mardi 24 mai 2016

Pas un livre, mais une révélation. Pas une référence, mais un ami intime. Pas une thèse, mais un chant.


Grâce à Thierry Berlanda, lecteur de Ad Imaginem Dei *




Ad Imagine Dei 1  L'oeuvre invisible


Ce titre d’apparence canonique est celui d’un livre du peintre, penseur et poète Robert Empain. 
Cela dit, est-ce vraiment un livre ?  Et est-il vraiment canonique ? Deux fois non. 
Ce recueil de pensées, d’aventures et de prières est plus grand qu’un livre, plus sauvage aussi. Il n’est pas un objet à classer sur un rayonnage de bibliothèque : il fait partie de nous, présent dans nos cœurs bien avant même qu’il n’ait été écrit. Pas un livre donc, mais une révélation. Pas une référence, mais un ami intime. Pas une thèse, mais un chant.
Dans cette pérégrination tout autant rafraîchissante que brûlante (sa nouveauté nous brûle, à vrai dire, et sa brûlure nous renouvelle), nous suivons Robert Empain pas à pas, débonnaire, fervent, parfois en colère, mais d’abord et finalement scintillant de sa confiance en Dieu. Ici il visite Venise ou Florence, à contretemps des hordes de touristes, là l’Espagne, le sud de la France ou les Etats-Unis ; chaque fois l’occasion de rencontres, agréables ou déchirantes, et d’études lumineuses, non seulement de peintres, (ses évocations de Picasso, de Dali, de Cézanne, de Matisse, entre vingt autres, sont inouïes), mais aussi d’écrivains, de sculpteurs (son Cellini est sublime) ou de philosophes (Jung notamment, si l’on veut bien admettre ce génie, injustement réprouvé, parmi les philosophes).
Chaque fois, où qu’on le suive, où qu’il nous accompagne, Robert Empain agit et parle avec justesse, mais pas comme un sage en position de surplomb, jugeant et déjugeant, encapsulé dans ses certitudes, mais comme un homme parmi les autres, amoureux, enthousiaste, sagace comme pas deux, parfois frappé durement, mais se relevant toujours pour rendre grâce, sachant qu’il n’est pour rien dans le don qu’il reçoit, dans le don qu’il est, comme vous et moi, d’être miraculeusement vivant.
Ce livre, d’une profondeur et d’une beauté de volcan, n’est pas encore publié. Or aucun véritable éditeur, s’il en reste, ne peut laisser filer un tel OVNI, chant d’amour et gisement d’intelligence pure, sans tenter avec lui une rencontre du troisième type. Ici, nous n’aurons de cesse de favoriser cette rencontre. Et pas dans l’intérêt de Robert Empain, qui ne s’en soucie pas, mais dans celui de tous ses lecteurs potentiels : c’est-à-dire tout homme ayant un cœur, ce qui nous fait encore un assez grand nombre.
* A l’image de Dieu

Ad imaginem Dei, premier tome: L'oeuvre Invisible, de Robert Empain, est une recension de ses rencontres, artistiques, intellectuelles, spirituelles ou simplement amicales et/ou amoureuses.

Thierry Berlanda est philosophe, écrivain, romancier, chanteur et proche ami du Vivant

vendredi 13 mai 2016

Le début de la transformation du monde

Grâce à toi Seigneur Jésus

La transformation du monde passerait-elle par une mutation intérieure de chacun d'entre nous ?  Car comment les hommes pourraient-ils changer un monde où règne la loi qui veut que le plus fort mange le plus faible sans d'abord se changer eux-mêmes ? Mais ne faudrait-il pas un miracle pour que les hommes décident de se changer, de muter radicalement, pour que la loi de la domination et de la dévoration mutuelles, se transforme en partage, en communion, en don de soi, en amour ? Or, ce miracle, chacun le sait au fond de lui-même, peut bel et bien se produire pour autant que chacun sacrifie les appétits démesurés de son ego pour donner de sa vie à ses semblables, découvrant du même coup que donner de soi aux autres procure une joie et une paix qu'aucune possession, aucune domination en ce monde ne peuvent donner.
Le miracle de l'amour a commencé à retourner le monde sur lui-même il y a deux mille ans avec un homme qui a donné sa vie pour les autres et qui est ressuscité. En mémoire de ce miracle, cet homme nommé Jésus a institué un sacrement qui consiste à partager entre tous le pain et le vin pour communier avec lui et renouveler le miracle de l'amour qui ressuscite la vie.                   
Une méditation sur le Saint-Sacrement de l'Eucharistie à lire ici...  



Adoration du Saint-Sacrement



... Dans le déluge d’hommages qui a marqué le septième anniversaire du pontificat du pape Benoît XVI ( 2012),  l'élément qui a le mieux révélé le sens profond de ce pontificat a été un orage.

C’était par une nuit torride, à Madrid, au mois d’août 2011. Devant le pape Benoît XVI, sur l’esplanade, un million de jeunes, âgés en moyenne de 22 ans, une inconnue. Brusquement un tourbillon de pluie, de coups de tonnerre, de vent, s’abat sur tous ceux qui sont là, sans possibilité de se mettre à l’abri. Des grappes de projecteurs sautent, des pancartes s’envolent, le pape est lui aussi trempé. Mais il reste à sa place quand il constate l’explosion de joie des jeunes face au hors-programme imprévu que leur offre le ciel.

Lorsque la pluie cesse, le pape, laissant de côté le discours écrit qu’il avait apporté, n’adresse que quelques mots aux jeunes. Il les invite à regarder non pas lui mais ce Jésus dont il dit qu’il est vivant et présent dans l’hostie consacrée, sur l'autel. Il se met à genoux pour une adoration silencieuse. Et la même chose se produit sur l’esplanade. Tout le monde s’agenouille sur le sol mouillé. Dans un silence total. Cela dure une bonne demi-heure.

Lorsque Benoît XVI s’est agenouillé, à Madrid, devant l’hostie consacrée pour un long moment de prière silencieuse, ce n’était pas la première fois. Il l’avait déjà fait à Cologne, en 2005, peu de temps après avoir été élu pape, et là aussi lors d’une veillée nocturne, devant une foule de jeunes, à la stupeur générale.

Peu de gens, lorsqu’ils ont porté un jugement sur ce pontificat, ont compris l'audace de ces gestes à contre-courant. Mais lorsque Benoît XVI les fait et les explique, c’est avec l’air paisible de quelqu’un qui cherche non pas à inventer quelque chose de personnel, mais simplement à parvenir au cœur de l'aventure humaine et du mystère chrétien.

De même, il y a cinq siècles, lorsque Raphaël a peint cette sublime fresque des Chambres du Vatican qu’est la "Dispute du Saint-Sacrement", il a placé l'hostie consacrée au centre de tout, sur l’autel d’une grandiose liturgie cosmique qui voit l’interaction du Père, du Fils, du Saint-Esprit, de l’Église terrestre et céleste, du temps et de l’éternité.


La Dispute du Saint Sacrement de Raphaël est une fresque de la salle de la Signature (Vatican), peinte en 1509 et 1510. C’est le peintre Vasari qui donna à cette oeuvre le titre de La Dispute du Saint-Sacrement ; toutefois, s’il peut être question d’une dispute théologique, à savoir d’une discussion, elle n’a lieu que dans la partie inférieure ( terrestre ) de la fresque, alors que le registre supérieur fonctionne comme une glorification de l’Eglise céleste triomphante. Le titre aurait donc pu être Le Triomphe de l’Eglise. 
Cette oeuvre cherche à représenter le Vrai théologique en regard du Vrai philosophique représenté quant à lui face à elle, dans une autre fresque intitulée L’Ecole d’Athènes. 

Dans la tradition chrétienne le Vrai théologique s’incarne dans l’Eucharistie, un geste d’action de grâce que le Christ lègue à ses disciples en mémoire de Lui lors du dernier repas, de la dernière scène, peu avant sa Passion. Toute l’Eglise du Christ sur terre gravite et vit du renouvellement du Saint-Sacrement de l’Eucharistie célébré lors de chaque messe.  Si la messe est selon Jung l’oeuvre d’art totale, elle est bien plus encore pour les chrétiens, car le Saint-Sacrement de l’Eucharistie, est pour eux, comme pour tous les hommes, le moyen de rédemption, de relation et de communion avec le Dieu trinitaire, les puissances célestes et les saints de tous les temps.


C’est en vérité un mystère théologique irreprésentable que cherche à peindre Raphaël dans cette fresque qui, au premier regard, semble théâtrale et spectaculaire. Ce mystère est celui de la Réelle Présence de Dieu dans un morceau de pain et dans une coupe de vin consacrés, d’humbles choses certes, mais qui témoignent pourtant d’un mystère originel et sans cesse oublié par les vivants que nous sommes, celui du Don constant que Dieu nous fait de sa vie et de son amour absolus, celui alors de nos vies ressuscitées à chaque instant par l’amour en vue de l’amour.
Ainsi pour Raphaël comme pour tous les chrétiens ce mystère qui nous fonde est tout entier présent dans le Saint-Sacrement, une humble hostie consacrée et exposée à l’adoration des fidèles sur tous les autels du monde comme, pour qui regarde un peu, sur la sainte table placée au centre même de cette fresque où communie les vivants du Ciel et de la Terre.  
  



Quand Benoît XVI a convoqué son premier synode, en 2005, il l’a consacré précisément à l’eucharistie. Et il a voulu que, pendant toute la durée de cette réunion, une  photo de cette même fresque de Raphaël soit projetée sur un écran devant les évêques venus du monde entier.

Les savants discours prononcés par Joseph Ratzinger à l'université de Ratisbonne et au Collège des Bernardins de Paris, au Westminster Hall de Londres et au Bundestag de Berlin ont provoqué de nombreuses discussions. Mais on découvrira un jour que ce qui caractérise le mieux ce pape, ce sont ses homélies, comme ce fut le cas avant lui pour saint Léon le Grand, le pape qui arrêta Attila.

De tout ce que dit Benoît XVI, ses homélies sont ce qui fait le moins parler. Il les prononce pendant la messe, dangereusement près, donc, de ce Jésus qu’il montre vivant et présent sous les apparences du pain et du vin, de ce Jésus qui – c’est ce qu’il prêche inlassablement – est celui-là même qui expliqua les Saintes Écritures aux pèlerins d’Emmaüs, tellement semblables aux hommes égarés d’aujourd’hui, qui se fit reconnaître par eux à travers la fraction du pain, comme dans le tableau du Caravage qui se trouve à la National Gallery de Londres, et qui disparut aussitôt qu’il eut été reconnu, parce que la foi est comme cela, elle n’est jamais une vision géométriquement perçue, elle est un jeu inépuisable de liberté et de grâce.

À la foi inexistante ou faible de tant d’hommes et de femmes d’aujourd’hui, aux messes banalement réduites à des baisers de paix et à des assemblées solidaires, le pape Benoît XVI veut offrir la foi consistante en un Dieu qui se fait vraiment proche, qui aime et pardonne, qui se fait toucher et manger.

Cette foi-là, c’était aussi celle des premiers chrétiens. Benoît XVI l’a rappelé lors de l'Angélus d’il y a deux dimanches. La décision de faire du dimanche le "Jour du Seigneur", a-t-il expliqué, a été un geste d’audace révolutionnaire précisément parce c’est un événement extraordinaire et bouleversant qui est à son origine : la résurrection de Jésus et son apparition aux disciples en tant que ressuscité chaque "premier jour de la semaine", c’est-à-dire le jour du début de la création.

Le pain terrestre qui devient communion avec Dieu, a déclaré le pape dans une homélie, "veut être le début de la transformation du monde. Pour que celui-ci devienne un monde de résurrection, un monde de Dieu".

Texte principal : Sandro Magister - Légende : Robert Empain