lundi 17 novembre 2014

Le sel de la Terre


Grâce à Wim Wenders et à Sebastiâo Salgado  

Je viens de voir Le sel de la Terre, le film hommage de Wim Wenders au grand photographe brésilien Sebastiâo Salgado. Ce film magnifique est dû à l'humilité d'un homme, Wim Wenders, qui s'est effacé et ainsi élevé pour admirer un homme et une femme : Sebastiâo Salgado et son épouse et alliée de toujours Lélia Deluiz. Je voulais pour vous inciter à voir ce film séance tenante vous présenter quelques extraits et y ajouter quelques mots, mais il y a des vivants si admirables que l’on ne peut que chanter sa joie de les connaître, et, avec Wenders et Verhaeren, admirer en eux le Don incommensurable que nous fait la Vie.  


Sebastiâo Salgado au Brésil.




Sebastião Salgado a grandi au Brésil dans la ferme familiale entourée d’une forêt proche de l’océan, un lieu d'enfance qui était pour lui le Paradis. Devenu docteur en économie, il s’amuse avec l’appareil photo de sa jeune épouse et se découvre un don pour la photographie. Renonçant à une carrière d’économiste, il se lance dans la difficile profession de photographe et se met à parcourir la Terre entière en tous sens pendant plus de quarante ans pour photographier, comme personne ne l’avait fait avant lui, les innombrables victimes oubliées des guerres, des génocides, des famines et des exodes. Il publie dans les grands magazines ces témoignages irréfutables de l’injustice, de la folie et de la cruauté démoniaque dont les humains cupides sont capables à l'encontre de leurs semblables. 






Les photographies de Sebastiâo Salgado ne constituent pas seulement un volumineux dossier d’archives et de preuves accablantes contre la Barbarie de notre temps, elles sont aussi des oeuvres d'art. C’est-à-dire des images vraies, qui ne tombent pas, comme a pu le dire, dans une esthétisation complaisante de la souffrance humaine, mais qui, tout au contraire, rendent visible et sensible la beauté originelle, la beauté nue, indicible et invisible, de toute personne humaine victime de l’inhumanité qui voudrait la rayer, la nier. Car les images bouleversantes de ce voyant nous révèlent ceci que la dignité d’une personne ne peut être niée ni même effacée par une autre même si celle-ci parvient à détruire son corps. 
Oui, la dignité impérissable de l’être humain la photographie peut la préserver à jamais. 
Comment ? 
Salgado ne veut pas être, comme la plupart des photographes de presse, un témoin objectif, un spectateur neutre, voire même indifférent, des drames humains et des personnes qu'il rencontre. Il se veut au contraire en  profonde empathie avec les gens vers lesquels il va, et avec lesquels il vit pendant des mois parfois, pour partager leurs conditions de vie, afin, dit-il, de se rendre digne de recevoir leur image. Ainsi, pour Sebastiâo Salgado, un portrait digne de ce nom ne peut se faire qu’à deux : une personne qui donne son image à une autre personne, c’est-à-dire un vivant qui, dans le dénuement et le plus grand péril souvent, donne son image à un autre vivant qui s’est rendu digne de voir cette image, de la recevoir et de la donner à voir à d’autres. 



Nous touchons ici au mystère de la vie dont tous nous vivons, nous entrons dans le coeur invisible de la vie qui nous donne à nous-mêmes en nous donnant les uns aux autres en elle, en son Coeur d’accueil, dont un autre Nom est le Royaume. Car ce qui se donne et se reçoit dans le don de soi, dans le don de sa vraie image à l’autre, ce qui s’éprouve dans l’offrande de notre dénuement à la vue de celui qui nous témoigné son amour, et par lui, à la vue de tous ceux qui pourraient nous en témoigner, c’est le Don de la Vie absolue qu’aucune puissance au monde ne peut effacer, qu’aucun néant ne peut nier. C’est à la Vie absolue, entendez éternelle, que nous nous donnons quand nous nous donnons les uns aux autres. La Vie qui la première nous a rendu digne d’elle, la Vie qui la première nous a appelé en elle, la Vie qui,  avant la création de ce monde, nous a aimés. La Vie qui vient et qui nous sauve sans cesse.   
   
Mais quel homme peut descendre aux enfers pour y affronter les puissances du néant quarante années durant sans éprouver une profonde mélancolie, sans reconnaître son impuissance à sauver ceux qu’il a aimé, ceux qui sont morts et dont il s’était rendu digne ?  

Sebastiâo Salgado, photographe au vrai sens du mot, après avoir livré combat si longtemps avec de la lumière contre les ténèbres était épuisé. Un temps, il désespéra de tout, de l'humanité et même de lui-même.




Mais l’épouse de sa vie, Lélia Deluiz, l’alliée de tous ses combats, était là auprès de lui, plus inspirée que jamais. Ensemble, au tournant du millénaire, ils reprennent force et courage pour se lancer dans un nouveau projet de vie, celui qui devrait tous nous animer : recréer le Paradis perdu ! Du moins commencer à le faire - ce qui est aussitôt y entrer.

Car, en vérité, tout n’était pas perdu sur Terre puisque près de la moitié de la planète Terre est restée comme aux premiers temps de la création : vierge. Et de cette part sauvegardée du paradis pourrait encore renaître la part perdue. Sebastiâo décide donc de montrer sa beauté aux hommes perdus. Ce fut Genesis, l’immense hommage photographique de Sebastiaô Salgado à la beauté de la Création. 

Tout n’était pas perdu non plus au Brésil, puisque le paradis de l’enfance de Sebastiâo, la ferme tropicale familiale, devenue un désert après cinquante années d’élevage, pouvait être reconstituée au prix d’un travail colossal : une reforestation totale. Ce fut Terra, le projet qui prouve que l’on peut recréer une forêt native en quelques années, au Brésil comme ailleurs, et qu’avec la forêt revivent aussi les sources, les ruisseaux, les points d’eaux, les oiseaux et tous les animaux du paradis dont l'homme a la garde. 

La suite à l'écran...


Vidéos et photographie: extraits du film Le sel de la terre, Wim Wenders. 2014
Texte : Robert Empain. 2014/11/15


1 commentaire:

  1. Merveilleux, bouleversant, Robert, vivant comme éternellement !

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