mercredi 30 août 2017

Empêchons-le d’étendre sa main et qu’il prenne aussi de l’Arbre de Vie

Grâce à Thierry Berlanda

Si pour la plupart de nos contemporains rendre grâce ne signifie plus rien, rendre grâce signifie tout pour nous ! Car si rendre grâce est la vocation affirmée de ce blog, rendre grâce est avant tout la vocation de l'homme, car de sa gratitude dépendent sa vie et son devenir, à savoir sa résurrection !  Cette note, donc, comme les précédentes consacrées aux livres de Thierry Berlanda (1) rendra grâce à un homme fidèle à sa vocation d’homme. Et ce particulièrement aujourd’hui avec la parution de son dernier roman, Naija, aux Editions du Rocher.


Présentation du livre par l'auteur

On a retrouvé un industriel de l'agro-alimentaire dans une bétaillère, réduit en charpie par des vaches affolées. Cette mise en scène n'ayant pu être conçue et exécutée que par une équipe bien organisée, l'Autorité lance à sa poursuite l'unité Titan, composée de liquidateurs ayant tout pouvoir et ne référant qu'à elle.  Voilà pour le pitch ! Mais le roman ne consiste pas qu'en la traque des commanditaires de ce crime insolite : il met en question ce qui est notre bien le plus précieux, notre humanité elle-même, soumise au risque de son anéantissement. Ce risque est d'ailleurs, selon moi, le véritable ressort de ce thriller. Où ces puissances de mort opèrent-elles ? Au Nigeria, à Lagos, mais ce pourrait être ailleurs. Quels visages revêtent-elles ? Le transhumanisme, le trafic d'organes, l'eugénisme, l'humanité augmentée, qui menacent de nous arracher à nous-mêmes. Mais est-ce vraiment une menace, ou au contraire une promesse bénéfique ? Et si c'est une menace, savons-nous encore dire pourquoi ? C'est à cette question que les deux agents Titan vont être finalement confrontés, dans un combat paroxystique où non seulement leur propre vie sera bien sûr engagée, mais aussi la Vie elle-même... dont on se demande depuis des millénaires ce qu'elle est, et dont nous ne découvrirons peut-être le sens qu'au moment de la perdre.


Ce nouveau roman, je le qualifierai avec Thierry Berlanda de thriller métaphysique, car s'y trouve posée en effet la question de l’homme, la question de sa vie, celle de la Vie absolue, de sa donation, de son recueillement ou de sa négation. Cette question, brûlante comme jamais, de la survie menacée des vivants est posée dans La Barbarie que démasquait Michel Henry en 1986 en ces termes : « La barbarie est la maladie de la vie qui réside dans l’occultation par l’homme de son être propre. (…) « Cette auto négation de la vie est l’événement crucial qui détermine la culture moderne en tant que culture scientifique, phénomène qui va de pair avec l’élimination des autres domaines spirituels. Or tout homme se meut à l’intérieur du monde de la vie, il est épreuve de soi, subjectivité, singularité, auto-accroissement, travail personnel sur soi, aspect jamais pris en considération par la science. Voilà pourquoi la rupture de ce qui lie la vie avec elle-même est catastrophique et source d’angoisse. » Et  encore, dans La Barbarie : « Quand ce qui ne sent rien et ne se sent pas soi-même, n’a ni désir ni amour, est mis au principe de l’organisation du monde, c’est le temps de la folie qui vient, car la folie à tout perdu sauf la raison » Enfin, se demandait Michel Henry à la fin de cet ouvrage : « Le monde peut-il encore être sauvé par quelques uns ? » (2)

Et donc, disons le dès à présent, si nous vivons par une grâce du Vivant nous sommes malades de notre incapacité à lui rendre grâce. 

Dans un entretien de mars 2017, à propos de Naija, Thierry Berlanda répondait ceci :     
Question : Trafic d’organes, manipulations génétiques, nanotechnologies ultra-performantes… vous abordez à travers ces thématiques une question cruciale : celle de la valeur et du sens même de la vie. En tant que philosophe, comment percevez-vous ces questions éthiques ?
Thierry Berlanda : C’est le grand défi de notre temps : sommes-nous encore assez attachés à notre propre humanité pour ne pas la laisser disparaître ? Elle est menacée par l’évolution climatique, par le risque démographique, par le péril nucléaire, par la bombe à retardement sanitaire, et par d’autres titans non moins inquiétants, mais je crois que tous ces grands périls n’auraient pas même pointé à l’horizon si nous n’avions pas craché sur ce qui nous constitue comme humains, c’est-à-dire le caractère sacré de la vie. Et que ce soit notre propre vie, mais aussi la vie animale, par exemple, dont le sort qu’on lui réserve dans nos abattoirs est pour moi un motif de colère et de chagrin. Or la nouvelle et peut-être dernière étape de notre effondrement, et c’est un indécrottable optimiste qui vous le dit (je préfère préciser…), passe sans doute par les développements bio-technologiques, actuels ou prévisibles. Ils visent à nous débarrasser de notre propre chair, ce qui serait précisément l’arrêt de mort de toute humanité possible. Cette entreprise, vraiment diabolique, c’est-à-dire relevant de notre haine à l’égard de nous-mêmes, est à la racine de tous nos autres maux. C’est donc prioritairement elle qu’il faudrait arracher. En écrivant Naija, j’ai essayé de prendre ma petite part à cette mission. (…)
Question : Suspense psychologique, roman historique, thriller, chronique corrosive…vos romans sont très différents les uns des autres. Y-a-il d’autres genres littéraires que vous souhaiteriez explorer ? Pourquoi ?
T.B : Je ne m’interdis aucun écart ! Le roman historique m’intéresse aussi, et pourquoi pas la biographie romancée, voire même la romance tout court. Mais dans tous les cas, même dans les comédies que je pourrai ou que j’ai pu écrire, mon souci est toujours de faire apparaître l’humanité comme telle, débarrassée de ses parures, figures, postures et autres caricatures. Ce qui m’intéresse, c’est la réponse à la question éternelle : qu’est-ce qu’un homme ? Elle se pose avec d’autant plus d’acuité qu’il est possible que l’homme disparaisse avant qu’on ait pu répondre à cette question.  Avouez que ce serait bête !

Qu’est-ce que l'homme ? Et qu'est-ce que sa bêtise ?
Le poète et roi David dans un psaume, c'est-à-dire une action de grâce adressée à L'Eternel Vivant, posait cette question et y répondait :  
Qu'est-ce que l'homme, pour que tu te souviennes de lui ? Et le fils de l'homme, pour que tu prennes garde à lui ? Tu l'as fait de peu inférieur à Dieu, Et tu l'as couronné de gloire et de magnificence. Tu lui as donné la domination sur les oeuvres de tes mains, Tu as tout mis sous ses pieds, Les brebis comme les boeufs, Et les animaux des champs, Les oiseaux du ciel et les poissons de la mer, Tout ce qui parcourt les sentiers des mers. Eternel, notre Seigneur ! Que ton nom est magnifique sur toute la terre !

Avec Michel Herny, philosophe essentiel pour moi comme pour Thierry Berlanda et pour notre temps barbare, nous répondons que l'homme est un vivant dans la Vie absolue, une Vie qui lui donne la vie et tous ses pouvoirs, y compris celui de la nier et d'en être malade de la maladie de vivre...

La Vie pourtant ne peut que se donner à l'homme et jamais se reprendre, car la Vie est Don et Amour absolus. La Vie nous est donnée à jamais. La Vie absolue est éternelle et ne peut mourir. Elle peut s''éprouver éternellement dans la joie et la gratitude comme elle peut s'éprouver éternellement dans la négation, dans la souffrance d'un exil ou d'un enfer dont l'homme a oublié la cause. Une cause dont il peut encore se souvenir et que lui rappellent les vivants poètes de passage. 
L'exil caractérise notre condition humaine présente dans l'existence. L'existence est notre vie même vécue en Dieu - la Vie absolue - mais vécue dans l'illusion que cette vie est vécue hors de Lui, dans un corps mortel, existant dans le temps et l'espace d'un monde ; celui-ci nous étant donné pour notre retournement vers la Vie, vers la grâce donnée rendue, donnée et rendue infiniment dans la gratitude qui peut ressusciter la Vie. 

Le transhumanisme exprime le profond désir d'éternité qui nous est donné avec la Vie absolue. Mais aucune technique humaine ne pourra atteindre la Vie absolue, à savoir celle de Dieu et de son Esprit. Mais ce désir insensé, armé des pouvoirs transgressifs de la science, peut toutefois jeter l'homme dans un exil à durée indéfinie dans le temps et l'espace d'un monde délirant que nos traditions ont nommé Enfer. 

Cet enfer est et sera le séjour des morts-vivants que deviennent les vivants qui persistent dans le refus du Don de la vie, le refus de la grâce reçue, reconnue et rendue, le refus de notre gratitude. 
Cette persistance dans le refus, comme le dit Thierry Berlanda serait bête,  notre bêtise humaine, aussi savante qu'elle s'imagine, consistant à désirer trouver la Vie là où elle ne vit pas : hors de sa seule Réalité, qui est en nous. 

« Et dit YHWH Elohim : Empêchons-le (l’Adam) d’étendre sa main et qu’il prenne aussi de l’Arbre de Vie et qu’il mange et qu’il vive continuellement ( dans les temps extérieurs ) dans l’oubli. »  
Genèse III, 17 - Traduction Annick de Souzenelle (3)

Bonne plongée dans Naija et de sa suite dors et déjà annoncée... 

(1) Il suffit pour retrouver ces notes publiées ici de cliquer dans la colonne latérale sur Grâce à Thierry Berlanda
(2) Il suffit pour retrouver ces notes publiées ici de cliquer dans la colonne latérale sur Grâce à Michel Henry  
(3)  Alliance de feu II Une lecture chrétienne du texte hébreux de la Genèse par Annick de Souzenelle Il suffit pour retrouver ces notes publiés ici de cliquer dans la colonne latérale sur Grâce à Annick de Souzenelle.

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