lundi 7 août 2023

Puiser à la vie du Christ pour la partager, tel est le sacerdoce commun des fidèles

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Fête de la Transfiguration


Homélie du Très Révérend Père Dom Jean PATEAU


Abbé de Notre-Dame de Fontgombault

(Fontgombault, le 6 août 2023)

Bonum est nos hic esse.


Il est bon que nous soyons ici.

(Mt 17,4)







Chers Frères et Soeurs,


Mes très chers Fils,


La Fête de la Transfiguration nous offre d’assister à un événement assez unique : Pierre est content, et il le dit. Avant sa tardive conversion, le patron pécheur de Capharnaüm avait la fâcheuse habitude de récriminer. Là, il est heureux. "Il est bon que nous soyons ici."


Pour que ce bon moment dure, il faut abriter dignement ces hôtes revêtus de la gloire céleste. Trois tentes s’imposent ; une pour le Seigneur, une pour Moïse et une pour Elie. Pendant que Pierre pense à l’intendance, Jésus s’entretient avec Moïse et

Elie de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem. (Lc 9, 31) Ce départ, en grec ἔξοδος, exodos, c’est sa mort, porte parlaquelle passe le chemin vers la Résurrection et l’Ascension.


La croix, écrivait Benoit XVI, est l’acte de l’« exode », l’acte d’amour accompli jusqu’à l’extrême et «jusqu’au bout » (Jn 13,1) C’est pourquoi elle est le lieu de la gloire, le lieu du vrai contact et de l’union véritable avec Dieu qui est amour (cf. 1 Jn 4,7-16). 1


L’évocation de la Passion invite . mettre en parallèle les écrits de la Transfiguration et de l’agonie à Gethsémani. L’un et l’autre commencent de la même faç.on. Jésus prend les trois disciples aimés. Il s’éloigne pour prier. Les disciples s’endorment. A la Transfiguration, Jésus s’entretient avec Moïse et Elie. A l’agonie, c’est avec son Père et un ange que s’établit le dialogue. A leur réveil, les disciples voient sur le Thabor la gloire de Jésus et deux hommes qui se tiennent avec lui. Au jardin des Oliviers, c’est un visage mouillé de sueur, défiguré par la douleur de l’agonie, qu’ils ont en face d’eux.


La théophanie du Thabor, l’élévation en gloire du Seigneur, s’achève par la parole du Père : " Celui-ci est mon Fils bien aimé, en qui je trouve ma joie ; écoutez-le." (Mt 17,5) 

Le mystère de l’Agonie qui se poursuit dans l’élévation en Croix au Calvaire trouve son épilogue dans la Résurrection, ultime parole du Père.


Le Père éternel a dit une seule parole : c’est son Fils. Il la dit éternellement dans un éternel silence. C’est dans le silence de l’âme qu’elle se fait entendre", affirme saint Jean de la Croix. (Maxime 147)


Pour Pierre, Jacques et Jean, pour les disciples, pour nous aussi, jour après jour, résonne l’appel à rencontrer le Christ glorieux. Mais est-ce que cela suffit ? Le Christ n’a pas voulu demeurer sur la montagne du Thabor. En descendant de la montagne, il ajoute cette recommandation aux trois disciples : "Ne parlez de cette vision . personne, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts." . (Mt 17,9)  Ce disant, ne nous inviterait-il pas à ne pas nous arrêter en chemin, mais à poursuivre jusqu’au matin de Pâques ?


Le Christ du Thabor n’est-il pourtant pas le même que celui du matin de Pâques, le Christ en gloire ? Est-ce si certain ?


Au Cénacle, le Christ offre à ses disciples sa gloire ornée des marques nouvelles de sa Pâque : son côté  percé, ses mains et ses pieds portant la trace des clous. Ses plaies sont pour lui un troph.e. L’immense amour de Dieu pour les hommes est désormais rendu visible : " Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on

aime." (Jn 15,13)  Tel est le pas qu’il restait à accomplir au Seigneur. Tel est celui qu’il nous reste encore à accomplir : donner sa vie. Rencontrer simplement le Seigneur ne suffit pas. Il nous faut communier . sa vie, communier au mystère pascal afin de vivre vraiment de sa vie.


Pour donner sa vie, le Seigneur a accompli sa Pâque. Nous sommes invités à emprunter ce chemin. Alors, avec saint Paul, nous pourrons dire : "Avec le Christ, je suis crucifié. Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi. Ce que je vis aujourd’hui dans la chair, je le vis dans la foi au Fils de Dieu, qui m’a aimé et s’est livré lui-même pour moi. (Gal 2,19- 20)


En méditant le comportement de Pierre au sommet du Thabor, nous comprenons combien nous lui ressemblons. Rencontrer Jésus nous suffirait bien. Faudra-t-il rencontrer sa croix ? Jésus répond par sa vie que tout n’est consommé que dans la rencontre avec la croix, que dans le don de sa vie.


Pour nous, le lieu éminent de la rencontre avec le Christ, le lieu de la communion à sa vie, c’est la Messe " Ceci est mon corps, donné pour vous. Faites cela en mémoire de moi." Lc 22,19) Là, le Christ veut bien demeurer. Il le fait dans la tente qu’est le tabernacle. Alors nous pouvons dire en vérité et avec lui : " Il est bon pour nous d’être ici."


Le prêtre est l’humble et nécessaire serviteur de la présence sacramentelle du mystère pascal de la mort et de la résurrection du Christ. Par le sacerdoce ministériel, le corps et le sang du Christ sont rendus présents sur l’autel. Peut-être serions-nous tentés alors, d’établir notre demeure dans la maison de Dieu, ou plus justement de mettre la maison de Dieu aux dimensions de notre demeure : "Il est bon pour nous de rester ici " ?  Jésus ne le veut pas : " Levez-vous", dit-il. Le Christ a donné sa vie, et cette vie doit éblouir le monde. Nourris de cette vie, il nous reste à offrir désormais la nôtre. 

"Faites ceci en mémoire de moi."


Puiser à la vie du Christ pour la partager, tel est le sacerdoce commun des fidèles. Communier à l’Eucharistie, c’est communier à la Croix. Communier à la vie du Christ, c’est vivre de cette vie et la rendre féconde en en posant les actes : donner sa vie pour ceux qu’on aime.


Concluons par les paroles de saint Jean-Paul II : 


Marie chante les « cieux nouveaux » et la « terre nouvelle » qui, dans l'Eucharistie, trouvent leur anticipation et en un sens leur « dessein » programmé. Si le Magnificat exprime la spiritualité de Marie, rien ne nous aide à vivre le mystère eucharistique autant que cette spiritualité. L'Eucharistie nous est donnée pour que notre vie, comme celle de Marie, soit tout entière un Magnificat ! (Ecclesia de Eucharistia, nÅã 58)


Que Marie, Mère des prêtres, protège en eux l’image de son Fils. Que ces vies offertes résonnent en Magnificat. Demandez à Dieu des vocations sacerdotales et religieuses. Que l’appel du maître de la moisson en vue d’un don total et sans retour au service du Seigneur et de l’église reçoive un accueil généreux parmi les très nombreux jeunes réunis autour du Saint-Père aux JMJ de Lisbonne. Priez assidûment pour vos prêtres. Ils dépendent de vous. Là sont les serviteurs de vos vies dans le Christ, du don de vos vies et de l’accueil de sa Croix. Amen.






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