lundi 21 mai 2018

Viens, Esprit-Saint !



Grâce à toi Annick de Souzenelle 

En ce Jour de la Pentecôte les chrétiens, dont je suis, invoquent L'Esprit Saint, L'Esprit donateur de vie et de vérité. Celui ci me souffle d'évoquer une nouvelle fois ici le livre essentiel qu'Annick de Souzenelle Lui consacra : La lettre chemin de vie (1). Dans ce livre, en effet, la théologienne orthodoxe nous replace dans le Souffle divin qui animent les lettres hébraïques. Sous son regard pénétrant la lettre revivifiée devient le chemin immémorial de la Vie en nous, un chemin par lequel tout homme, à la suite d’Abraham, va vers lui-même en suivant la voie qui ouvre à la connaissance et l'accomplissement de l'oeuvre divine, à savoir sa propre filiation divine. On lira ci dessous le texte de présentation de ce livre qu'elle publia sur son site. 




« L'ouvrage que je présente ici est l'aboutissement d'une méditation et d'une expérience de vingt-cinq années. Ce n'est pas une oeuvre d’érudition. Pendant ces années, j'ai bu aux deux mamelles - judaïsme et christianisme - le lait de l'unique Tradition que je ressentais comme ma mère, riche des deux pôles nourriciers qui se complètent, se confirment et se vérifient ; ils ne sont que trop ignorés, alors que leurs épousailles me semblent conditionner le devenir de l'humanité.



Autour des années 1958-1960, mon mari et moi allions chaque dimanche après-midi nous enfermer dans un café douteux du quartier de la République, à Paris, pour contempler la pierre précieuse d'Israël qu'Emmanuel Lévyne tirait amoureusement de ses enveloppes conventionnelles.

 

L'évêque Jean de Saint-Denis, d'origine russe, partageait avec Emmanuel Lévyne l'enracinement dans le génie d'une même terre qui avait été celle d'exil depuis plusieurs générations pour l'un, celle d'une souche plusieurs fois centenaire pour l'autre. 
Ces deux hommes ne se connaissaient pas. 


Lorsque nous arrivions aux cours de l'Institut Saint-Denys qui scandaient le rythme de nos jours - comme ceux d'Emmanuel, celui de nos semaines - nous nous regardions bouleversés de recevoir des lèvres de notre maître la plénitude du message qu'Emmanuel Lévyne venait à peine de saisir des profondeurs de la langue hébraïque.

 Ou bien, l'évêque Jean nous apportait alors à brassée embaumée la gerbe mûre d'un aspect de la révélation, que le dimanche suivant nous retrouvions fraîchement éclose du coeur hébreu !

 La rencontre était exaltante !

Si, plus tard nous nous séparions d'Emmanuel Lévyne, nous ne pouvons oublier les heures lumineuses que nous lui devons.

 

Par contre, notre chemin dans la tradition chrétienne orthodoxe se poursuit, en même temps qu'il guide désormais ma recherche inlassable de communication avec la lettre hébraïque.

 En elle palpite la naissance d'une vie qui soudain s'élève comme un ouragan dont la violence nous emporte. 

Le Verbe de Dieu est là qui, par la folie de la Croix, nous conduit à l'expérience tangible de la Résurrection.

 S'il est une nourriture sacrée, après l'Eucharistie des mystères chrétiens, c'est bien la manducation de l'alphabet hébreu.

Deux mille ans avant la création du monde, dit le Livre de la Splendeur, le Zohar, les lettres étaient cachées et le Saint, béni soit-Il, les contemplait et en faisait ses délices. Lorsqu'il voulut créer le monde, toutes les lettres, mais dans l'ordre renversé, vinrent se présenter à Lui. Ce fut la lettre Taw qui se présenta la première..." (Zohar, I, 2b). Chacune se prévalant d'un glorieux mot dont elle est la composante essentielle, tenta d'obtenir le don précieux de commencer la création. Mais toutes furent renvoyées...

Le Souffle. 1993

 


La lettre Bet vint se présenter devant le Saint, béni soit-Il, pour obtenir de Lui de présider à la création du monde. Elle s'avança en disant :
  - Je suis l'initiale du mot dont on se sert pour te bénir en haut et en bas.
 - C'est effectivement de toi que je me servirai pour commencer la création du monde, répondit le Seigneur, et tu seras ainsi la base de l'oeuvre de la création."
Le Saint, béni soit-il, ayant dit à la lettre Bet qu'elle serait la base de la création, la lettre Aleph resta à sa place sans se présenter.
Le Saint, béni soit-il, lui dit : "Aleph, Aleph, pourquoi ne t'es-tu pas présenté devant moi, à l'instar de toutes les lettres ?" Elle répondit : "Maître de l'univers, voyant toutes les lettres se présenter devant toi inutilement, pourquoi me serais-je présentée aussi ? Ensuite, puisque tu as déjà accordé à la lettre Bet ce don précieux, j'ai compris qu'il ne sied pas au Roi céleste de reprendre le don qu'il a fait à un de ses serviteurs pour le donner à un autre."
Le Saint, béni soit-Il, lui répondit : "Aleph, Aleph, bien que ce soit la lettre Bet dont je me servirai pour opérer la création du monde, tu seras la première de toutes les lettres, et je n'aurai d'unité qu'en toi ; tu seras la base de tous les calculs et de tous les actes faits dans le monde, et on ne saurait trouver d'unité nulle part, si ce n'est dans la lettre Aleph.
 
A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles, Je dirai quelque jour vos naissances latentes... Arthur Rimbaud

Eveillé jusqu'aux racines de son être, lié à ses sources éternelles, puisant les énergies mêmes qui l'ont façonné, le poète participe de l'expérience du prophète qui "voit les cieux ouverts". Comme tout homme, n'est-il pas sculpté de la Parole-Verbe, expir divin, qui souffle tout être selon son NOM, sa note originelle ? Et ce NOM crie en chacun, l'appelant à le découvrir, à devenir lui.

Nul ne l'entend, si ce n'est l'homme éveillé, celui qui est à l'écoute, celui dont tous les sens sont à l'écoute...
Les Lois divines qui structurent la Création sont nées du Verbe divin. Elles sont, disent les Hébreux, les Grandes Lettres d'en-haut, c'est-à-dire les Energies divines incrées émanant du Verbe, proférées par Lui et venant modeler l'Homme. Celui-ci, à l'image du Verbe, profère "en bas" les sons et, selon la qualité de son être, façonne ses lettres, les petites lettres d'en bas. Chaque petite lettre d'en-bas est reliée invisiblement à la Grande Lettre d'en haut qui lui correspond et qui l'informe de telle sorte qu'elle est douée d'un pouvoir reconducteur vers celle d'en haut. 


Annick de Souzenelle en 2012 en visite à notre exposition
Face de Dieu Face de l'homme à Bruxelles

C'est ainsi que la langue hébraïque tout entière est conductrice du Verbe divin et reconduit à Lui !  Chaque lettre correspond à un nombre. Les mathématiques, comme toute parole juste, chantent les structures de la Création et glorifient le Verbe. Les lettres figées dans la pierre, puis dans les livres, gardent cependant dans leur coeur le secret de leur pouvoir. Nos propres coeurs purifiés participeront de leur trésor.»

(1)Annick de Souzenelle La lettre chemin de vie, le symbolisme des lettres hébraïques,  éditions Albin Michel

Illustrations : Peinture de Robert Empain, 1993. Photographie 2012

1 commentaire:

  1. Article, que dis-je méditation superbe sur les connexions étroites entre l'Ancien et le Nouveau Testament. Je vais bien entendu consulter votre blog qui me paraît vraiment aller dans le bon sens.
    Bien amicalement.

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