dérives, pris dans leurs drames. Nous, les Terriens — nous les « Adam », les bonshommes de terre — nous sommes formés de langues tout autant que de tendons, de muscles et d’os. Nous sommes étayés, pétris, bâtis de langues, structurés par elles — quotidiennement modelés par la très vive philologie — chaque jour creusés par la combinatoire imprévue, l’histoire mouvante, la disparition et l’apparition des mots. Enfants du résonnement et de la raisonnance. Nés des amours et de la lutte des mots. »
Valère Novarina, Voie négative, 2017.
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