dimanche 23 février 2014

L'essence de la manifestation


Grâce à Michel Henry

Le salut de l'homme ne peut lui venir du monde, de ses représentations, de ses abstractions et de ses idéalités, qui ne subsistent que sur le Fond d'une immanence radicale qui ne se tient jamais à distance : d'une vie s'éprouvant dans le subir, le souffrir et le jouir de son propre pathos. Parce que, avant que se lève le monde, une Affectivité transcendantale accomplit en nous son Archi-Révélation en même temps qu'elle engendre notre ipséité.  
Si, selon la formule de Heidegger, seul un dieu peut nous sauver son Nom est la Vie... 
Voilà ce que soutenait Michel Henry dans son livre incontournable et capital pour notre devenir : L'essence de la manifestation, dont je reproduis ici les premières lignes de la présentation qui en est faite sur le site Michel Henry, où l'on pourra en lire davantage.





Entrepris en 1946 avec pour but la constitution d’«une phénoménologie de l’ego», intitulé ensuite «L’essence de la révélation», puis «de la manifestation», achevé en janvier 1961, publié début 1963, vu les délais alors exigés par la soutenance de deux thèses éditées, cet essai majeur répond à la question que M.H. s’était posée quand il a décidé d’être philosophe : « Je voulais savoir qui j’étais ». Les circonstances extérieures – interruption de ses études pour son engagement dans la Résistance – l’ont mis sur la voie de sa réponse en avivant son sentiment de soi. Sa vie d’alors, danger, risque constant de délation mais aussi générosité de ceux qui le cachaient lui avait fait comprendre qu’il n’est de relation que secrète et d’homme à homme et que « le salut de l’individu ne peut lui venir du monde » (cf. Entretien de M.H. avec R. Vaschalde in M.H., l’épreuve de la vie, Actes du colloque de Cerisy, Le Cerf 2000).

D’autre part, pendant ses mois de clandestinité à Lyon, il avait été marqué par sa lecture de Maître Eckhart, de Kafka, de Kierkegaard, dont les vues sur l’existence avaient pour contre-exemple La critique de la raison pure, le seul ouvrage qu’à son départ pour le maquis du Haut Jura il avait pu emporter dans son sac à dos et dont il avait pu mesurer le caractère spéculatif qui laisse brillamment de côté les vrais problèmes de l’existence. C’est après 1945 que s’est effectuée sa réflexion sur Maine de Biran qui l’a orienté vers l’immanence en même temps qu’il découvrait, a-t-il dit, « des philosophies alors portées sur le devant de la scène par le succès de L’être et le néant (1943), Hegel, Heidegger et surtout Husserl » – ces deux derniers non encore traduits - , Husserl dont il a reconnu que sa méthode phénoménologique l’a aidé à définir le cadre de son travail, même s’il l’a infléchie dans un tout autre sens, initiative consacrée, après des années d’investigation, par L’essence de la manifestation qui traite le problème de l’ego dans sa relation avec l’essence de ce qu’il appelle déjà « la vie ».

Ce renversement capital à l’intérieur d’une branche alors neuve de la spéculation mais qui met également en question toute la philosophie antérieure exigeait de repenser la quasi-totalité de l’œuvre de ses prédécesseurs. Conscient d’aller à contre-courant mais aussi par respect d’une éthique intellectuelle, il a donc exposé son refus d’une philosophie de la transcendance à partir des grands systèmes qui lui ont servi d’antithèses – « les savoirs sont liés », disait-il – en exhibant leurs failles : oubli de l’ipséité du sujet , quand ce n’est pas de l’ego lui-même ; construction d’édifices sans sol où la réalité humaine n’est pensée que dans le vide abstrait de l’opposition du sujet à l’objet ; prise en compte abusive du pouvoir de la raison comme faculté de l’universel ; exigence d’une manifestation dans la lumière du dehors etc. Cette traversée de l’histoire de la philosophie dégage pour la rejeter la continuité inaperçue d’une tradition d’abstraction jamais contestée, dans l’idéalisme en particulier, aussi bien que dans le courant contemporain issu de Heidegger (Sartre, Merleau-Ponty).


  Te souviens-tu de l'oubli. 
Coffret 2008




En notre époque où la philosophie s’est souvent coupée de la réalité pour se griser d’acrobaties, il importe de souligner l’originalité et le sérieux d’une réflexion passionnée qui s’est constamment confrontée à l’épreuve du soi : phénoménologie de l’immanence, édifiée dans le souci de sauvegarder le sujet au lieu de livrer son essence à l’extériorité du monde. Ses principes ont fourni leur armature à ses essais ultérieurs qui dénoncent les errements de l’époque contemporaine - méconnaissance du travail vivant et des valeurs individuelles, dictature des savoirs objectifs et de ce qu’ils engendrent etc. – mais aussi à ceux qui traitent de la positivité de la vie : réflexion sur l’art, la communauté humaine, l’éthique et surtout la reconduction de l’ontologie à sa source véritable dans ses trois derniers ouvrages.
C’est ainsi qu’il a « renouvelé de fond en comble l’idée même de phénoménologie », comme l’a écrit un critique.

Son essai Philosophie et phénoménologie du corps, dont le texte était achevé dès 1949, devant être présenté comme thèse secondaire indépendante, M.H. n’a pas explicitement désigné l’endroit où ses analyses devaient rejoindre celles de L’Essence de la Manifestation. Mais la lecture de ce premier travail avant celle du second est conseillée au lecteur : elle éclaire les intentions de la démarche critique et surtout confère un caractère concret à la relation qu’il institue entre transcendance et immanence ainsi qu’aux attributs de celle-ci, immédiateté, passivité, autonomie, non-liberté etc.

Cette philosophie de l’immanence exigeait un vocabulaire nouveau. M.H. n’a pas caché la difficulté de ses choix. De cette émancipation, créatrice d’un autre type d’écriture, la phénoménologie antérieure avait donné l’exemple. Combattant les abstractions de la philosophie de la conscience comme celles de l’être, il se devait de respecter leur lexique mais aussi de maintenir pour l’ensemble du livre le même niveau technique. La parution prochaine d’un Vocabulaire de M.H. par J.F. Lavigne aidera les débutants...


On lira la suite de la présentation de ce livre de Michel Henry sur le site qui lui est consacré 

                                                                     

Te souviens-tu de l'oubli ?
 Coffret  ouvert  :  images et papiers divers sur lesquels est écrit le poème que voici :


Te souviens- tu
de l’oubli,
des chemins
des dons
des jardins
des voix
de ta chair
de Son Nom
des péchés roses
des passages
sans fin
des salutations
Te souviens-tu
des visages
des formes
des voiles
des tableaux
des taches
des mots
des mélanges
Te souviens-tu ?


Robert Empain 2008

 




Texte : Michel Henry ; Illstrations : oeuvres de Robert Empain

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Partagez un commentaire sur cette publication