vendredi 30 août 2024

Les racines de l'enfer


Grâce à Michel Weber

Après l'avoir lu et relu avec attention cet été, je recommande vivement et urgemment la lecture du dernier livre paru de Michel Weber Les racines de l'enfer, dans lequel le philosophe belge analyse de manière subtile et rigoureuse les liens intimes et inéluctables entre pouvoir et perversion. Ce livre va aux racines même du mal tout en démasquant les causes de la crise globale, infernale, décisive mais dépassable, que traverse actuellement notre humanité...


Voici la présentation qu'il fait de ce livre : "La profondeur, la polyfactorialité et l'intensité de la configuration crisique actuelle nous imposent de reprendre ab ovo la question du mal. Il semble maintenant difficile, en effet, de faire l'économie d’une analyse philosophique — ponérologique - des entrelacs existant entre politique, théologie et psychologie pour comprendre à la fois les enjeux crisiques et les contours du démoniaque. En mettant en synergie les pensées théologique, politique et clinique du mal, la ponérologie politique, portée sur les fonts baptismaux par Lobaczewski en 1985, ne constitue finalement que le remembrement d’une tradition philosophique millénaire. Que nous apprend-elle ? Que le premier péché est celui contre l’anarchie, et qu’il est le propre du pervers."



Ce livre est disponible sur I6doc.com La librairie des éditions scientifiques



samedi 24 août 2024

Va vers toi par ce chemin qui est en toi

 Grâce à toi Annick de Souzenelle


Le 11 août dernier, à l'âge de 101 ans, 
Annick de Souzenelle est née au Ciel, comme disent nos soeurs et nos frères Orthodoxes qu'elle rejoignit à 36 ans. Annick de Souzenelle passa une bonne partie de sa vie à étudier et à traduire 
lettre à lettre 
le texte hébreu de la Genèse, ce qui donna deux volumes d'une profondeur inouïe des récits de la création, de la chute, de l’exil et de nombreux autres ouvrages consacrés aux riches développements qu’autorisaient ses découvertes véritablement inspirées d'En haut. Selon ses termes, elle donne «une lecture chrétienne du texte hébreu de la Genèse » qui constitue une lecture absolument nouvelle et vivante de ce texte fondateur qui corrige les nombreux et graves contresens des traductions historiques et rétablit la profondeur, la continuité et l'actualité de la Révélation ouvrant des perspectives spirituelles inouïes dans de multiples orientations. Sur son site, elle résuma en une page très dense ce
 Mythe fondamental pour l’humanité du premier Livre de la Bible intitulé La Genèse. 
En son hommage et en guise d'introduction à son oeuvre essentielle pour notre temps apocalyptique, je republie cette page ici.  


Dans l’Évangile de Marc (8, 22-26), Jésus met de la salive sur les yeux de l’aveugle, lui impose les mains et lui demande s’il voit quelque chose. Levant le regard, l’aveugle dit : « Je vois des hommes ; ils sont comme des arbres qui marchent.» Mais comment accéder à ce monde visionnaire sans entrer d’abord dans le monde des symboles. Le symbole de l’Arbre est présent dans les textes sacrés de notre tradition judéo-chrétienne. Arbre de Vie, Arbre de la Connaissance, Arbre des Sephiroth, Arbre de la Croix… mais que nous disent tous ces arbres ? Ils nous parlent d’aspects essentiels, de réalités profondes, ils nous disent de « qui nous sommes » et « vers où nous allons »… A.d. S 2023


____


"Dans la Genèse, écrit Annick de Souzenelle : la femelle n'est autre que les shamaïm (les cieux), alors appelée adamah dans la fonction matricielle du shem (le NOM) qu'elle porte. La adamah est mère (et mer) des profondeurs de tout être humain ; elle doit être cultivée - ce qui signifie qu'Adam doit faire oeuvre mâle en elle, en pénétrer chaque énergie, la nommer, la travailler, afin de construire l'Arbre de la Connaissance et de faire mûrir son fruit, le divin en l'Homme.  Adam a pour vocation de se mettre au monde ; dans ce sens, il a vocation de maternité. L'Adam du Sixième Jour, encore confondu avec sa Adamah, baigne dans les eaux de l'inconscience ; les énergies de celles-ci, douées d'une vie autonome, jouent à la place de l'Homme et il ne le sait pas ! Ceci décrit la situation actuelle d'exil dans laquelle l'Homme est maintenu parce qu'il se détourne de lui-même et de Dieu. L'Adam du Sixième Jour (et celui de l'exil) est incapable de travailler sa Adamah. " Il n'y a pas d'Homme pour cultiver la terre [Adamah] ", dit le texte du Septième Jour. Nos traducteurs exilés ont déduit de ce verset de la Genèse l'inexistence de l'Homme, qui venait cependant d'être créé au Sixième Jour ; ils en ont conclu que ce deuxième chapitre de la Genèse constituait une autre Genèse, étrangère à la première ; et la critique historique d'aller bon train ! Or, ce deuxième chapitre de la Genèse décrit un jour où " Elohim se retire [shabbat] " pour que croisse YHWH, comme un père le fait devant un fils qui commence à affirmer son identité, car YHWH, JE SUIS, est l'identité réelle d'Adam, par laquelle il peut devenir conscient de lui-même. En ce Septième Jour, un processus de différenciation s'accomplit entre Adam et sa Adamah ; l'Homme entre en résonance avec son noyau divin fondateur, il sort de son être collectif pour devenir sa personne et faire croître son arbre. Elohim dit : " l'Homme coupé de lui-même ne peut s'accomplir " (verset généralement traduit par : " il n'est pas bon que l'homme soit seul ").  Elohim initie alors Adam à faire oeuvre mâle en lui-même, à nommer les animaux (énergies) de sa Adamah pour transmuter leur peau (ténèbres) en lumière (jeux de mots hébreux intraduisibles):  Elohim fait " communiquer " Adam avec lui-même dans des " face-à-face " incontournables pour son accomplissement. Adam cherche le face-à-face total ; il est alors " endormi " d'un sommeil qui est en réalité un éveil, au coeur duquel Dieu lui montre la totalité de son autre côté. Cet " autre côté " n'a jamais été une côte : il est le côté " inaccompli ", donc encore voilé, de l'Arbre de la Connaissance qu'est Adam dans sa totalité ; il est " dressé " par Dieu, devant cet Adam, en " épouse ", Ishah, dont Adam est l'époux ; Ish. Ishah est l'autre nom des shamaïm, les cieux, appelés Adamah en tant que mère des profondeurs et maintenant Ishah, " épouse " d'Adam.
Lorsque Adam découvre son épouse et l'enfant divin qu'elle porte, il vit une extase et s'écrie : " Voici celle qui est os de mes os et chair de ma chair " ce qui en hébreu signifie : " Voici celle qui est la substance de ma substance [qui se tient cachée sous les apparences] et l'Image divine que je suis ". Car la " chair ", basar, " scellée dans les profondeurs de cet autre côté " est l'Image divine fondatrice, constituée de bar, le " Fils " (le shem) et d'une présence secrète symbolisée par la lettre médiane de ce mot, le shin, première lettre du mot shem, le NOM, dont l'idéogramme primitif (flèche retenue au bout d'un arc tendu à l'extrême) exprime " l'esprit " qui est en l'Homme.
L'esprit est puissance de l'éros qui (départ de la flèche) rend capable l'accomplissement du Fils (le logos grec). La puissance de l'éros est, dans le principe, celle du désir infini de l'Homme pour son Dieu, qui ne peut se traduire dans un premier temps que par ses épousailles avec Ishah ; elle est une pulsion de vie informationnelle car elle transforme les énergies potentielles de Adamah en informations - le conscient - ; elle fait croître la sève de l'Arbre de Connaissance dont Adam va devenir le fruit : le Fils - JE SUIS - totalement accompli.
Ce Grand Oeuvre est possible, puisque maintenant " Adam et son Ishah sont deux ; ils connaissent le chemin qu'ils ont à faire ; ils ne sont plus confondus " ; ce verset, à un premier niveau de lecture est traduit par : " ils étaient tous les deux nus et ils n'en avaient pas honte ". C'est à cette hauteur du mythe qu'intervient, au milieu de tous les animaux (les énergies) intérieurs d'Adam," le serpent, le plus rusé de toutes les énergies ". Ici, la racine du mot hébreu arom " rusé ", est aussi celle du mot qui vient de qualifier Adam et son Ishah et que l'on a traduit par " nu " au verset précédent.
Le serpent doué de savoir et de savoir-faire est une émanation du Satan, l'Adversaire ; il va tenter de déstabiliser Adam en s'adressant à son épouse Ishah. Ishah prend le fruit de l'Arbre de la Connaissance que lui tend le serpent-Satan ; elle le donne à son époux qui le mange. Adam entre alors dans l'illusion totale d'être devenu JE SUIS ; ce " je " illusoire est l'ego du monde de l'exil, qui se trouve alors en relation avec l'extérieur des choses et d'Adam lui-même, mais coupé de l'intérieur, coupé d'Ishah dont il croit qu'elle est devenue sa totale lumière. Réduit à l'état animal du Sixième Jour, Adam n'est plus que l'homme devant la femme alors seulement appelée Eve. Eve devient mère biologique dans le monde extérieur alors que c'était à lui Adam, de devenir mère ontologique, mère du Fils intérieur, JE SUIS.  

Annick de Souzenelle


En 2010 Annick de Souzenelle ouvrit à Angers L'institut d'Anthropologie Spirituelle qui propose un cycle d’études à ceux qui entendent le Va vers toi,  à savoir l'appel divin adressé à Abraham et qui ressentent alors la nécessité de prendre un chemin qui implique des renversements à la verticale, renversement dans lequel l’humanité totale est aujourd’hui saisie et auquel chaque personne dans son expérience unique peut donner sens et accomplir sa filiation en Dieu.