vendredi 1 décembre 2017

Ode à la vie


Grâce à toi Alain Bashung





Alain Bashung venait de mourir, Patrick*, et tu étais venu voir tes amis en Belgique, je t'ai logé quelques jours et un soir nous avons parlé de lui.  J'ai du te dire cette Parole du Christ : Laissez les morts enterrer les morts, et nous avons évoqué sa mémoire, sa maladie, son envolée et ce livre fait de tes longs entretiens avec lui. 
Nous l'avons pleuré à la façon des mécréants de ce temps, en errant sur la toile des spectres pour lui arracher des lambeaux de chants dispersés dans la nuit. C'est ainsi pourtant que Bashung a repris vie en nous : sa voix, ses mots, ses questions, ses images, ses climats, ses troubles, ses appels étreignaient à nouveau nos vies pour n'en faire qu'une, par empathie ; car il n' y a qu'une seule vie l'ami, celle que nous croyons perdue et que nous cherchons là au dehors, là où elle ne paraît jamais sinon en vestiges évanescents et en appels désespérés :  

... je n'étais qu'une ébauche au pied de la falaise... 

et du haut de nous deux on a vu... 

j'ai fait le mort t'étais pas née... 

t'accaparer seulement t'accaparer... 

les gens sont des légendes mais leurs âmes prennent le maquis...  

des fois je prie des fois j'me réfugie... 

je t'ai manqué! pourquoi tu me visais!... 

chérie, des atomes, fait ce que tu veux... 

mon ange je t'ai trahi tant de nuits alité que mon coeur a cessé de vivre de me donner la vie si loin de moi... 

toutes ces choses guidées par une étoile... première à éclairer la nuit Vénus... 

que faut-il être encore !... 

délaissant les grands axes j'ai pris la contre allée... 

sommes nous les eaux troubles sommes nous le souvenir... 

ode à la vie ode à la poésie, ode à la parole...

Laissez les morts enterrer les morts et la Vie étreindre à nouveau les vivants car la mort n'atteint que les corps perdus dans le monde et pas les âmes vivantes qui s'en libèrent... 
Rimbaud, s'adressant à elle, lui dit  "Mon âme éternelle observe ton voeu!" Mais nombre d'âmes exilées de  leur voeu préfèrent les labyrinthes obscurs, l'errance et les lamentations interminables au point de ne même plus savoir ce qu'elles cherchent et de perdre le voeu qui les veut en vie. 

Mais là où Bashung reprend vie, tout au fond de nous, en la Vie qui nous veut, là seulement est le passage, là est l'amour vrai et la vraie vie des hommes,  là sont ceux qui prient et qui rient.
Amen !





* Texte de Robert Empain, paru dans Monsieur rêve encore de Patrick Amine, Denoêl. 2009

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