samedi 25 janvier 2014

Une empreinte vivante sur les parois de ma chapelle de chair


Extrait de Ad Imaginem Dei
de Robert Empain 

Ce livre de 367 pages illustrées est disponible sur iTunes store


Grâce à Giotto di Bondone

De passage à Padova, j’entre voir Giotto à la chapelle des Scrovegni. 
Me voici dans l’un des plus fabuleux vaisseau spatial jamais construit par l’homme. Je suis le seul voyageur à bord (il est un peu tôt pour le troupeau Kodak). Juste à temps, nous partons. Envol doux de tout l’édifice, turbulence légère des couleurs minérales, bleues, terre verte, terre grise, ocre jaune, rouge... Tête en bas, pieds en haut, œil partout. D’emblée, je reconnais le Livre Saint original, la Légende dorée, le livre d’images prototype de la vie de Jésus et de ses parents terrestres, le modèle de tous les livres d’images saintes, dont je reçus à cinq ans une pâle copie : La miche de pain, alors que j’étais au jardin d’enfants, à l’école de l’Enfant Jésus. 



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Où suis-je ? En moi : ces icônes géantes sont peintes sur les parois internes de mon corps. Ces anges, ces visages, ces mains, ces êtres traversent mes yeux et viennent toucher mon enfance, ma chair, mon âme. 
Voici Le rêve de Joachim, La rencontre à la porte d’Or, La naissance de Marie, Les prétendants remettant les verges. Le mariage de Marie. Voici L’Annonciation. L’ange Gabriel d’un côté, Marie de l’autre, au beau milieu l’arc triomphal du cœur que transperce le Christ majestueux trônant sur la cible, la porte de la Jérusalem céleste. 


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Virage à tribord, retour sur terre : Nativité, Fuite en Egypte, Massacre des innocents.
Maintenant le ciel se déchire, voici Le Baptême du Christ, un abrégé fulgurant du voyage : du fond vaseux de l’inconscience engloutie surgit le corps double de Jésus : l’un est transparent dans l’eau matricielle, l’autre est luminescent dans l’azur. Le corps du Christ est ici tout entier tendu vers une cicatrice sidérante de lumière, une fissure dans la fresque éclaboussée de ciel, une miraculeuse déchirure opérée par le temps... 


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Résurrection immédiate ! 

Clac ! l’éclairage automatique s’enclenche. 
Voici la visite de l’autocar, appareils photos sur bedons et bermudas fleuris.

Dernier regard au baiser de Judas à Jésus au Jardin des oliviers. Fin du voyage. Retour dans l’ici bas. Saint Pierre coupe l’oreille du soldat, une silhouette grise capuchonnée, vue de dos, tire un rideau sur la scène de la trahison. 

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J’emporte ce miracle avec moi comme un songe majeur, une empreinte vivante sur les étroites parois de ma chapelle de chair.

Illustrations : Images des fresques de Giotto à la chapelle des Scrovegni à Padova. Italie; Treizième siècle.
Texte : extrait de L'oeil joyau. Carnets 1980-1985. Robert Empain. Editions Ré. Bruxelles. 1999

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