samedi 10 janvier 2015

L'incroyable désir d'aimer que vous m'avez donné


Grâce à vous Robert et Marcelle,  mes chers parents



Robert et Marcelle, mes chers parents, ont quittés ce monde
le 9 janvier 2004 pour Maman et le 9 janvier 2009 pour Papa,
un même jour, au même âge, à cinq années d'écart.



Mon Père était si vif qu'à dix-sept ans il courait le quatre-vingt mètre mètres en neuf secondes et des poussières, ce qui était, selon ma Mère, le record absolu de la province du Hainaut. 
Sa vivacité extraordinaire lui a sauvé la vie un jour de la fin mai quarante où il venait d’avoir vingt ans et que la drôle de guerre était perdue. L’Etat-Major, où Papa était aide de camps, n’avait fait que reculer vers le Nord, dans les Flandres, de château en château. Là, acculés à la mer, paniqués, le dernier ordre des hauts gradés fut : chacun pour soi et bonne chance à tous !  Papa fut pris par les allemands avec les milliers de soldats qui fuyaient sur les routes et que les vainqueurs entassaient dans des camions. Profitant d’un arrêt du convoi, d'un bond, Papa sauta du camion et courut encore plus vite que d’habitude dans les bois et les champs de Flandres. 
Par chance, dans une ferme isolée, on lui donna un vélo, et par les petites routes, il fonça à toute vitesse vers sa fiancée, la femme de sa vie, celle qu’il aimait à la folie, la belle Marcelle, ma Mère. Marcelle, l'inespérée, la musicienne, la poète, celle dont toute la ville de Binche disait qu'elle ne marchait pas mais qu'elle sautait de joie, et même qu'elle volait en chantant dans les rues comme un pinson ! Marcelle, son aînée de cinq ans, qui était courtisée par les plus beaux partis de la ville. Marcelle, que mon jeunot de Papa ne savait pas comment conquérir sinon en lui criant son incroyable désir de l'aimer et de vivre, en lui lançant son regard noir et vif et parfois même, m'a-t-elle dit, en se tapant la tête contre un mur jusqu'au sang ! Marcelle qui l'aimait tant, et qui l'aime tant depuis cinquante ans, qu’elle a tout donné.  Oui,  toute cette vivacité, tout cet amour, toute cette passion et ce vif appétit de la vie que vous aviez, vous nous les avez donnés à pleines mains à nous, vos quatre garçons. Et vous l'avez nourrie intensément de tout ce qui est vivant : des meilleures nourritures terrestres et célestes, d'embrassades, de musiques, de poésies et de rires, de festins, de cris, de disputes, de tourments, de colères, de peurs, de pleurs, de pardons, de prières et de courage. 
Papa, le Nom que tu portes et que tu as donné à Maman et à nous tes enfants, après l'avoir reçu toi-même, ce nom de pain nourricier, de pain d’amour, tu l’as incarné, vous l’avez incarné Maman et toi, et, malgré toutes les adversités et les peines, vous l'êtes devenu ce Pain,  car vous n'avez fait qu'un dans ce devenir. Oui, chers Parents, chers Robert et Marcelle, chers enfants de Dieu, ce Pain de vie, vous nous l’avez donné à manger chaque jour et il n’a pas fini de nous nourrir.

Illustration : photographie de Gérard Lebrun 
Texte : extrait de Ad Imaginem Dei 1 L'oeuvre invisible. Robert Empain





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