mardi 3 février 2015

L’art prière - Manifeste


Grâce à vous Paul Cézanne et Pablo Picasso


Mes carnets d’artiste des années quatre-vingts (récemment parus sur Amazon sous le titre AD IMAGINEM DEI 1 L’oeuvre invisible ) dont vous voyez ici quelques pages, consacrent de nombreuses pages à Picasso, le Pharaon de la peinture du XXe siècle, qui peu après la guerre s’offrit  la Montagne Sainte Victoire (Vauvenargues Aix-en-Provence) et le château qui va avec pour y vivre mais aussi pour rendre hommage à son maître Paul Cézanne qui avait peint cette montagne et ses environs des années durant. Je vous renvoie à ces pages,  chers lecteurs, et aux leçons de peinture que j'ai reçues de ces deux maîtres compagnons de vie.
 
Mais en complément, je publie ci-dessous deux textes inédits, mais liés, tirés de mes notes de cette époque. Un premier texte intitulé L'art prière que je voyais non pas comme un manifeste, mais plutôt comme une profession de foi pour un art qui n'aurait plus rien à voir et à devoir aux marchands de produis artistiques contemporains et aux commissaires en divertissements culturels. Et un autre, qui pose la question de Picasso : Qu'est -ce qu'un tableau ?  Mais à vrai dire, les artistes à qui j'ai proposé cette profession de foi à l'époque, une époque qui jouait avec l'art comme on joue à la roulette, ne se sentirent pas concernés, ce qui signifie qu'il est essentiel et plus nécessaire que jamais. 

Ce texte fera partie du tome ll de Ad Imaginem Dei, L'oeuvre à venir...


Théophanies. Carnet. Huile et encre sur papier. 1987





L’art prière - Manifeste 
 
    Attachons-nous à dévoiler par la mise en œuvre, par la pratique de l’art qui est l’art même, le fait pictural comme l’événement visible paradoxal maximum où l’effleurement divin ou la grâce d’une théophanie, se manifeste à la surface du tableau, mais toujours de manière paradoxale comme l’avancée d’un retrait, la présence d’une absence, l’apparition d’une disparition, comme ouverture joyeuse et déchirement, blessure de lumière et plaie radieuse dans l’apparent, mais aussi, ainsi et encore, comme un ravissement pathétique, une grâce, une élévation et une révélation de l’amour du Dieu Vivant. 

L’art vécu comme théophanie et pratiqué comme prière a été mis en oeuvre à divers degrés d’intensité spirituelle par les peintres voyants de tous les temps. Le plus haut degré fut atteint par les peintres d’icônes, dont quelques uns furent élevés à la sainteté, et par leurs héritiers en Occident. Cet art spirituel fut occulté à mesure que montait en puissance l’humanisme à la Renaissance pour se perdre, à de rares exceptions près, dans le maniérisme, le classicisme et les académismes divers. Il fut retrouvé par les modernes : Gauguin, Van Gogh, Cézanne, Redon, Ensor, Kandinsky, Chagall, Matisse, Rotko… et leurs rares descendants actuels - sans pour cela que ces voyants se soient toujours déclarés explicitement héritiers de cette tradition spirituelle, assurés qu’ils étaient que leurs oeuvres parleraient mieux de ces choses qu’ils n’auraient pu le faire.




Qu'est-ce qu'un tableau ? Carnet. Huile et encre sur papier. 1987


Qu’est-ce qu’un tableau ? 

Le dépassement de l’opposition entre l’art spirituel et l’art humaniste - art de l’invisible et art du visible - se trouve dans la réponse que donne Picasso à la question qu’est-ce qu’un tableau ? Cette réponse n’est pas une théorie de l’art, mais la praxis même de l’art, l’art de faire qui est art même. Ainsi, à cette question qu’est-ce qu’un tableau, Picasso répond : il faut faire un tableau, il faut faire un autre tableau, et encore tableau et encore un autre et ainsi de suite. 
C’est le faire qui est le tableau, c’est l’acte de peindre et l’acte de regarder qui font le tableau. De même la musique c’est l’art de faire de la musique, de la jouer et de l’écouter, comme la danse est l’art de faire de la danse etc… 
C’est par l’acte créateur que tout un chacun peut éprouver sa liberté créatrice et la joie et la douleur de faire une oeuvre véridique en se faisant lui-même, en réalisant alors que sa vie est l’acte même de se recueillir et de s’accroître sans cesse comme une création continuelle, une oeuvre vivante. 
Tout faire tendant vers un mieux faire, vers une amélioration, le faire mieux est l’art même. L’art c’est l’art de mieux faire croître les fruits de la création. La vie est à vivre comme un acte créateur que chacun est libre d’accroitre par son faire propre. Le faire créateur est à la fois un acte humble et héroïque par lequel chacun face à son désir,  face à lui-même, fait face au monde, fait face à son destin de parlant, de voyant, de créateur, de vivant.  Chacun peut à sa guise se peindre, se dire, s’écrire, se chanter, se danser, se multiplier, se vivre, s’accroitre, se donner et se signer dans l’Univers. Ou, au contraire, chacun peut ne rien faire de sa vie, préférant la nier et s’en défaire. 


Extrait de Ad Imaginem Dei II - L'oeuvre à paraître…
Images : Carnets de Robert Empain. 

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