mardi 26 décembre 2017

L’aujourd’hui de Dieu


Grâce au Père Dom Jean Pateau


La Nativité par Robert Campin vers 1420
 

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NOËL
MESSE DU JOUR

Homélie du Très Révérend Père Dom Jean PATEAU
Abbé de Notre-Dame de Fontgombault
(Fontgombault, le 25 décembre 2017)


 Puer natus est nobis 
Un enfant nous est né (Is 9,6)





Chers Frères et Soeurs,
Mes très chers Fils,

    SELON UN USAGE déjà attesté par saint Grégoire le Grand (590-604), en ce saint jour de Noël, l’Église célèbre trois Messes : la première vers minuit, la seconde à l’aurore et la troisième après tierce.


    L’usage s’est établi de désigner chacune d’elle en rapport avec le texte évangélique qui y est lu. La première devint la "Messe des Anges", l’Évangile rapportant la naissance historique du Fils de Dieu selon la chair et l’annonce faite aux bergers par les anges. La seconde a reçu le nom de "Messe des Bergers". L’Évangile poursuit le récit à l’endroit où il s’était interrompu lors de la Messe de minuit. Les bergers, qui ont cru à la parole des anges, se mettent en route et trouvent tout selon ce qui leur avait été annoncé. Enfin la dernière Messe, celle que nous célébrons maintenant, fête la naissance éternelle du Verbe de Dieu dans le sein du Père, c’est la "Messe du Verbe divin ». La péricope évangélique est le Prologue de l’Évangile selon saint Jean, qui conclut habituellement la célébration de la Messe dans la forme extraordinaire.

  Durant ces trois Messes, la piété des fidèles est orientée vers deux mystères.
De façon immédiate, la fête de Noël, c’est le mystère de l’Incarnation du Verbe, seconde personne de la Sainte Trinité, dans une étable de Judée en un lieu appelé Bethléem, et à un temps précis de l’histoire de l’humanité.
 

Les témoins de ce mystère trouvent dans une crèche un enfant, sa Mère Marie et un homme du nom de Joseph.
 

Le mystère tient au fait que cet enfant n’est pas né de l’union d’un homme et d’une femme, mais de la volonté de Dieu transmise par un ange à une jeune fille vierge et qui l’a accueillie : « Je suis la servante du Seigneur; qu’il m’advienne selon votre parole ! » (Lc 1,38) Quant au mode de conception de l’enfant, l’ange lui avait répondu : « L’Esprit Saint viendra sur vous, et la puissance du Très-Haut vous prendra sous son ombre; c’est pourquoi l’être saint qui naîtra sera appelé Fils de Dieu. » (Lc 1,35)

L’antienne d’Introït l’a chanté :


Un enfant nous est né, un fils nous a été donné : il porte sur son épaule le signe de sa souveraineté, il sera appelé l’Ange du grand conseil. (cf Is 9,6)

  Mais ce premier mystère en appelle un second, plus secret, invisible, que seul le Christ nous a révélé : le mystère de la Sainte Trinité, un seul Dieu en trois personnes : le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Le Fils reçoit aussi le nom de Verbe, du latin verbum : parole. En lui, lors de l’Incarnation, Dieu se fait parole humaine et vient à nous selon un mode sensible qui nous est plus immédiat : la parole humaine. Chaque dimanche, ainsi qu’aux plus grandes fêtes, nous proclamons notre foi en ces deux mystères dans le Credo.

  Déjà, lors de la Messe de Minuit, l’antienne d’introït faisait clairement allusion à la génération éternelle du Verbe dans le sein du Père : « Le Seigneur (c’est-à-dire le Père) m’a dit : ‘Tu es mon Fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré. » (Ps 2,7) Cet aujourd’hui, c’est l’aujourd’hui de Dieu : le présent de « Celui qui est » et qui ne fait qu’être, de Celui qui n’a pas la pauvreté de l’homme qui espère la richesse de l’avenir, ni ne la tire de l’expérience de son passé. En Dieu, pauvreté et richesse s’unissent dans la simplicité de son être.

En face d’un tel mystère, la question du psalmiste prend un relief saisissant : « Pourquoi les nations ont-elles rugi ? Pourquoi les peuples ont-ils médité de vains projets ? » (ibid, v.1)
 

Peut-être sommes-nous, nous aussi, comme les nations, trop habitués au mystère de Dieu... Peut-être est-il bon de nous rappeler l’histoire de cette femme se reprochant de ne pouvoir prier, et s’accusant à un prêtre qu’après avoir dit les deux premiers mots du  Notre Père... il ne lui était plus possible d’aller plus loin, écrasée par cette folie qui consiste à oser appeler Dieu : Notre Père.

La parole de Dieu est vraie, consolatrice pour qui sait la méditer. Folie, scandale aux yeux des hommes... peut-être, si le Fils lui-même, celui qui cette nuit s’est incarné dans la sainte étable, ne nous avait appris à prononcer ces mots. Cette invitation qu’il nous fait à nous adresser ainsi à son Père est précédée d’une admirable introduction rapportée par saint Matthieu :

Quand vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites : ils aiment, pour faire leurs prières, à se camper dans les synagogues et les carrefours, afin qu’on les voie. En vérité je vous le dis, ils tiennent déjà leur récompense. Pour toi, quand tu pries, retire-toi dans ta chambre, ferme sur toi la porte, et prie ton Père qui est là, dans le secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. Dans vos prières, ne rabâchez pas comme les païens : ils s’imaginent qu’en parlant beaucoup ils se feront mieux écouter. N’allez pas faire comme eux ; car votre Père sait bien ce qu’il vous faut, avant que vous le lui demandiez. Vous donc, priez ainsi : "Notre Père qui êtes aux cieux... (Mt 6, 5-9)

Un seul Dieu en trois personnes, dont l’une, celle du Fils, possède deux natures, la nature divine de toute éternité, et la nature humaine depuis son incarnation dans le sein de Marie.
 

En ce matin de Noël, les paroles du psalmiste peuvent aussi revenir à l’esprit :

Yahvé, qu’est donc l’homme, que tu le connaisses, l’être humain, que tu penses à lui ?

L’homme est semblable à un souffle, ses jours sont comme l’ombre qui passe... (Ps 144)

 
Pourtant, c’est bien à cette ombre qui passe qu’après avoir souvent parlé par la bouche des prophètes, Dieu parle une nouvelle fois aujourd’hui, comme le rapporte l’épître aux Hébreux. Le messager, c’est son Fils. Que cette Parole ne rencontre pas la surdité d’un coeur qui n’a qu’un souffle. Celui qui il y a deux mille ans s’est incarné dans une crèche, vient à nouveau à nous. Qu’à l’exemple des bergers, nos coeurs sans relâche glorifient et louent le Seigneur et chantent sans fin Noël.
 

Amen.

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